L’ANNÉE 2024 MUNICIPALE
La semaine dernière, nous étions intéressés aux vœux pour 2024 de la présidente de la Métropole Aix-Marseille. Cette semaine, ce sera donc le tour de ceux du maire de Marseille
La politique de la municipalité pour le centre
Le centre, ses réaménagements, ce que l’on peut appeler sa « réurbanisation », font partie des priorités affichées de la municipalité.La politique du centre n’est pas clairement définie dans les vœux de B. Payan qui n’a véritablement annoncé aucun projet de réurbanisation. Car c’est vraiment de cela qu’il s’agit. Le centre a fini par échapper à la politique de la ville et aux projets d’urbanisation ; cela explique qu’il donne cette impression d’abandon, en particulier à Noailles. Une véritable politique pour le centre devrait commencer par sa piétonnisation. Pour aménager le centre et lui permettre de retrouver ses paysages, il faut commencer par enlever les voitures ; cela devient une urgence. L’insécurité vient aussi des risques que l’on court en se déplaçant à pied dans le centre de la ville. L’autre levier de la politique du centre est la réhabilitation des constructions et des immeubles, qui se sont dégradés au fil du temps sans que leurs propriétaires ne se décident à les remettre en état. Pour cela, il importe d’engager une politique à la fois urbaine et financière, avec la contribution fiscale des propriétaires et des agents immobiliers de location, et des dotations particulières des autres acteurs de l’état (la métropole, le département, mais aussi la région, qui bénéficierait d’une attractivité nouvelle de Marseille). Enfin, une véritable politique de réhabilitation du centre, disons-le ici une fois de plus, passe par l’entretien et la propreté. La métropole ne nettoie que les quartiers Sud, à la fois parce que ce sont les quartiers riches et parce que cela ne l’intéresse pas d’améliorer l’image de Marseille. Nous sommes, une fois de plus, devant les problèmes posés par la petite conflictualité minable entre les deux collectivités. Mais la propreté et l’entretien de l’espace du centre consiste aussi dans la nécessité de faire retrouver à celles et ceux qui habitent Marseille le goût d’y revenir. Le centre a été vidé de sa vie par le départ des entreprises et des commerces qui doivent y retrouver leur place pour qu’il soit mis un terme aux magasins fermés et aux rideaux baissés qui contribuent pour une large part à l’impression d’abandon du centre de la ville.
La question de la sécurité
À la fois sous la pression de la droite, en raison d’événements qui se produisent pour accroître un sentiment d’insécurité et parce qu’il s’agit d’une obsession politique générale dans notre pays, le maire n’a pas pu échapper, dans ses vœux, à ce qui est devenu une norme du discours politique. Il faut parler de la sécurité. Cela explique qu’il ait annoncé l’installation d’un poste de police municipal en plein centre, au croisement de la Canebière et du cours Saint-Louis. Mais réduire à une affaire de police les aléas du marché informel de Noailles ou les actes de violence perpétrés dans le centre est une conception simpliste de la politique municipale. Sans doute faudrait-il, enfin, s’attaquer aux problèmes qui engendrent la montée de la violence : le manque d’un réel projet d’urbanisation et l’absence de véritable politique d’entretien du centre. L’autre annonce concernant la sécurité est ce que le maire appelle « l’impérieuse nécessité de protéger ». Mais il ya une marge entre se soumettre à une nécessité (nous protégeons parce qu’il le faut) et concevoir une politique véritable qui ne limite pas à la sécurité au « devoir de protéger », mais qui définisse clairement ce que représente la sécurité pour la municipalité. « Protéger », c’est déjà un aveu d’échec car c’est se fonder sur une menace existante, alors qu’il vaudrait mieux ne pas tomber dans le piège de la soumission à des fantasmes de menace. Pour que le centre soit « sûr », il faut qu’il redevienne un véritable espace de ville.
La municipalité et la métropole
La politique de la municipalité a sa place dans les conflits entre elle et la métropole. Les acteurs politiques et économiques de la ville, municipalité, métropole, mais aussi chambre de commerce et acteurs de l’aménagement, doivent élaborer une politique commune – ou, au moins, mettre en commun leurs politiques, dans une planification qui exprimerait leurs intentions dans un projet partagé et, surtout, situé dans le temps. D’abord, il ne s’agit pas seulement « d’attractivité » et de « fonction économique ». Il devient urgent de cesser de réduire la politique à sa dimension économique et financière comme le font, à une autre échelle, le président de la République et le gouvernement. La politique a été littéralement polluée par les contraintes issues du libéralisme. À Marseille, le « Printemps » avait cela dans ses projets et dans ses idées. Il ne faut pas que le printemps de Marseille replonge dans un automne ou un hiver qui lui feraient perdre son identité en réduisant sa politique à des idées d’attractivité, de tourisme et de concurrence, mais il ne retrouvera sa force que si ses décideurs imaginent des projets laissant leur place à la liberté et à la vie des habitantes et des habitants, à leur vie quotidienne, qui leur permet pleinement de retrouver leur ville. La rivalité et la guerre entre les pouvoirs ne peuvent qu’empêcher la construction d’une ville autour de projets dans lesquels nous pouvons nous retrouver au lieu de nous y perdre. Le grand défaut de la décentralisation à la française a été l’émiettement des pouvoirs et la concurrence entre eux, alors qu’ils devraient mettre, justement, à profit la multiplication des acteurs pour enrichir l’invention d’un urbanisme renouvelé. Pour cela, la municipalité et la métropole doivent utiliser leurs différences en mettant leurs ressources en commun et profiter de cette année nouvelle pour imaginer une autre façon d’exercer leurs pouvoirs. Trop de temps, trop d’argent, trop de moyens ont été perdus dans cette guerre de clans. C’est pourquoi la relance du centre promise par le maire dans ses vœux doit être une relance réelle, impliquant tous les acteurs, y compris les habitantes et les habitants, et engageant une politique réelle au lieu qu’il ne s’agisse que d’un fantasme de politique.
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