Saint-Chamas : 13 000 tonnes de déchets restent à évacuer et toujours personne pour payer

Actualité
le 10 Jan 2024
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Voilà deux ans que des milliers de tonnes de déchets calcinés, issus d'un vaste trafic, gisent à Saint-Chamas. Tandis que la métropole négocie pour racheter le terrain sur lequel ils se trouvent, l'État vient de dégager 1200 tonnes pour sécuriser le site. Ni la métropole ni l'État ne souhaitent financer l'évacuation du reste.

Les pompiers du département ont œuvré pendant plus d
Les pompiers du département ont œuvré pendant plus d'un mois pour éteindre le feu à Saint-Chamas, derrière lequel se cachait un vaste trafic de déchets (Photo : VA)

Les pompiers du département ont œuvré pendant plus d'un mois pour éteindre le feu à Saint-Chamas, derrière lequel se cachait un vaste trafic de déchets (Photo : VA)

Plus que 12 800 tonnes. Deux ans précisément sont passés depuis l’incendie monstre d’un entrepôt de stockage illégal à Saint-Chamas. Ces monceaux de matériaux brûlés reposent toujours sur un terrain privé de cette commune des rives de l’étang de Berre. “Deux ans que l’on souffre de cette situation”, rappelle Didier Khelfa, le maire (divers centre) de cette petite ville. Deux ans que les Saint-Chamasséens passent devant des montagnes de plastique, pneus, bois et autres gravas calcinés, amassés là dans le cadre d’un vaste trafic de déchets. Un décor qui disparaît, à la lenteur de la machine administrative des institutions publiques.

Ce week-end, la préfecture envoyait ainsi à la presse un communiqué pour annoncer l’évacuation de 1200 tonnes de déchets “en vue de sécuriser le site” en question, comme l’indiquait La Marseillaise dès le 5 janvier. Plus précisément, il s’agit de l’évacuation de déchets non brûlés, risquant donc de prendre feu. “Compte tenu de l’insolvabilité de l’exploitant, cette opération est intégralement prise en charge par l’État”, complète la préfecture qui a déboursé 300 000 euros tandis que l’instruction mettant en cause les acteurs de ce trafic court toujours. Dans cette affaire, huit personnes sont mises en examen pour gestion irrégulière de déchets, escroquerie, exploitation irrégulière d’installation classée, destruction par incendie. Le tout en bande organisée.

En février 2022, 6000 tonnes avaient déjà été extraites de ce terrain privé qui en comprenait 30 000. L’opération devait permettre aux pompiers d’éteindre le feu, qui s’est consumé plusieurs semaines durant. Celle-ci a été réalisée avec l’intervention de Veolia et aux frais, cette fois-ci, de la métropole, “au vu de l’impérieuse nécessité”, précise Didier Khelfa, également vice-président de cette collectivité. Restent donc désormais sur place 12 800 tonnes, dont l’évacuation est estimée à 3 millions d’euros.

Discussions de rachat

Qui va gérer ? Qui va payer ? Pour le moment, rien n’est acté. Mais un scénario se dessine. Outre le fait que les déchets restants sont difficilement, voire pas du tout, valorisables – il s’agit de résidus brûlés – le terrain sur lequel ils se trouvent est privé. Dans ce cadre, “rien n’est possible et je serais dans l’illégalité si j’agissais”, réagit Didier Khelfa. Une affirmation qui vaut autant pour le maire que pour l’élu métropolitain qu’il est. L’intercommunalité est donc entrée en discussion avec les propriétaires pour un rachat à l’amiable du lieu, avec cette fois-ci, sa casquette métropolitaine. Une information que confirme la préfecture dans son communiqué : “Aujourd’hui la possibilité du rachat du terrain par la métropole avec l’aide de l’Établissement public foncier PACA, en vue d’agrandir la zone d’aménagement concerté (ZAC) des Plaines sud sur laquelle il est situé, est à l’étude. Sa finalisation permettrait de mobiliser les financements nécessaires à l’évacuation des derniers déchets”, écrivent les services de l’État.

Contactée par Marsactu, l’une des propriétaires de ce hangar de 3000 mètres carrés et du terrain attenant répond ne pas vouloir se prononcer pour le moment, sans pour autant démentir. “Je ne m’exprime jamais sur les choses qui ne sont pas encore faites”, indique Brigitte Barnéoud. Sa société immobilière s’est par ailleurs constituée partie civile dans l’affaire concernant le trafic de déchets. Si, comme l’envisage le maire de Saint-Chamas, ces négociations sont fructueuses, l’opération d’évacuation pourrait alors être réalisée par la métropole. Reste la question la plus délicate : qui paye ?

L’État désengagé, avant de se raviser

Dans un premier mail, l’État fait preuve d’une étonnante inflexibilité : “La nature [des déchets] n’engage par conséquent pas l’État à une quelconque prise en charge de l’évacuation”, peut-on y lire. Mais ce mardi 9 janvier, une nouvelle version du texte est parvenue dans les rédactions. Intitulée “annule et remplace”, celle-ci ne comprend plus la phrase suscitée. L’État a-t-il revu sa position ? Contactée, la préfecture n’a pas répondu à Marsactu dans les temps impartis à la publication de cet article.

Le 2 janvier, le député (Renaissance) de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône – qui comprend Saint-Chamas – Jean-Marc Zulesi saisissait le ministre de la Transition écologique sur cette question. Après avoir décrit une “situation inacceptable” celui-ci a demandé à Christophe Béchu “dans quelle mesure le gouvernement pouvait intervenir afin d’assurer efficacement l’enlèvement de ces déchets.” Une question qui reste, en cette période de remaniement, sans réponse directe.

De son côté, la métropole ne cesse de répéter qu’elle ne pourra financer la totalité de l’enveloppe à dédier à cette évacuation. “Notre compétence, c’est le ramassage des ordures ménagères, et c’est déjà pas mal. La seule chose qu’on puisse envisager, c’est qu’on le fasse et que l’État nous rembourse”, glisse-t-on dans les couloirs de la collectivité. Une autre source également sous couvert d’anonymat abonde : “On ne paiera pas la dépollution à la place de l’État.” Optimiste, le maire de Saint-Chamas imagine quant à lui toujours une solution tripartite. L’État, la métropole, mais aussi sa commune, mettraient au pot. “Je suis prêt à mettre un peu pour sortir de cette situation”, affirme l’édile qui envisage un emprunt. Cela se fera, forcément, au détriment d’autres investissements. Quand il rapporte gros à une poignée d’hommes, le trafic se fait toujours au détriment des autres.

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Commentaires

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  1. petitvelo petitvelo

    Il me paraîtrait juste que celui qui a manqué de vigilance dans sa mission de contrôle paie à la place du failli… ça serait sûrement bénéfique à la priorisation de cette mission de contrôle

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Malheureusement, ceux qui vont payer en définitive c’est vous, c’est moi. Les organismes de contrôle ont-ils les moyens de leur tâche? Ces organismes font partie du service public, terme devenu un gros mot depuis quelques années, et tout est fait pour restreindre leur financement. Dommage.

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  2. Richard Mouren Richard Mouren

    Malheureusement les dirigeants de cette entreprise qui ont dû malgré tout encaisser pas mal d’argent pour l’entreposage de ces 13000 tonnes de déchets ont certainement organisé leur insolvabilité et il n’y aura certainement rien à récupérer de ce côté-là.

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