La vente aux enchères de la collection des santons Carbonel ravit les fadas de la crèche
La collection personnelle de Marcel Carbonel, emblématique santonnier marseillais, était mise aux enchères ce jeudi, réunissant une foule de passionnés. Certains étaient présents pour le plaisir, d'autres avaient en tête des objets bien particuliers à acquérir. Certains lots sont partis à plus de 2500 euros.
Suzanne Prat, en admiration devant la collection de Marcel Carbonel, exposée en intégralité pour la dernière fois. (Photo : RM)
“2 800 une fois, 2 800 deux fois, 2 800 trois fois… Adjugé, vendu !”. Bim ! À la Maison de Baecque à Marseille, en cet après-midi du 30 novembre, se tient la vente aux enchères de la collection personnelle du santonnier Marcel Carbonel, décédé en 2003. La salle est remplie d’une flopée de curieux partageant le même engouement pour la tradition provençale. Une ferveur qui a même attiré Benoît Payan, le maire de la ville, venu à “titre privé”, précise-t-il, pour “offrir à [sa] grand-mère un lot auquel elle tient beaucoup”.
Peu lèvent le bras pour acquérir les différentes pièces proposées, mais tous s’agitent lors des explications. Ici un couple ne peut s’empêcher de se commenter à l’oreille le lot présenté, là une petite dame se redresse d’un coup pour tenter de mieux analyser l’objet mis en vente. Cette collection historique regroupe quelque 2 500 santons représentant, tel que le décrit le commissaire, Jean-Baptiste Renart, “à la fois un panorama de ce qu’est l’art santonnier depuis le 18ᵉ ainsi qu’un éventail de toutes les inspirations de Marcel Carbonel. Elle met à jour et à l’honneur les santonniers et les santonnières les plus renommées”.
Parmi cette myriade de passionnés, André Poggio a fait deux heures de route depuis Digne-les-Bains avec sa femme exprès pour l’évènement. Vêtu d’un long manteau noir et d’un chapeau, il explique d’un grand sourire être là pour une pièce spécifique : “une figurine d’une artiste qui a par ailleurs illustré à l’encre de Chine l’histoire des santons. Depuis que je l’ai découverte, je me suis pris de passion pour l’originalité de ses œuvres”. Ravi, il repart une trentaine de minutes plus tard, sa statuette sous le bras. “J’espère qu’elle nous portera chance pour le chemin du retour, nous ne sortons que rarement la voiture”.
Personne pour une “superbe pièce” sans tête ?
La vente se poursuit. “Démarrons l’enchère avec 50 euros pour cette superbe pièce en terre crue. Personne ? Bon, c’est vrai qu’il n’a pas de tête… 10 euros alors ? Allons-y ! Que fait-on avec ce pauvre santon sans tête ? Huit euros ?”. Rires dans la salle. Résigné, Jean-Baptiste Renart passe au prochain lot. Personne n’aura été charmé par le santon-sans-tête, pas même Robert Legnani qui aurait pourtant là une superbe occasion de compléter son cabinet de curiosité. Celui-ci contient, entre autres, plusieurs centaines de figurines provençales. Lunettes octogonales, cheveux argentés soigneusement coiffés, il explique assister “à cette très belle vente pour sentir la tendance”, mais c’est plutôt dans les brocantes qu’il déniche ses trouvailles.
“Il faut savoir se restreindre”, glisse-t-il, avant d’admettre qu’il ne peut s’empêcher d’acheter chaque semaine des santons aux puces. “C’est mon âme d’enfant qui ressort, je suis en quête permanente du trésor. Pas pour sa valeur, mais pour ce qu’il représente”. Afin d’illustrer son propos, il désigne un santon exposé en vitrine près de lui et confie en chuchotant : “Regardez celui-ci : on dirait qu’il a la lèpre, mais moi, je le trouve fantastique.”
Des métiers disparus perpétués par l’art santonnier
Quelques heures plus tôt, la collection de Marcel Carbonel était exposée une toute dernière fois. L’occasion ultime de contempler un ensemble bientôt éparpillé. “C’est quand même dommage de ne pas avoir fait de catalogue… Au moins, je peux les apprécier une dernière fois”, lance Suzanne Prat, timidement. C’est avec l’œuvre de Marcel Carbonel que cette octogénaire aux yeux azur s’est trouvée une passion pour les santons depuis l’enfance. De ses petits pas, elle se faufile parmi les visiteurs et les caméras des journalistes, avant de s’arrêter devant un lot qui relève, pour elle, de ses racines : “J’ai grandi dans les Alpes, mon père était meunier, mon oncle forgeron. Les santons qui représentent ces petits métiers me rappellent mon enfance.”
Non loin, épaules voûtées et yeux plissés, Martin Philippe se fige derrière chaque vitrine à la recherche de deux pièces repérées en amont. L’air un tantinet grognon, il s’adoucit lorsqu’il s’agit de parler de sa collection composée par “les classiques, bien entendu, le mendiant, le ravi, monsieur le maire…”. Il est désormais en quête de “pièces uniques” dotées d’une patte particulière de l’artisan. “Mais surtout, complète-t-il, je cherche des santons tels que le tonnelier, le feuillardier, tous ces métiers disparus qui font la noblesse et l’âme de la Provence.” Il annonce avec fierté parcourir chaque année les foires de la région. Avant de s’offusquer devant nos sourcils froncés à l’évocation du nom d’Alphonse Daudet, l’écrivain dont il recherche encore le santon. “Mais enfin voyons, on ne vous apprend vraiment rien à l’école”, grogne-t-il en s’éloignant sans nous laisser le temps de répondre, vexé.
C’est une tout autre quête à laquelle se livre, à côté de lui, Hélène Fouque. Descendante d’une autre dynastie de santonniers, aixois eux, elle arpente l’exposition en observant attentivement les numéros indiqués sur chaque lot. “Parmi sa collection, il y a deux figurines qui ont été confectionnées par mon arrière-grand-mère et peintes par ma grand-mère lorsqu’elle était petite. C’est pour cela que j’ai noué un attachement particulier aux santons, ils représentent la tradition et font partie de mes racines”, indique-t-elle avant d’identifier les créations familiales. Elle se penche un instant et observe les moindres détails. “On voit qu’elles y ont passé des heures, dit-elle admirative, c’est pour ça que je suis devenue autant exigeante avec les santons.” Avant de montrer d’autres santons, qu’elle trouve davantage bâclés.
Pourtant, les créations qu’Hélène Fouque juge un peu plus négligées excèderont parfois les mille, deux mille euros lors de cette vente aux enchères. Pour les fadas de la crèche, l’art provençal n’est pas qu’une histoire de prix.
Commentaires
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je tombe en spirale
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C’est comme partir en vrille ?
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Article digne de la presse provinciale de années 50 où le moindre fait divers était traité de façon lyrique pour amuser le lectorat indigne de recevoir une analyse politique.
Je ne vais pas faire de vieux os ici.
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Pour une fois que Marsactu traite un sujet léger… Moi, j’ai trouvé ça effectivement un peu suranné, mais plutôt amusant, voire attendrissant. La passion des santons ne fait de mal à personne! Et ça nous change un peu des grandes manœuvres de Vassal and co. Je vous trouve bien sévère!
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Pourtant la mention incidente de la présence du Maire Benoît Payan à la recherche d’une babiole pour sa mémé, témoigne de la tension politique persistante dans le monde du santon provençal.Les établissements Carbonel maintenant une sensibilité de gauche avec leur production quelque peu négligée et foutraque, tandis que la Maison Fouque avec son soucis du détail soigné, son goût pour la vérité historique, son inclination artistique, sa recherche presque obsessionnelle vers la perfection, se situe à l’évidence dans le champ mental de la droite.
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Un peu de douceur pour contrebalancer l’amertume qui domine notre quotidien et pour détendre nos sens sur le qui vive permanent, moi j’aime bien. Le loup a besoin de s’inspirer de la douceur de l’agneau.
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M. Leloup, ça fait au moins deux fois qu’à l’occasion de commentaires, vous faites part aux autres lecteurs que ce journal ne vous convient pas.
Manifestement vous regrettez amèrement les 0,23 € par jour que cela vous coûte. Vous vous attendiez à mieux. OK, c’est votre avis et vous n’allez pas vous réabonner.
Mais pourquoi vous épancher dans les commentaires ? Vous souhaitez qu’on ouvre une souscription pour vous rembourser votre mois d’abonnement ?
Non, je sais, vous auriez souhaité un journal plus ambitieux ! Alors essayez de lui donner les moyens nécessaires parce qu’en ce bas monde, on a rien sans rien : faites un don.
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