Marseille habitat face à un mur de dettes à cause de 471 parkings hors de prix
Un rapport de la chambre régionale des comptes peut en cacher un autre. Les magistrats ont passé au crible le bilan désastreux de la SCI Protis développement, dont Marseille habitat est la seule propriétaire. Avec sept millions de passif et 13 millions d'emprunts à rembourser, cette SCI plombe les comptes de la filiale municipale.
Des places de parking à l'intérieur d'une résidence de logement social. (Photo : LC)
En 2007, cela pouvait passer pour une bonne idée, au moins sur le papier. Seize ans plus tard, elle s’est transformée en symbole d’un fardeau financier lié à l’héritage Gaudin que ses successeurs ont le plus grand mal à solder. De fait, Marseille habitat, société d’économie mixte d’aménagement et d’habitat et bailleur social de la Ville de Marseille, fait face à un “mur de dettes” qu’elle est incapable d’assumer seule, comme le met en lumière un récent rapport de la chambre régionale des comptes (CRC), déjà décrypté par Marsactu. La faute à une petite société, Protis développement, dont la SEM Marseille habitat est la seule actionnaire. Or, cette société civile immobilière a les comptes dans le rouge, depuis des années, forçant la filiale de la Ville à opérer une recapitalisation urgente. Tout ça pour une sombre histoire de parkings…
Un point historique s’impose : à la fin de son second mandat, Jean-Claude Gaudin promeut le chèque premier logement, un dispositif de subvention qui doit permettre à des ménages aux revenus modestes d’accéder à la propriété. En plus du chèque de subvention, la Ville et la caisse des dépôts mettent au point un dispositif pour aider les primo-accédants à acquérir une place de parking. En ces temps pas si lointains, le tout voiture triomphe toujours. La récente réforme des règles d’urbanisme impose aux propriétaires de bénéficier de deux places de parking par appartement neuf ou remis à neuf.
Pour faciliter les choses, la caisse des dépôts se propose d’avoir recours à une ristourne pratique : elle acquiert elle-même des parkings qu’elle met à disposition des nouveaux acquéreurs. Ceux-ci ont la possibilité in fine d’acheter ces biens au bout de 15 ans auprès de la société Protis développement, créée à cette occasion. La caisse des dépôts contracte des prêts à hauteur de 13 millions d’euros pour acquérir 750 parkings, avec obligation de remboursement à partir de 2025.
Le gouffre sans fonds des parkings “premier logement”
Sur le papier, ça passe : la société est censée être déficitaire durant les premiers exercices puisqu’elle assume seule les charges desdits parkings. Ses comptes doivent s’équilibrer au fil de l’eau grâce aux ventes. Sauf que les cessions n’ont jamais atteint le niveau espéré. Dans un jeu de bonneteau dont la gouvernance Gaudin avait le secret, la SCI Protis développement est cédée à Marseille habitat, société d’économie mixte dont la Ville et la caisse des dépôts sont actionnaires majoritaires. En plus de 3000 logements, la société se retrouve donc à gérer des parkings dont elle n’a que faire. En 2021, il lui en reste 470 dont elle assume les charges, sans rien lui rapporter. Pire, elle va devoir assumer le remboursement des dettes initialement contractées pour les acquérir.
Dans les 19 pages de son rapport minutieux, la chambre régionale des comptes a examiné dans le détail les conditions de vente des parkings aux heureux bénéficiaires des chèques premier logement. Dans un tableau croquignolesque, les magistrats passent en revue les motifs qui amènent inexorablement la société à brader les parkings dont elle a fait l’acquisition. Bleu Calde, Terrasses de la Méditerranée, le Belvédère de la Viste, le Clos des Marronniers… La liste est un florilège des programmes immobiliers construits en marge des grands ensembles, le plus souvent en bénéficiant de ristournes de TVA, permises par les programmes financés par l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru).
Des ventes à perte après généreux rabais
Partout, la SCI Protis développement brade ses parkings : 8000 euros au Patio de Saint-Louis, 11 000 euros aux Terrasses de la Méditerranée, là même où ils étaient vendus 18 000 quelques années plus tôt. Ce que détaille le rapport :
“Neuf ventes ont été réalisées en dessous du prix contractuel indexé pour des réductions totales de plus de 400 000 euros. De plus en plus de ventes font l’objet de rabais, pour des montants toujours plus élevés, pouvant atteindre près de 12 000 euros”
Parce que forcément, cela parle entre voisins. “Les rabais résultent de la capacité de négociation de chaque acquéreur, décrit la chambre. Certains acheteurs constatant que les prix d’achat de leurs voisins étaient plus bas que ceux qui leur étaient proposés ont d’ailleurs interrogé la société sur les critères de fixation du prix (de fait inexistants) et obtenu des rabais conséquents“. La chambre s’arrête ainsi sur le cas de madame X à qui on propose un prix d’achat à 16000 euros hors frais d’acquisition et qui, à force de négociations, en obtiendra 7000. Et tant pis si le vendeur met en avant à plusieurs reprises que ce parking a été acquis avec “des fonds publics”.
Au final, tout ceci contribue à un bilan financier catastrophique : la société doit payer chaque année les intérêts de la dette initiale, et les seules ventes sont à perte. Elle affiche donc un bilan négatif, avec 6,9 millions de passif et 13 millions d’emprunts à rembourser entre 2025 et 2027. Même en vendant au prix fort les 471 parkings restants, Marseille habitat est dans l’incapacité de faire face à ce que sa présidente Audrey Gatian, adjointe au maire de Marseille chargée de la politique de la ville, présente comme le “mur des dettes Protis”.
“Le prix d’acquisition il y a 15 ans étant supérieur à la valeur actuelle des parkings, la SCI Protis développement ne peut honorer l’échéance de sa dette prévue en 2025”, écrit l’élue dans sa réponse à la chambre régionale des comptes. Elle déplore “cette situation historique” qui la contraint à faire recapitaliser la société par la Ville, en sus d’un rééchelonnement de la dette et d’un recours accru à l’emprunt. La Ville se serait bien passée de ce sacré caillou dans son jardin à l’heure où elle parvient enfin à réarmer son seul levier d’action pour le réaménagement du centre ancien.
Commentaires
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C’est vraiment cool, ce dispositif de “gestion” des deniers publics : tu prends des engagements financiers durant ton mandat, en te débrouillant pour que celui qui sera réellement engagé soit… ton successeur trois mandats plus tard.
Il y en a beaucoup, des mines comme celle-ci qui vont exploser dans les années à venir ?
A part ça, Marsactu, il n’y a qu’à Marseille que le tout-voiture triomphait encore en 2007. La plupart des grandes villes normales avaient engagé dès les années 1990 une évolution pour en sortir. Mais on le sait : “Marseille c’est pas pareil”. Pour la rigueur de gestion non plus.
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et si c’est du nucléaire, on ne parle même plus de quelques mandats : tout engagement au-delà du mandat devrait faire l’objet d’un contrôle démocratique bien plus strict
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C’est incroyable, on en découvre tous les jours ! Et ils veulent revenir aux manettes, sans vergogne !
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du moment que quelques amis aient pu faire de bonnes affaires, tout va bien
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La Chambre des Comptes dit cela avec un art délicieux de l’euphémisme : “Les rabais résultent de la capacité de négociation de chaque acquéreur,”
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B. Payan n’a pas été “chien” avec JC Gaudin, on les a vu se passer la main dans le dos avec force mamours lors de la venue du pape, sans compter les franches rigolades… Bah, il ne lui en veut pas trop des cadeaux empoisonnés…
Continuité républicaine, on dira ça…
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Perdre de l’argent avec des parkings en étant une SEM, faut le faire quand on connaît la rentabilité de ce genre d’investissements.
Je voudrais croire aux conséquences d’un énième fait de clientélisme, mais là il s’agit juste d’incompétence, d’absence de stratégie, d’incurie. Consternant !
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Oui, effectivement, les parkings sont de bonnes affaires en général, et en particulier dans une ville scotchée sur le tout bagnole … J’ai du mal à comprendre.
L’article dit : “la caisse des dépôts se propose d’avoir recours à une ristourne pratique : elle acquiert elle-même des parkings qu’elle met à disposition des nouveaux acquéreurs.” Mise à disposition gratuite ? C’est là que le bât blesse, on imagine.
Étrange que ces contrats de “mise à disposition” n’ont pas été revisités par les organes de contrôle. S’ils étaient rétablis sur des bases plus saines (pour les 470 restants), ça pourrait ré-équilibrer l’opération, au moins en partie. Et éviter que la Mairie ne paye les largesses passées d’une SCI qui devaient bien avoir la faveur de certains décideurs, pour faire ce genre de cadeaux ! Un expert comptable devrait pouvoir démêler ce plat de spaghettis …
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8eme, vous parliez de mines , Marseille en est un véritable champ. La période Gaudin n’a pas été avare en la matière, mais celle que nous vivons en ce moment n’est pas mal aussi et assez prometteuse
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Développez…
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Ne devrait-on pas rendre les politiques personnellement et pécuniairement responsables de leurs actes comme c’était le cas pour les comptables publics ?
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Des critères de fixation de prix inexistants, des ventes au rabais, des parlottes entre voisins…Tout ceci pue l’arrangement!
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À qui la SEM a acheté les parkings?
Est ce que Marsactu a l’info ?
Merci
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On notera que la caisse des dépôts n’y est pas pour rien non plus .
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Bizarre cette histoire, 20.000 euros la place, c’est très cher et étrange.
À qui cette sci les a achetés ?
Y avait il une compensation, une subvention qui réduirait le prix d’achat ?
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C’est pas la première fois qu’on entend ça. Parking surpayés, appartement délabrés rachetés à prix d’or puis revendu 10 ans plus tard (ni vu ni connu) pour que dalle,…. tout ça sent la rétrocommission à plein nez.
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Je suppose que les parkings ont été achetés aux promoteurs au moment de la construction, et les places sont maintenant dans des copros qui ont mal vieilli. Donc le soupçon de clientèlisme alepoque Gaudin. Mais bon, maintenant on se plaigne de manque de construction, et les places peuvent être loués en attendent de meilleurs jours pour les ventes(?).
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Pour les louer il faut savoir les gérer. Gérer un parking, c’est un métier, et ce n’est pas celui de la SCI Protis.
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