Martigues : après leur évacuation en urgence, les délogés de 13 habitat n’ont plus confiance
Ce week-end, 150 personnes ont dû quitter en urgence leurs logements dans la résidence Notre-Dame-des-Marins à Martigues, deux bâtiments de cet ensemble géré par 13 habitat menaçant de s'effondrer. Trois jours plus tard, tandis que le bailleur pointe des désordres liés au "réchauffement climatique", les habitants sont toujours dans l'incompréhension.
Une locataire montre les bâtiments évacués. Photo : VA
Michelle est encore sous le choc. Cette coquette mère de sept enfants est assise devant le centre social de la résidence Notre-dame-des-Marins, à Martigues, où elle habite. Dans la nuit de samedi à dimanche, elle a été évacuée avec ses enfants de son logement, situé dans le bâtiment de cette cité HLM des années 1970. “Aujourd’hui, je suis SDF”, lance-t-elle, les traits tirés avant de rectifier : “On s’est évacués nous-mêmes. On a entendu des craquements, un premier, vers minuit, puis un second, plus fort. On a alors compris qu’il y avait un problème. C’était la panique, les gens sont sortis pieds nus, d’autres en pyjama. On a descendu les escaliers et au fur et à mesure, on entendait de plus en plus les craquements. On ne savait pas si on allait arriver au bout…”.
Comme Michelle, quelque 150 personnes ont dû quitter en toute hâte le bâtiment K de cette résidence du bailleur social 13 habitat, mais aussi le bâtiment M, mitoyen. Avant d’être relogées pour certaines dans un gymnase, puis à l’hôtel. Dans un communiqué envoyé ce lundi soir, le bailleur prévenait : “Pour l’heure, les locataires ne peuvent absolument pas regagner leurs logements, ne serait-ce que quelques minutes pour récupérer leurs effets personnels, leurs papiers, leurs médicaments ou leurs animaux de compagnie.” Si depuis, la plupart des compagnons à plumes et à poils ont pu être sortis des immeubles en péril, ce mardi après-midi, aucune des 45 familles n’avait pu récupérer ses effets personnels.
Pour 13 habitat, le réchauffement climatique en cause
Contacté par Marsactu, le bailleur assure qu’il agira “s’il existe une solution pour permettre aux gens de récupérer leurs affaires”. Quitte “à utiliser un hélicoptère”, va même jusqu’à dire Jean-Louis Ervoes, directeur de 13 habitat. Mais pour le moment, poursuit-il, des experts mènent des études pour identifier les causes de ces importantes fissures qui mettent en péril la structure du bâtiment. Ce sont ces études qui permettront de définir la suite des évènements. Si le directeur de 13 habitat est dans l’incapacité de donner une date de rendu des conclusions définitives, selon les premiers éléments, un retour des familles n’est pas envisageable, assure-t-il, et ce, de manière “quasi certaine”. À ce stade, la démolition serait donc l’hypothèse la plus probable.
Mais pour 13 habitat, les premiers éléments des expertises apportent aussi une bonne nouvelle. “Nous sommes rassurés en termes de responsabilité”, s’aventure Jean-Louis Ervoes qui met en avant une cause : le réchauffement climatique. “Nous attendons des compléments géotechniques mais cela est sans doute lié au réchauffement climatique. Pendant les grandes sècheresses, d’importants désordres peuvent apparaître d’un coup”, justifie-t-il auprès de Marsactu. Pour lui, les désordres des bâtiments aujourd’hui en péril sont apparus “soudainement”, écartant un défaut d’entretien. Sur place, les questions de réchauffement de la planète ne sont pas vraiment au centre des préoccupations.
“Tout sauf 13 habitat !”
Croix-rouge, associations, syndicats, locataires en détresse. Depuis trois jours, le centre social de Notre-Dame-des-Marins s’est transformé en plateforme d’aide et de soutien humanitaire. On y distribue des sandwiches, des conseils, on accompagne dans les démarches administratives, on propose des suivis psychologiques et on tente de calmer les nerfs qui lâchent. “Et encore, c’est beaucoup plus tranquille qu’hier. Il y a eu une réunion très tendue, les gens s’en sont pris verbalement aux représentants de 13 habitat”, raconte une membre du centre social qui souhaite rester anonyme. Ce mardi, les premières propositions de relogement pérennes commencent à fleurir, et si le bailleur assure que certaines ont été acceptées, plusieurs locataires rencontrés par Marsactu restent pour le moins méfiants.
“Tout sauf 13 habitat !”, implore ainsi un jeune homme qui dit ne plus avoir confiance en son bailleur et veut intenter une action en justice. Face à lui, le président de la confédération générale du logement des Bouches-du-Rhône, une association de défense des locataires reconnue par l’État, tente de trouver des solutions. “Nous contrôlons que les propositions faites par 13 habitat à ces gens qui ont vécu un évènement violent sont acceptables. C’est le cas pour certaines mais nous attendons de voir la suite”, développe Thierry Del Baldo, liste en main. Quelques minutes plus tard, il note “refusé” en face du nom du père de famille qui vient de s’asseoir à côté de lui. “Je connais là-bas, ça a été construit après le débarquement, vous vous rendez compte ?!”, justifie ce dernier à qui on a proposé un logement dans la résidence Tassy, construite à Port-de-Bouc dans les années 1960.
“Les gens sont dans l’émotion”
Un peu plus loin, une jeune femme éclate en larmes. “Tu accepteras que si ça te convient”, tente de la rassurer une autre qui la prend dans ses bras. “Oui, mais je n’en peux plus”, lui répond l’éplorée, en attrapant un verre d’eau tendu. Tout au long de la journée, les entretiens individuels se déroulent dans les bureaux du centre social, derrière une porte gardée par au moins deux policiers. “Il y a une pénurie de logements sociaux, nous faisons tout notre possible. Nous ne proposons que des relogements sécurisés. Il ne faut pas faire d’amalgame entre ce bâtiment et 13 habitat. Les gens sont dans l’émotion, cette rupture de confiance est momentanée”, rassure de son côté le représentant du bailleur. Mais selon certains habitants, la rupture est profonde.
Plusieurs habitants ont raconté à Marsactu avoir alerté à plusieurs reprises leur bailleur sur l’état inquiétant de l’immeuble. Mais aucun ne dispose de preuve écrite. “C’était des interpellations orales”, déplore Michelle qui ne désespère pas de trouver une voisine plus précautionneuse. Pour le directeur de 13 habitat, il y a confusion. “Il s’agissait de fissures dans le placo qui recouvre les joints de dilatation entre les deux bâtiments, mais cela n’a rien à voir avec les fissures qui sont apparues là”, détaille Jean-Louis Ervoes qui évoque un potentiel “mouvement de terrain qui a créé une charge sur le bâtiment K”.
Fissures et étais
Dans le bâtiment L, dont l’entrée est située à quelques mètres seulement de l’immeuble entouré de rubalises et de policiers, on tient à faire monter “la journaliste pour montrer l’état des appartements”. Une fois la porte franchie, Marie et Rhym, inquiètes, pointent la moindre fissure, et surtout, en profitent pour montrer la moisissure, les infiltrations, font remarquer l’odeur d’égout dans la cage d’escalier.
Sur le balcon de la seconde, on regarde droit dans les yeux les bâtiments évacués : “Si ça s’effondre, ça nous tombe dessus ou on reste bloqués !” Mais d’autres désordres sont bien plus près : deux étais soutiennent l’ouvrage au-dessus de nos têtes. Il y a deux ans, un balcon du bâtiment K s’est effondré.
“Il y a deux ans, j’ai insisté pour que ma fille quitte le bâtiment K. Aujourd’hui, je veux qu’elle quitte celui-ci”, glisse la mère de Rhym, venue prêter main forte pour s’occuper de ses petits enfants. La plus grande laisse échapper des larmes. Dans le salon de la famille, des valises ouvertes sont à moitié remplies. “J’ai croisé un expert qui m’a dit qu’à ma place, il ferait les valises parce qu’il peut y avoir des mouvements de terrain”, explique Rhym. À ce sujet, Jean-Louis Ervoes tourne autour du pot. De nouvelles évacuations sont-elles possibles ? “On ne peut pas le dire comme ça, répond le directeur de 13 habitat. Il y a eu une première levée de doute positive, mais j’en ai demandé une seconde pour lever le doute de façon certaine, et qu’on me l’écrive.” Pour lever ceux des habitants, il faudra plus qu’un document d’experts.
Commentaires
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Une tragédie évitée, mais un long cauchemar qui commence pour ces habitants.
Le logement, la qualité du bâti, l’entretien, la rénovation, la prévention et l’adaptation au bouleversement climatique, devraient être des priorités des pouvoirs publics et des acteurs du logement, partout.
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Plus qu’utile de rappeler aux locataires, y compris du parc social, qu’ils peuvent signaler tout problème d’habitabilité de leurs logements sur la plateforme Histologe, gérée par la DDTM au titre du pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne afin d’assurer un suivi et prise en charge .
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@vincent squale vert
Au sujet d’Histologe, mise en place début 2023, je ne suis pas sur du tout que les habitants connaissent.
Faire des plateformes (spécialités en vogue) c’est probablement utile pour ceux qui savent s’en servir…encore faut-il en être informé !
Et les problèmes soulevés par l’article datent de bien plus longtemps…. CQFD
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le bailleur pointe des désordres liés au “réchauffement climatique”
mouais, sûrement aussi, mais ce n’était pas le premier incident a priori selon les habitants. il a bon dos le climat. (gaudin avait dit : c’est la pluie)
il y a une dizaine d’années, j’ai participé à une réunion pour la construction d’un lycée (à la région donc) ou deux architectes – éminents- expliquaient très tranquillement qu’aujourd’hui les constructions, bâtiments, établissement scolaires, et autres, n’étaient plus pérennes, mais bâtis pour 50…60 ans. c’était suffisant.
cette cité à une bonne cinquantaine d’années, il faudrait voir l’entretien dont elle a bénéficié -ou pas- mais oserais-je dire que c’était peut être prévisible toutes ces fissures et un éventuel glissement de terrain….
ces gens vivent un cauchemar, qu’ils puissent se mettre vite à l’abri.
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Ne bâtir que pour une cinquantaine d’années est une décision qui a été prise au lendemain de la Libération. Pour avoir travaillé avec des architectes et des professionnels du bâtiments dans les trois dernières décennies du 20e siècle, je l’ai assez entendu pour ne pas m’être laissée prendre au piège d’un achat dans le semi-récent et le récent. Au départ, il fallait loger aux normes de confort de l’époque une population laborieuse qui avait souffert de la guerre et des bombardements.
Dans la région, quelques rares architectes travaillant pour des promoteurs ou des maîtres d’ouvrages publics plus scrupuleux ont bâti sur micro-pieux (pilotis) sachant que le sous-sol des Bouches du Rhône était souvent marneux, argileux il fallait appuyer les bâtiments sur la roche, donc la rejoindre parfois à plus de 20m, si on souhaitait les voir durer et non se fissurer et bouger en fonction de la pluviométrie et de l’alimentation de nappes souterraines. Mais c’est une pratique plutôt rare.
De même, on a continué à bâtir dans la région de France qui connaissait la plus forte pluviométrie du pays, avec des toits plats, dit terrasses, une aberration qui a permis aux étancheurs de se faire un pactole et aux occupants de derniers étages de voir leurs plafonds imbibés d’eau pluviale. Nous ne vivons pas au Sahara.
Derrière ces “erreurs”, un seul objectif: bâtir au plus petit prix, vendre au plus haut prix et se remplir les poches.
Donc ce qui arrive était prévisible à plus ou moins long terme. La liste est longue des profits générés par ses “erreurs” volontaires. ¨Pour revenir aux terrains argileux qui “glissent”, je n’en citerai qu’une: la construction du complexe commercial mais pas que, du Grand Littoral dont un de mes amis qui travaille dans un bureau d’études qui vient régulièrement relever les témoins m’a bien dit de ne jamais y mettre les pieds. Depuis quand construit-on sur un terrain qui a servi de carrière aux potiers, aux briquettiers et aux tuiliers pendant au moins trois siècles???
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Ça me rappelle gaudin et les effondrements de la rue d’Aubagne qui avait mis sur le compte de la pluie. Et le gus gus qui dit, ouf on est sauvé ce n’est pas de notre responsabilité, en clair il s’en brande clairement
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