Fusible

À la barre, l’ancien directeur de Marseille Aménagement se pose en fusible

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le 17 Déc 2015
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Le parquet a requis six mois de prison avec sursis à l'encontre de Charles Boumendil. L'ancien directeur général de Marseille aménagement comparaissait ce mercredi matin pour des faits supposés de travail dissimulé. Il apparaissait bien seul pour répondre d'une décision qui émanait directement du maire.

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L'ancien directeur de Marseille Aménagement devant le tribunal correctionnel. Photo : Elodie Crézé.

L'ancien directeur de Marseille Aménagement devant le tribunal correctionnel. Photo : Elodie Crézé.

C’est en homme seul que Charles Boumendil comparaissait devant le tribunal correctionnel de Marseille, ce mercredi matin. À la même heure, Jean-Claude Gaudin présidait le dernier conseil municipal de l’année. “C’est Noël!”, a-t-il répété à l’envi. Mais la charité chrétienne ne l’a pas incité à mandater à l’audience un de ses proches qui a présidé la société d’économie mixte (SEM) dont Charles Boumendil était le directeur. Pas de représentant de la Ville, d’ancien président de Marseille aménagement, cité à comparaître ou même venu en simple spectateur, soutenir ce fidèle serviteur de la Gaudinie.

“Charlie” faisait pourtant partie du cabinet du maire à l’arrivée de ce dernier aux affaires en 1995. Sur ses ordres, il a ensuite pris la direction générale de la société mixte, Marseille Aménagement, après un rapport déjà très sévère de la Chambre régionale des comptes rendu public en 1998. C’est cette fonction qui l’amenait à répondre des faits supposés de travail dissimulé devant le tribunal correctionnel de Marseille, présidé par Christine Mée. En effet, en 2009, Charles Boumendil a procédé au licenciement de trois cadres de la société avant d’avoir recours à leurs services via des sociétés unipersonnelles créées dans l’intervalle avec lesquelles Marseilleaménagement avait passé convention. Début novembre, Marsactu révélait que cela lui valait une convocation en correctionnelle.

Six mois requis

Avant que l’affaire ne soit mise en délibéré au 27 janvier, le  procureur a requis six mois de prison avec sursis à l’encontre de l’ancien directeur. Pour le parquet, le travail dissimulé est avéré : les anciens salariés accomplissaient les mêmes tâches, au côté de leurs anciens collègues et conservaient des liens de subordination avec leur ancien patron.

L’avocate de l’Urssaf, finalement représentée lors de l’audience en tant que partie civile, n’a pas demandé de remboursement. La Soléam qui a repris les actifs de Marseille aménagement a fini par payer 460 000 euros de redressement au titre des cotisations sociales que la société avait évité de payer. “Nous demandons un euro symbolique pour marquer une volonté de lutte contre la fraude fiscale qui touche notre pays”, réclame tout de même l’avocate de l’organisme de collecte.

Ordre de Gaudin

Au-delà du débat juridique sur la réalité des faits reprochés, c’est le contexte politique du licenciement que les débats soulignent. “Les raisons sont un peu politiques : il était hors de question de licencier des cadres dans le cadre d’une SEM”, note ainsi le procureur Dominique Mirkovic dans son réquisitoire.

À la barre, quelques minutes auparavant, Charles Boumendil avait lui aussi insisté sur ce contexte et l’ordre clair émanant du premier magistrat de la Ville. “Le maire de Marseille m’a demandé de ne pas procéder à des licenciements. Vous savez, la Ville était le client essentiel de Marseille aménagement. De l’autre côté, elle a demandé l’arrêt des activités dans le centre-ville. Or c’est notre activité principale… J’ai le sentiment d’avoir été seul face à la difficulté et d’avoir essayé de la régler.” 

La fin du PRI

À l’époque, en effet, la Ville décide mettre fin à la concession du Périmètre de restauration immobilière (PRI), censé rénover en profondeur le centre historique de la ville en ayant recours à des investisseurs privés. Depuis plus d’une dizaine d’années, le projet rencontrait une forte contestation, notamment de la part de Philippe Sanmarco, ancien cadre du defferrisme, allié à Gaudin en 2008 et bombardé à la présidence de Marseille aménagement dans la foulée.

Ce dernier n’a jamais réussi à mettre au clair les agissements du principal aménageur de la Ville. Il finira par quitter son poste avec fracas non sans avoir obligé le maire à saisir la Chambre régionale des comptes.

Quasi emploi fictif

Au cabinet du maire, la décision est prise de clore l’opération PRI. Marseille aménagement se retrouve privée de la plus grande part de son chiffre d’affaires. “C’était quasiment un emploi fictif à la fin, raconte une ancienne salariée exfiltrée par Boumendil. On comptait les toiles d’araignée. Heureusement qu’il a su nous sortir de là”.

Tout en demandant la relaxe pour une enquête “partielle et partiale”, l’avocat du prévenu, Marc Gelsi regrette à son tour “l’absence de l’employeur, Marseille aménagement”. Ladite société n’existe plus. Sa dernière présidente, Dominique Vlasto, siégeait au même moment au conseil municipal.

Elle aurait pu être remplacée par le président de la Soléam, la société publique locale qui a remplacé la SEM. Gérard Chenoz était en charge du projet “centre-ville” peu après que Charles Boumendil a pris ses fonctions. Aujourd’hui, il est en charge du projet “grand centre-ville”. À Marseille, les politiques restent. Les fusibles sautent.

Élodie Crézé et Benoît Gilles

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