Émeutes au centre de rétention de Marseille : deux condamnations malgré les zones d’ombre

Actualité
le 27 Juil 2023
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Le 30 juin, alors que des émeutes éclataient dans les rues du centre-ville, le centre de rétention administrative de Marseille était incendié. Ce mardi, deux retenus identifiés comme ayant participé à l'insurrection ont comparu devant le tribunal. L'audience s'est tenue à l'écart d'une autre affaire qui concerne la mort d'un homme cette nuit-là et des conditions de rétention, jugées "indignes" par un récent rapport.

Le centre de rétention de Marseille est situé au Canet, dans le 14e arrondissement. (image Clara Martot)
Le centre de rétention de Marseille est situé au Canet, dans le 14e arrondissement. (image Clara Martot)

Le centre de rétention de Marseille est situé au Canet, dans le 14e arrondissement. (image Clara Martot)

Vendredi 30 juin, alors que Marseille connaissait sa deuxième nuit d’émeutes, le centre de rétention administrative (CRA) du Canet a été incendié. Ce mardi 25 juillet, deux retenus ont été jugés en comparutions immédiate par le tribunal correctionnel de Marseille pour leur participation à cette révolte.

Alors qu’une grande confusion subsiste autour de ces évènements, le président commence par rappeler les faits. Dans le feu, six chambres ont été détruites et seize endommagées. Le foyer a commencé vers minuit dans les chambres 5 et 6 d’un premier couloir dans l’établissement. Puis, la fenêtre séparant la partie adjacente a été brisée, ce qui a permis au feu de se propager dans un second couloir, appelé ici “peigne”. En tout, le CRA compte six peignes, chacun comportant 16 chambres. Après la rupture d’une canalisation et une inondation dans la nuit, les dégâts de cette nuit de chaos s’élèvent à 180 000 euros et dix semaines de travaux, selon les estimations du procès-verbal policier.

Le juge écoute les prévenus, Zahreddine et Bassem, la vingtaine. Ils ont tous les deux reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et sont respectivement de nationalité algérienne et tunisienne. Zahreddine avoue les faits : “‘quand je suis arrivé, il y avait déjà des feux partout. C’est vrai, j’ai mis le feu à une poubelle, mais tout le monde a participé, il n’y a pas que moi”. Selon lui, un suicide par médicament a eu lieu dans la journée, créant de l’agitation au sein du CRA. Bassem est lui poursuivi pour “complicité de destruction du bien d’autrui”. Il admet :” j’ai caché deux ou trois caméras avec du Sopalin, c’est tout”. Le ressortissant tunisien raconte que Zahreddine a refusé de monter dans l’avion censé le ramener dans son pays d’origine le matin de l’incendie et qu’il aurait prévenu qu’il allait se venger.

Un mouvement collectif

Les émeutes du CRA sont-elles liées aux émeutes de Marseille la même nuit ? La temporalité est en tout cas similaire et la traduction judiciaire également. À l’instar des émeutiers du centre-ville, les deux retenus plaident le mouvement de foule, sans projet de rébellion. Bassem explique même qu’il aurait été menacé : “ils ont dit qu’ils me planteraient si je ne cachais pas les caméras, alors je n’avais pas le choix.”

Grâce aux vidéos de surveillance du CRA, les policiers assurent qu’au moins une vingtaine de personnes sont impliquées dans la révolte, mais seulement deux sont présentées devant le juge. Lors de sa plaidoirie, l’avocat de la défense, Trystan Lauraire s’appuie sur ce fait pour dénoncer une procédure incomplète.

L’audience prend fin et le jugement tombe. Zahreddine est condamné à dix-huit mois ferme d’emprisonnement et Bassem à six mois ferme, auxquels s’ajoute la révocation de six mois de sursis relevant d’un précédent procès. Dans la salle, la femme de Bassem est en pleurs. Pour avoir masqué une caméra, la peine est sévère. Se veut-elle exemplaire ? Elle est pourtant prononcée dans une salle quasi vide. Marsactu est le seul média présent. Les nombreux arrêts maladie des policiers font de ce procès un des seuls de la journée.

Un recours pour fermer le CRA en urgence

Les magistrats s’en sont tenus aux faits reprochés aux deux prévenus, sans élargir au contexte de cette nuit au CRA. Pour l’avocat Trystan Lauraire, à ce moment-là “on assiste à une hystérie collective, peut-être en lien avec ce qu’il se passait au même moment à l’extérieur, peut-être en lien avec les conditions de vie d’un tel endroit”. Ce type de mouvement n’est d’ailleurs pas inédit dans les CRA.

Après le rapport concluant à des conditions “contraires à la dignité humaine” du bâtonnier Mathieu Jacquier, qui avait usé de son droit de visite inopinée après l’incendie, dix-sept retenus et deux associations ont demandé, ce mercredi, la fermeture en urgence du centre. L’union des jeunes avocats Aix-Marseille et l’ordre des avocats sont venus en soutien de cette demande, qui doit être jugée sous 48 heures.

Un mort et des questions

Côté pénal, l’audience est aussi resté muette sur les suites de l’incendie. Contactée par Marsactu avant le procès, Maeva Laurens, avocate de plusieurs retenus du CRA, affirme que certains de ses clients ont eu les pieds brûlés par les flammes et qu’ils n’ont pas pu voir de médecin, excepté via un “examen médical visuel rapide”. Durant l’audience pourtant, aucun blessé n’est évoqué.

Mais surtout, un homme est retrouvé inerte dans sa cellule au lendemain de l’incendie. Il décède le dimanche 2 juillet à l’hôpital. Très vite, l’information est propagée par des militants anti-CRA, qui établissent un lien net entre la mort de ce retenu tunisien, nommé “S”, et l’incendie. Quatre parlementaires de la France Insoumise épousent cette version, soutenant que “S” est mort “d’une asphyxie due aux fumées” et accusant les policiers d’avoir tardé à extraire les retenus. Dans un communiqué, ils demandent “des explications sur ces évènements et [exigent] qu’une enquête soit menée”. Deux articles de La Provence et une enquête de Streetpress en font état.

Dans ce contexte sensible, les représentants de l’administration ne se sont pourtant pas déplacés à l’audience. Ils étaient en revanche présents au tribunal administratif, selon le compte-rendu de La Provence : “Ce feu a été causé par certaines des personnes qui sont requérantes aujourd’hui“, a opposé un fonctionnaire à la demande de fermeture du lieu.

À défaut d’explications, une enquête a été ouverte. La première version esquissée est à contre-courant du discours porté par les militants et les élus. Sollicité par Marsactu, le parquet de Marseille explique que “les premières investigations ne permettent pas d’établir de lien entre ce décès, dont la cause toxique est privilégiée, et l’incendie” . Avant d’ajouter que “des analyses toxicologiques et anatomopathologiques sont en cours afin de confirmer cette hypothèse”.

Quant aux deux retenus condamnés pour l’incendie, Zahreddine et Bassem devront quitter le territoire français après leurs peines de prison. Ce sera donc le retour au CRA pour tous les deux.

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Commentaires

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  1. Haçaira Haçaira

    Ils doivent quitter le territoire mais on les y maintient de force, je voudrais comprendre

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    • Patafanari Patafanari

      S’ils se débattent et refusent de monter dans l’avion, la police ne peut les y contraindre de force. Il faut alors les ramener au centre de détention.

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  2. Alceste. Alceste.

    Je ris,mais jaune.
    Ces gens qui n’ont rien à faire sur notre territoire, refusent de monter dans l’avion.La Police ne peut les y contraindre, et si jamais elle le fait, nous allons avoir droit aux cris effrayés des gauchistes de comptoirs et des associations qui vont bien avec et qui vont nous parler des violences policières.
    On fait quoi ? .

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