Le désarroi des commerçants pillés : “Je suis découragée”
Après plusieurs nuits de pillage, l'heure est au bilan pour les commerçants du centre-ville de Marseille. Certains ont perdu tout leur stock en plus de graves dégradations. De premiers dispositifs d'aide sont mis en place.
Le rideau baissé d'un commerce rue Saint-Ferréol le 3 juillet 2023. (Photo : NC)
Les rues marchandes du centre-ville de Marseille n’ont toujours pas repris leur allure habituelle. Après le week-end d’émeutes, ce lundi, place au bilan. Agnès Azar est directrice de l’enseigne de vente de chaussures de luxe Richelieu, rue Saint-Ferréol, elle a encore les larmes aux yeux lorsqu’elle raconte sa nuit de samedi. “J’ai eu très peur et je suis découragée, c’est déjà si dur de payer un loyer en centre-ville, si en plus on ne peut pas être en sécurité, ce n’est pas possible, souffle-t-elle. Je vais déposer le bilan avant la fin de l’année si on continue comme ça. On est vraiment dans la souffrance, je veux seulement travailler sereinement”.
Du jeudi 29 juin au samedi 1er juillet, les pillages se sont succédé dans les boutiques du centre de Marseille, en écho à la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d’un contrôle routier en région parisienne. Benoît Payan, maire (divers gauche) de Marseille, a demandé à l’État le report de la fin des soldes pour offrir une compensation à ces commerces. Agnès Azar rétorque à l’élue que “ce n’est pas le prolongement des soldes qui va vraiment changer quelques choses à mon chiffre d’affaires. Il faut impérativement baisser nos loyers, c’est ça la solution.”
“Ce n’est pas possible de rester fermés”
Un peu plus bas, sur le Vieux-Port, la terrasse de la brasserie du Bon soleil est fermée aussi. Les employés sont encore en train de ramasser les bouts de verre au sol après la démolition des cinq vitres du restaurant. Un des serveurs était à l’intérieur lorsque les émeutiers sont arrivés. Il raconte : “Je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur, j’ai couru vers la porte de derrière pour pouvoir m’échapper. Heureusement, car sinon, je pense qu’ils auraient eu ma peau.” Le gérant espère une réouverture avant la fin de la semaine car “ce n’est pas possible de rester fermés, on a trop de manque à gagner avec tous les touristes en ville en ce moment”.
À quelques pas de là, c’est le même chaos, le dirigeant de la joaillerie Time after time, en face de l’Opéra, a retrouvé son magasin entièrement dévalisé. “Ils ont tout pris, on dirait qu’une bombe a explosé”, assure-t-il. Le rideau béant donne sur l’opéra et les travaux n’ont pas encore commencé. Les assureurs estiment à 100 millions d’euros le montant des dégâts dans l’ensemble des commerces touchés dans le centre de Marseille, en incluant les dégâts et les stocks invendus pendant la fermeture.
Mais il est difficile d’évaluer les pertes pour certains des gérants. Le magasin Be-Weep, par exemple, s’est fait voler jusqu’à son ordinateur. Le responsable ne peut donc pas faire l’inventaire de son stock. Pour le moment, il a du mal à commencer les démarches pour être indemnisé : “La police et l’assurance se renvoient la balle donc je n’ai toujours pas déposé plainte.”
Visite de la CCI pour faire le point
Lundi après-midi, le président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) Aix-Marseille-Provence, Jean-Luc Chauvin, a fait le tour des commerçants touchés par les pillages en compagnie d’Alain di Crescenzo, président de CCI France. Ils ont annoncé la création d’un fonds destiné à dédommager les 400 commerçants touchés (voir encadré plus bas) ainsi qu’un accompagnement administratif pour ceux qui le souhaitent. Alain di Crescenzo appelle le gouvernement à “miser sur le secteur du commerce pour qui ces événements arrivent après une longue période de crise sanitaire et d’inflation. On ne peut pas vivre la même chose que les émeutes de 2005 où les pertes pour les commerçants avaient été très coûteuses”.
Au bas de la Canebière, un autre tabac n’a, lui, pas été touché directement par le pillage. La gérante, Céline Billebault, relativise : “ils n’ont pas réussi à casser le rideau de fer et on s’est calfeutrés à temps donc ça va pour nous. Mais quand je discute avec les autres commerçants du quartier, ça fait mal au cœur”. La buraliste a gardé une vidéo où l’on peut voir une dizaine d’émeutiers tenter en vain de forcer son commerce. Elle déplore : “Maintenant, je dois faire une heure de montage et une heure de démontage pour mettre des barricades sur mes vitres au cas où ça recommence.”
Deux fonds d’aide aux commerçantsLes annonces se sont succédées dès le conseil municipal de Marseille vendredi. Les collectivités entendent aider les commerçants visés par les émeutiers. D’un côté la région et la métropole ont décidé d’abonder un fonds géré par la chambre de commerce de 5 millions d’euros chacun. Chaque commerce impacté pourra toucher jusqu’à 10 000 euros. Le président de région Renaud Muselier a indiqué que les premiers chèques devraient être versés “d’ici 15 jours” De l’autre, la Ville de Marseille dit avoir débloqué un budget de deux millions d’euros. Celui-ci regroupe à la fois les moyens mis en place pour répondre à l’urgence et un million pour le remplacement des vitrines des commerces et leur sécurisation. La Ville espérait que ce soit un fonds partenarial mais reste seule à ce stade : la collectivité de gauche et celles de droite font bande à part tout en disant jouer collectif.
Commentaires
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Il y a plus de monde pour commenter et pleurnicher sur les condamnations infligées aux casseurs et aux pilleurs, que pour venir soutenir ces pauvres commerçants qui ont tout perdu
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“La Ville espérait que ce soit un fonds partenarial mais reste seule à ce stade : la collectivité de gauche et celles de droite font bande à part tout en disant jouer collectif.”
Ce n’est pas vrai ! La Ville n’espérait rien du tout. Elle a annoncé unilatéralement son dispositif dimanche soir alors qu’il était prévu que les collectivités réunies annoncent un plan global lundi matin
Mais Payan préfère briller seul que de jouer collectif !!!
Quel égo
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Pour les commerçants il y a les assurances, mais après les paroles le paiement risque de tarder
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Donc suivront les augmentations de primes et notre participation collective, en final, vu que les délinquants sont insolvables !!!
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Alain, je vais venir chez vous et tout casser, puis je vous dirai c’est pas grave, contactez votre assurance.
On verra comme vous réagirez.
Raisonnement de débile !
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Donc, en Afrique ils ont les nuages de sauterelles comme catastrophe naturelle et nous nos pillards évènementiels……….
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Dramatique ce qui leur est arrivé. Des emplois foutus en l’air, et probablement un certain nombre de commerçants qui ne rouvriront jamais leurs portes, en plein centre-ville.
Les crétins qui ont commis cela ne méritent aucune clémence.
Solidarité la plus totale avec vous, commerçants du centre-ville. Pensée particulière aux tabacs La Comète, le Dôme, la Tabatière et le tabac de la rue des Fabres, tous ravagés, pillés et brûlés.
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Je sui passé vendredi après-midi (juste avant les émeutes) rue de rome et je me disais que ce n’était pas brillant. Beaucoup de devantures fermées, des commerces bas de gamme. Je n’ose même pas imaginer ce que ca doit être maintenant. Ils avaient vraiment pas besoin de ca…
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