À l’Escale Borely, une nouvelle ère qui ressemble fort à la précédente
La Ville de Marseille renouvelle la délégation de la gestion du parc balnéaire de l'Escale Borély. Même gestionnaire, mêmes objectifs et peu de garanties, le lifting de cet espace désuet semble une fois de plus repoussé.
En plein milieu des plages du Prado, l'Escale Borely reste inchangée depuis des décennies. (Photo : Violette Artaud)
Ça fleure bon le début de saison, à l’Escale Borely. En attendant les vagues de chaleur et de touristes, restaurateurs et commerçants s’échauffent tandis que quelques locaux profitent des derniers moments de calme. “On va profiter un peu de la plage parce que bientôt, ça sera plus possible”, annonce Caroline, sous le regard impatient de sa fille de 6 ans. La jeune maman chargée de cabas est une habituée des lieux, elle est “née dans le quartier” et y habite toujours. Ce qui a changé à “l’Escale” en 38 ans ? “Rien”. “Il faudrait tout refaire ! Je viens ici depuis que je suis enfant, et je n’ai rien vu évoluer. Les restaurants sont toujours les mêmes, rien n’a jamais été modernisé. Ce n’est pas représentatif de Marseille, soutient-elle en saluant des amis venus la rejoindre pour le pique-nique. Pourtant, il y a un potentiel, il y aurait des choses à faire.”
Les plages du Prado, aménagement artificiel du littoral, ont été façonnées dans les années 1970, avec notamment les remblais de la construction du métro. Elles constituent une avancée sur la mer d’environ 20 hectares, avec, à leur centre, l’Escale Borely. Ce “parc balnéaire”, date lui de 1990. Il dispose de 4500 mètres carrés de bâti, répartis en deux îlots, qui comportent 23 commerces, bars et restaurants. Mais aussi, entre les deux, une esplanade, et des parties avec du gazon – ou caillouteuses – jusqu’à la limite des plages.
L’Escale Borely fait intégralement partie du domaine public maritime, elle appartient donc à l’État. Jusqu’à présent, ce dernier le concédait à la Ville, qui, elle, en déléguait la gestion à la Sogima, une société d’économie mixte, qui mêle pouvoirs publics (en l’occurrence la mairie elle-même) et Habitat en région, un bailleur privé. La concession de l’État à la Ville et la délégation de la Ville à la Sogima arrivent à échéance le 1er mai. Une nouvelle ère – en tout cas administrative – pour l’Escale Borely qui risque fort de ne pas changer grand-chose.
La fin des plages privées… illégales
“À l’Escale Borely, la fin des plages privées ?“, titrait La Provence le week-end dernier. “Au terme d’une concession trentenaire à l’Escale Borély, l’État reprend la main sur le sable dont les plages “privées” sont exclues”, pouvait-on lire dans l’article de nos confrères. Une semaine plus tard, la réalité semble tout aussi mouvante que l’érosion du littoral. Si l’État va bien reprendre la main sur le sable, cela risque de ne pas durer longtemps. “Nous devrions récupérer la gestion dès le mois de juin”, nuance Hervé Menchon, l’adjoint au maire chargé du littoral. Quant à la fin des plages privées, l’élu est beaucoup moins catégorique. “Les restaurateurs qui avaient jusqu’ici une activité de plagistes ne pourront en tout cas plus l’exercer les pieds dans l’eau, développe-t-il. Mais l’activité pourra se poursuivre, juste, pas autant et pas au même endroit.”
Les plages privées devaient respecter une bande de 3 mètres avec le sable mouillé, ce qui n’était pas toujours le cas. Mais aussi un espace de 25 mètres carrés qui se transformait parfois en 100 ou 150.
Hervé Menchon, adjoint au littoral
Les plages privées seront donc toujours présentes à l’Escale Borely, mais devront désormais… être dans les clous, et donc, il est vrai, abandonner le sable pour le gravier. “Ils devaient respecter une bande de 3 mètres avec le sable mouillé, ce qui n’était pas toujours le cas. Mais aussi un espace de 25 mètres carrés qui se transformait parfois en 100 ou 150. Quand ce n’était pas une occupation sans droit ni titre”, poursuit Hervé Menchon.
Sur place, on refuse pour le moment de commenter quoi que ce soit. “Des négociations sont en cours, on nous a demandé de ne pas parler à la presse pour le moment, la mairie communiquera en temps voulu”, glisse un plagiste historique sous couvert d’anonymat. Mais si les restaurateurs ne pourront plus poser leurs transats les pieds dans l’eau, la mairie, elle, se réserve le droit de lancer un nouvel appel à manifestation d’intérêt pour occuper une partie de l’espace plage, côté esplanade, avec “une activité pédalo, et peut-être quelques transats”, glisse l’adjoint à la mer.
“Ce n’est que du rafistolage”
Autre nouveauté qui n’en est pas vraiment une, la mairie a signé une nouvelle convention avec la Sogima, pour la gestion de la partie arrière de l’Escale. “La vocation de l’exploitation de l’Escale Borély est d’animer l’espace balnéaire du Prado, dans l’intérêt général en proposant une offre commerciale, balnéaire et de tourisme”, rappelle le contrat qui courra jusqu’en 2026 et s’élève à près de 6,5 millions d’euros pour toute sa durée. Mise en valeur, entretien et maintenance font également partie du cahier des charges. Autre critère important : la pertinence de moyens humains et matériels pour la gestion des évènements d’envergure attendus sur la période (coupe du monde de rugby, Jeux olympiques et leurs épreuves préparatoires).
“Le concessionnaire s’engage également à mettre en œuvre les propositions faites en matière environnementale dans le cadre de son offre”, peut-on encore lire dans le cahier des charges de l’appel d’offre, auquel seule la Sogima a candidaté. Marsactu n’a pas pu consulter son dossier de candidature. Mais l’ampleur de la besogne, elle, ne serait-ce qu’en terme d’entretien, n’est un secret pour personne.
Il n’y a pas de nouveauté, toujours les mêmes restaurants pas exceptionnels, pas d’animations, rien n’est jamais embelli, que du rafistolage.
Un commerçant
“L’été, ça fonctionne, mais l’hiver… Les Marseillais n’ont pas envie de venir ici. Il n’y a pas de nouveauté, toujours les mêmes restaurants pas exceptionnels, pas d’animations, rien n’est jamais embelli, que du rafistolage, se plaint un commerçant qui souhaite rester anonyme. Personne n’entretient les espaces verts, on n’a plus d’éclairage, ça se dégrade au fur et à mesure.” Un point de vue que confirme l’état des lieux joint à l’appel d’offres pour cette concession. “Depuis sa construction en 1992 la plupart des enseignes hébergées ont augmenté leur emprise côté commercial en prenant sur l’espace public […] : le programme des besoins d’origines n’est plus dimensionné pour la réalité des activités aujourd’hui, lit-on d’entrée de jeu dans la préface du document. Depuis 1992, seule la réfection complète des vides sanitaires a été réalisée ; au fil du temps des interventions ponctuelles sont faites suite à l’apparition de désordres.”
“Ouvrages embourbés” et non assurés
L’état des lieux parle carrément d’une “prise de conscience” : “il va falloir engager des travaux de réfection important pour dégager des parties d’ouvrages devenus inaccessibles ou totalement « embourbés » par le sable et les fines de terre [sable artificiel, ndlr]. Nécessaire alors de revoir les étanchéités mais également les dispositifs de recueil et d’évacuation des eaux pluviales. L’ensemble immobilier doit retrouver une mise hors d’eau couverte par les assurances, ce n’est plus le cas.”
Contacté, le président du directoire de la Sogima n’a pas répondu à notre sollicitation dans les délais impartis à la publication de cet article. La convention signée entre les deux parties, elle ne comporte aucun montant en guise de promesse d’investissement. Et ressemble plus à une jointure qu’à un nouveau projet. La seule garantie financière est de 150 000 euros, sur trois ans, et correspond “aux études et travaux qui seraient nécessaires en 2026 à la fin de la présente concession.”
Pour l’adjoint au littoral, le renouvellement de cette concession pourrait pourtant être l’occasion d’écrire une nouvelle page de l’histoire de l’Escale. Mais tout reste encore à faire. “Nous avons de belles possibilités de discussion, on peut prévoir des avenants. Le bâti est en bon état, mais c’est vrai que c’est esthétiquement daté. L’Escale Borely est un endroit apprécié mais qui ronronne un peu, il faut lui donner un nouveau souffle”, veut croire Hervé Menchon qui risque de devoir attendre 2026 et laisser passer les Jeux olympiques, entre autres. D’autres que lui sont beaucoup moins optimistes. “C’est un renouvellement pour la forme, c’est toujours la même histoire. Tant qu’il n’y aura pas un vrai appel d’offre et des millions rien ne bougera, lâche, dépité, un commerçant. On est en train de vivre la même chose que le 3e Prado, sauf que nous, on a la mer.”
Commentaires
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L’Escale Borely, c’est une architecture insignifiante et vieillie, une esplanade sans charme qui sert trop souvent de parking à camions, un dépotoir à installations et manifestations temporaires qui prennent de la place, coupent la vue et sont esthétiquement d’une rare mocheté (grande roue, activités foraines, barnums divers et variés), une jetée où l’éclairage public n’est pas entretenu… Bref, ça ne donne pas envie.
L’Agam avait fait, il y a une décennie (!), des propositions d’évolution du site : force est de constater qu’une fois de plus, son travail n’a servi à rien.
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un travail de l’agam très bien fait, préalable au lancement d’un réaménagement éco-responsable et développant les usages…
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Les pouvoirs publics ne feront donc rien avant les JO epreuves de voile qui vont attirer les foules sur le littoral. Peut-être feront-ils quelque chose après ? Puisque ces JO sont sensés avoir des retombées économiques majeures…
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En lisant le debut de l’article, je pensais “ah oui l’escale, bof, j’y vais jamais, ça ne m’intéresse pas”. Ni les resto, ni les boutiques, ni les manèges, à cause de leur coût et de leur style, ne nous ont jamais attirés. L’environnement graviers/béton/blocs pas davantage.
Et puis, j’ai réalisé que justement, un réaménagement améliorant l’ensemble aurait pu etre possible …
Et rendre ce lieu plus agréable…
Occasion manquée, on attendra encore quelques années pour rattraper le retard sur d’autres villes de bord de mer…
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Le charme un peu faisandé de la décrépitude made in années 80. Notre Venise en béton pourrissante. Et la dame interrogée au début de l’article : « Les restaurants sont toujours les mêmes, rien n’a jamais été modernisé. Ce n’est pas représentatif de Marseille ». Et bien si , justement !
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Entendu à la radio : “il y aura des arrangements avec les plagistes”
Tout va bien. A la marseillaise 😤
Merci mr Menchon
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bon, en gros, c’est moche, et ça devrait le rester pendant encore 2 ans, 3, ou 4 voire plus !!!
menchon déclare : “Ils devaient respecter une bande de 3 mètres avec le sable mouillé, ce qui n’était pas toujours le cas. Mais aussi un espace de 25 mètres carrés qui se transformait parfois en 100 ou 150. Quand ce n’était pas une occupation sans droit ni titre” c’est réconfortant qu’il s’en soit aperçu !
les transats les pieds dans l’eau vont perdurer…la sono vo reprendre du service….les adeptes ne fréquenteront pas le commun baigneur ou bronzeur lamba….
j’avais un peu rêvé avec les récentes annonces, mais comme pour beaucoup de choses ça avance lentement. dommage.
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Peut-on faire quelque chose de vraiment bien dans cet espace fondamentalement artificiel ?
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Oh.. un “appel à manifestation d’intérêt” qui est résumé en AMI… c’est pour pouvoir servir les amis de la nouvelle nullicpalité.. Marseille ne s’en sortira jamais avec toutes ces magouilles !
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En matière d’amis servis et de magouilles, je crois que la droite marseillaise n’a pas de leçon à donner alors qu’elle a “géré” la ville durant 24 années à la suite.
Et désolé mais il va falloir trouver autre chose, et sans copier sur son voisin, (vous avez si peu d’imagination ?) le titre de “nullicipalité” a deja été attribué, et de longue date, à ladite municipalité de Droite, et pour des faits avérés.
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MarsKaa
C’est à l’air dur pour vous de se rendre compte qu’au delà des beaux slogans ce Printemps Marseillais n’a rien à envier à Gaudin !
Et nullicipalité, ce n’a pas été inventé en 2020…!
Encore une déception pour vous :))))
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c’est vrai il y a des gens pour penser que “marseille ne s’en sortira jamais” probablement des gens qui ne votent qu’à peine, d’ailleurs !
oui “nullicipalité” est un terme que j’affectionne et que j’ai beaucoup utilisé, il correspond à merveille à la bande d’incompétents corrompus qui entouraient gaudin. et nous avons tous les preuves de leur nullité.
il ne peut en aucun cas s’appliquer au printemps marseillais, pas assez de recul et malheureusement ils passent tellement de temps à réparer la ville, c’est tellement cassé de partout grâce à l’ancienne nullicipalité que c’est compliqué à voir.
alors quelles que soient leurs magouilles aujourd’hui si il y en a, elles n’atteindront jamais le niveau mis en place par gaudin et affidés.
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