Centre de soins alternatifs à Pélissanne : d’anciens salariés décrivent un système opaque
D'anciens salariés du "centre de soin holistique" épinglé par La Provence, Complexus care, ont décidé de prendre la parole, soutenus par la CFDT. Ils dénoncent leurs conditions de travail et une entreprise au fonctionnement trouble.
Une villa située à Pelissanne accueille ce qui est déclaré en tant que centre d'appel. (Photo : Google street view)
“En grande détresse morale”, c’est l’état dans lequel disent se trouver d’anciens salariés du centre de soins Complexus Care. Mercredi, quatre d’entre eux ont pris la parole dans une salle étroite des locaux de la CFDT à Marseille. Des témoignages en cascade qui viennent appuyer l’enquête choc publiée dans La Provence la veille. Émus, ces salariés, sous couvert d’anonymat, ont raconté leurs mois de travail dans l’entreprise aux pratiques douteuses. En tout, ils sont plus d’une dizaine à s’être tournés vers le syndicat, sur une vingtaine d’employés actuellement en poste.
Complexus Care, c’est un “centre de santé holistique” créé en 2021. Sa promesse ? Un suivi personnalisé grâce à une équipe pluridisciplinaire. Covid long, problèmes de fertilité ou de thyroïde, maladies chroniques… toutes les pathologies sont acceptées. Les patients sont accompagnés par des thérapeutes divers, diététiciens, naturopathes. Parallèlement, des médecins belges se chargent des ordonnances, à partir de résultats d’analyses émanant d’un laboratoire belge lui aussi, nommé Lims. Le tout, uniquement à distance. Problème : certains patients ont vu leur état de santé se dégrader. Une première plainte a été déposée pour “exercice illégal de la médecine”. Une deuxième, collective, est en cours de rédaction. Et les salariés dénoncent aujourd’hui les conditions de travail et les mensonges sur lequel reposerait le succès du site.
Une logique commerciale
“J’avais une trame d’appel, un protocole avec des mots précis et des réponses types aux questions pièges. Comme si j’étais un commercial”, raconte Joseph*. Lui était assistant administratif, en charge de la prise de rendez-vous et des premiers contacts avec les clients. En somme, “de remplir les agendas”. Charlie* a occupé le même poste. “On devait convertir les appels en rendez-vous, remplir aussi des tableaux avec le nombre de clients, leurs noms, la manière dont ils nous avaient trouvés… tout ça pour les statistiques chaque semaine”, décrit-elle, se rappelant avoir reçu des graphiques en camembert avec les taux de remplissage des plannings.
Cette entreprise est inscrite comme un prestataire, comme un centre d’appel. Elle n’est pas classée dans le domaine de la santé.
Jean-Michel Delfino, CFDT
“Cette entreprise est inscrite comme un prestataire, comme un centre d’appel. Elle n’est pas classée dans le domaine de la santé”, souligne Jean-Michel Delfino de la CFDT. Surprenant pour un centre de soins qui promet une prise en charge alternative et haut de gamme. Avec les consultations, les analyses et les traitements, les suivis nécessitent en général un budget de plusieurs centaines d’euros par patient.
Les anciens salariés représentés par la CFDT sont unanimes. Selon eux, l’argent est un vecteur essentiel pour le fondateur de Complexus Care. “Hocine Sekkiou parlait souvent de business model”, se souvient Charlie. “Il nous disait qu’on allait être riches”, ajoute Perrine, diététicienne. Pourtant, eux n’ont jamais profité des bénéfices de cette success story qui compte plus de 6 000 clients. Selon le syndicat, ils seraient payés 1500 euros pour 35 heures et 1700 pour 39 heures, sans prime et sans comité d’entreprise malgré l’obligation légale en vigueur. “On ne sait pas où va l’argent”, conclue Charlie.
Une cadence à flux tendu
En tout juste deux ans d’activité, les salariés semblent avoir défilé dans les couloirs de l’entreprise. “Il y a un gros turn over. Entre les questions morales et un salaire bas, ça ne vaut pas le coup de rester”, explique la CFDT. “On avait un minimum de 10 heures de consultation à faire par semaine”, indique Lucille, diététicienne. Un chiffre qui était, selon elle, fixé à 16 heures, avant la polémique surnommée l'”Hocinegate”, née avec la création d’un groupe sur le réseau social Facebook. Plus de 400 membres y ont partagé leurs mésaventures avec le centre holistique.
Au sein de Complexus Care, les matinées des thérapeutes sont réservées aux rendez-vous, qui s’enchaînent, à distance, avec les patients. L’après-midi, ils rédigent les comptes-rendus, parfois sur des pathologies qui dépassent leurs compétences. Ils préparent aussi les rendez-vous du lendemain. Un rythme qu’il était parfois impossible de tenir. Les praticiens présents regrettent un manque de temps et une cadence trop soutenue pour assurer le suivi personnalisé promis. Pas de quoi, selon eux, déranger Hocine Sekkiou.
La déontologie mise à mal
Et puis il y a les questions de déontologie bafouée. “On n’est pas médecins, on ne peut pas poser de diagnostic, pose Perrine, formée en diététique. On nous demandait quand même d’interpréter des résultats d’analyses après avoir été briefés par nos responsables, eux-mêmes diététiciens”. Une fois les maux identifiés, les patients reçoivent une ordonnance d’un médecin. Comme d’autres thérapeutes, la diététicienne n’a jamais vu un seul de ces médecins, ni n’a pu échanger avec eux. Seul recours en cas d’incompréhension de ses patients : un mail générique interne. “Ils répondaient et ne signaient souvent qu’avec leur prénom. On ne sait pas qui ils sont”, relate-t-elle.
Les anciens salariés interrogent également l’existence du “comité scientifique”. “C’est faux, et pourtant, c’est un des arguments de notre trame au téléphone”, affirme Charlie. Selon le site internet, ce comité médical et scientifique interviendrait “si nécessaire” pour donner son avis sur les cas des patients. Qui le compose ? Aucune réponse claire ne peut être apportée par les thérapeutes.
Le fondateur explique actuellement “réunir des preuves” pour répondre aux accusations.
Lorsque certains salariés ont exprimé en interne leurs doutes quant à cette façon de fonctionner, le fondateur serait resté sourd. “Tu fais ce que je te dis, et si ça ne va pas, c’est le médecin qui paiera”, aurait répondu Hocine Sekkiou. Beaucoup décrient un climat de travail délétère. “Il dit à peine bonjour, il se justifie constamment mais n’écoute pas les salariés, et coupe court aux discussions”, détaille la CDFT. Contacté par Marsactu, Hocine Sekkiou indique que le dossier est entre les mains de son avocat et qu’il s’exprimera dans les jours à venir, le temps de “réunir des preuves”, promet-il. Aujourd’hui, l’entreprise continue de tourner comme à son habitude, et prévoirait même d’ouvrir une annexe.
Les salariés sous l’aile du syndicat ont déjà saisi l’Agence régionale de santé (ARS), ainsi que l’Inspection du travail. Aujourd’hui, tous pointent du doigt les praticiens “complices” exerçant pour Complexus Care. Charlie dénonce une “emprise psychologique”, avec une entreprise composée majoritairement de femmes autour d’Hocine Sekkiou. Perrine, elle, se dit “honteuse”. Les yeux embués, elle confie désormais avoir “peur d’être assimilée à Complexus Care” pour la suite de sa carrière.
*Les prénoms ont été modifiés
Commentaires
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Le patron est manifestement un escroc, qui ne se donne même pas la peine d’écrire correctement dans les textes où il fait sa promo. Exemple ce propos qui ne signifie absolument rien.
https://exuvie.fr/book-author/hocine-sekkiou/
ou cet autre, pas mal non plus
https://hsekkiou13.wixsite.com/nutrition-biochimie/blank
Et il ne faut pas aller bien loin pour constater que sur internet, la seule référence au “comité scientifique l’holistic care” dont il se réclame, en y accolant le nom de personnes réellement existantes, se trouve… sur son site.
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Je serais curieux de savoir si l’INRA (devenu INRAE en 2020), l’INSERM, France Bleu Provence, ainsi que les personnalités qu’il dit connaître dans sa biographie maladroitement écrite (votre premier lien), ont réellement des liens avec cet individu.
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