Un nouveau cas de légionellose dans une résidence sociale Logirem à Marseille
Un cas grave de légionellose est survenu il y a quelques semaines à Saint-Henri (16e). C'est la troisième fois en quelques années que des résidents de ce bailleur social contractent des formes sérieuses de cette maladie pulmonaire, liée à la présence de bactéries dans les réseaux d'eau chaude.
La petite cité résidentielle vit désormais au risque des prélèvements dans le réseau d'eau chaude. Photo : B.G.
Marie Lenzi avance à tout petits pas, dans le hall du bâtiment de la résidence le Rabelais où elle vit depuis 42 ans. Elle accueille l’infirmière qui vient, comme tous les jours depuis plusieurs semaines, lui prodiguer des soins. En plus de cette visite, elle reçoit également un kinésithérapeute pour l’aider à retrouver un peu de souffle.
Sur le panneau vitré destiné aux informations publiques, le bailleur, Logirem a placardé un communiqué daté du 13 avril indiquant “la fin de l’opération de désinfection” du réseau d’eau chaude de la petite cité d’habitat social, sise à quelques pas du village de Saint-Henri (16e). “La chloration sur votre réseau d’eau chaude va être stoppée“, peut-on lire sur le communiqué. Il jouxte une circulaire de l’agence régionale de santé (ARS) sur la légionellose et les moyens de s’en prémunir.
Plusieurs jours de coma
“J’ai failli y passer”, résume, en peu de mots, la retraitée de 77 ans. Comme d’autres locataires de Logirem ces dernières années, Marie Lenzi a contracté cette infection respiratoire dont les conséquences peuvent être très graves chez les personnes à risques, et notamment les sujets âgés. La maladie survient après avoir respiré les bactéries présentes en grande concentration dans de minuscules gouttelettes, comme la vapeur d’une douche.
Début mars, Marie Lenzi ne se sent pas bien. Elle a du mal à respirer, reste prostrée sur le canapé, elle qui est d’habitude pleine d’énergie. Son mari et sa fille qui partagent le logis s’inquiètent. “Elle était confuse, elle avait du mal à respirer, elle s’endormait, confirme Valérie, sa fille. On a fini par appeler les pompiers qui sont arrivés très vite”. La septuagénaire souffre du manque d’oxygène. Hospitalisée en urgence à Lavéran, elle sera rapidement intubée et placée dans le coma plusieurs jours.
Toujours très affaiblie, Marie Lenzi devra suivre des soins pendant encore un an “au moins”.
“Quand ils nous ont informés qu’ils allaient l’intuber, nous avons eu très peur, poursuit sa fille. On a tous en mémoire l’image de ces patients placés sur le ventre, en soins intensifs, durant le Covid. C’est ce qu’ils ont fait avec ma maman“. Heureusement, celle-ci a retrouvé peu à peu l’usage de ses poumons. Elle a donc pu rentrer chez elle après plusieurs semaines d’hospitalisation. Elle n’est pas tout à fait sortie d’affaire et doit suivre les soins de suite “pendant un an au moins“.
D’autres cas présumés dans la même cité
Le bailleur social est venu faire des prélèvements dans leur appartement et changer le pommeau de douche. “Mais je n’ai pas eu un mot, rien de leur part sur ce que j’avais enduré, souffle Marie Lenzi. Et pourtant, ce n’est pas la première fois que ça arrive au Rabelais. Il y a deux ans, un monsieur de l’entrée d’à côté a contracté une forme moins grave. Et une autre dame, pareil, il y a quelques mois“.
Interrogée à ce sujet, l’agence régionale de santé (ARS) indique qu’elle n’a été saisie d’aucun autre cas de légionellose dans cette résidence, au cours des cinq dernières années. Or, cette maladie doit faire l’objet d’une déclaration systématique dès qu’elle est repérée par les services médicaux. En revanche, si les symptômes sont légers, ils peuvent être confondus avec d’autres affections respiratoires.
C’est un risque malheureusement présent dans tous les ensembles immobiliers, que ce soit dans les copropriétés ou chez les bailleurs sociaux, dans les réseaux anciens comme dans les réseaux neufs.
Réponse de Logirem à Marsactu
Du côté de Logirem, le service de communication se borne à rappeler que c’est “un risque malheureusement présent dans tous les ensembles immobiliers, que ce soit dans les copropriétés ou chez les bailleurs sociaux, dans les réseaux anciens comme dans les réseaux neufs”. Le bailleur dit “déplorer le cas de légionellose développé par la locataire” et “être préoccupé par son état de santé“. Visiblement, sans s’enquérir plus avant de son amélioration. “Mon père avait la rage contre le gestionnaire“, confie Valérie Lenzi.
Pas de concentration alarmante pour le bailleur
Le bailleur indique par ailleurs que la présence de bactéries a été observée “sur un nombre de points limités” dans la résidence, sans donner plus de précision sur leur concentration. Dans l’appartement des Lenzi, “le taux mesuré atteint tout juste le seuil de détectabilité” fixé à dix unités formant colonies par litre d’eau. Ce taux y serait donc largement inférieur au niveau d’alerte, 100 fois supérieur. Par ailleurs, la température de l’eau chaude sur le réseau serait conforme aux recommandations sanitaires, toujours selon Logirem. Du côté de l’ARS, qui supervise les actions mises en œuvre, on confirme la notion de “traces” chez les Lenzi et de dépassements des seuils “sur d’autres points contrôlés au sein de la résidence”. La chloration de l’eau a permis un abattement des seuils, assure encore l’agence régionale de santé.
De nouveaux prélèvements vont être effectués dans les prochains jours et un bureau d’études va “procéder à un audit du réseau pour déterminer si des travaux complémentaires sont nécessaires“, indique enfin Logirem qui, dans sa communication, insiste sur les gestes de prévention permettant de limiter les risques d’infection, liée à une bactérie présente “à l’état naturel dans l’eau”. En 2022, 73 personnes ont été atteintes dans les Bouches-du-Rhône et neuf depuis le début de l’année. Pour autant chaque cas grave provoque un émoi au sein des résidences qui partagent le même réseau d’eau chaude.
Le parquet de Marseille a ouvert une enquête préliminaire concernant un décès à La Savine.
Ce fut le cas en juillet 2021 à La Savine (15e), cité dont Logirem est également le bailleur. Une habitante du bâtiment de La Couronne y est décédée des suites d’une légionellose. Après une plainte, le parquet de Marseille a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire sur ce cas qui permettra de déterminer la responsabilité de la société HLM et de son prestataire. Depuis de longues années, des locataires comme des salariés de Logirem, réclament un audit complet du patrimoine du bailleur, pour agir en amont, plutôt qu’en réaction à chaque cas grave.
Le combat des habitants à Air-BelConstitués en collectif, les habitants d’Air-Bel (11e) bataillent eux aussi depuis des années pour faire reconnaître les désagréments qu’ils subissent au quotidien du fait de la présence toujours persistante de légionelles. Lundi 17 avril, ils avaient rendez-vous en préfecture pour tenter d’obtenir du bailleur, le procès-verbal de fin de travaux, certifiant que l’ensemble du réseau d’eau chaude et froide a été repris après le décès d’une personne en 2017. “L’expert qui est venu inspecter la cité n’a pas pu obtenir ce document en septembre 2019, explique Rania Aougaci, membre du collectif. Nous le demandons depuis, en vain“. Les membres du collectif ont des doutes sur l’étendue réelle des travaux entrepris par les bailleurs (Unicil, Erilia et Logirem). “Les derniers mètres horizontaux qui relient chaque appartement aux réseaux verticaux n’ont pas été changés, reprend la militante associative. Or, nous avons régulièrement des taux alarmants de légionelles, avec des chocs de chloration, parfois sans prévenir, qui touchent un bâtiment puis l’autre“. Le 12 mai, les bailleurs d’Air-Bel ont rendez-vous devant la juridiction civile du tribunal judiciaire pour faire reconnaître le trouble de jouissance dont les habitants estiment être victimes depuis plusieurs années.
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Précision utile : le bâtiment évoqué à la Savine, “La Couronne”, a été livré il y a 3-4 ans. Bâtiment neuf donc, aucune raison d’avoir ce genre de phénomène à part… A part le coût (humain) de prestataires toujours moins chers pour serrer les prix, voire de “prestataires” qui arrivent sur les chantiers comme des Deus Ex Machina, et sont étrangement proches des réseaux locaux (sujet qui mériterait une enquête).
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