Comment le registre du commerce dévoile des milliers de faux livreurs à Marseille
Des livreurs attendent des commandes sur le Vieux-Port, en mars 2023. (Photo : CMB)
Au croisement de la rue de Rome et de la rue Vacon, ce magasin de vêtements est un centre d’affaires qui s’ignore. Selon le registre des sociétés, 220 livreurs y domicilient leur activité. Sur place, pas de mur de plaques à logos, ni même de boîtes à lettres, encore moins de hall d’accueil avec standard. C’est entre deux piles de jeans que le gérant du magasin nous confirme cette bizarrerie, qui s’est manifestée en octobre et novembre 2022 : “J’ai commencé à recevoir des courriers, avec des kbis [ndlr : la fiche d’identité d’une entreprise]. Au bout d’un moment, j’ai dit au facteur d’arrêter de me les donner, que ça ne me concernait pas”, raconte-t-il.
Ce que ce commerçant ne savait pas, c’est que son adresse a été utilisée en masse pour ouvrir des faux comptes sur une plateforme de livraison de repas. À Marseille, les données du système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements portent en effet la trace d’une fraude massive. Elle permet à des travailleurs en situation administrative irrégulière d’exercer cette activité, moyennant une forte commission.
Au Bosquet (11e), une usine à fausses autoentreprises
Analysé dans le cadre d’une enquête du collectif Data+Local (voir encadré au bas de l’article), ce fichier a vite révélé des anomalies, comme celle de la rue Vacon. Le numéro 18 n’est d’ailleurs pas le seul. Au 3, on retrouve la même création massive d’autoentreprises, une cinquantaine entre le 21 et le 25 novembre 2022. Cette seule artère de Noailles regroupe plus de 600 établissements actifs. Le processus industriel culmine autour de la cité Le Bosquet (11e arrondissement) : dans cette résidence 13 habitat de 239 logements, un total de 399 autoentreprises sont référencées, dont 276 ont été créées en mai et juin 2021, lors de la réouverture des restaurants après des mois de confinement.
Si elles ont fortement perturbé notre tentative de dessiner le paysage marseillais de la livraison, ces incohérences semblent pointer vers un système analogue à celui qui a été démantelé à Montauban. Alertés par le tribunal de commerce, les enquêteurs ont repéré le trafic de deux frères, comme l’a révélé La Dépêche du Midi. L’un, faussaire, établissait “un kit complet pour obtenir une licence de livreur”, l’autre jouait le rôle de rabatteur dans la communauté d’origine algérienne. Les quelque 300 comptes ainsi créés leur auraient permis de gagner 300 000 euros.
Numéro inconnu et générateur de noms qui déraille
Au hit-parade des fausses domiciliations marseillaises, certaines ne s’embarrassent même pas de la vraisemblance. Entre le 6 et le 16 juin 2021, 49 immatriculations sont enregistrées au 280 rue de l’église Saint-Michel. Une adresse qui n’existe pas : cette petite rue du quartier du Camas (5e) s’arrête au numéro 43.
À chaque fois, les patronymes semblent calibrés pour coller aux populations immigrées auxquelles s’adresse ce business de prête-nom. Sauf quand la machine déraille, laissant voir des noms comme issus d’un générateur ou tirés d’une base externe : des prénoms à consonance maghrébine sont accolés à des patronymes plus traditionnels de la France, ou italiens, espagnols ou anglo-saxons. Un croisement d’influences toujours possible pour des descendants d’immigrés, mais improbable à cette échelle, à la même adresse, pour une activité identique ouverte le même mois. On trouve également des noms originaux, comme Zlatan Dhaleb, mélange des noms de deux des meilleurs buteurs du PSG.
Chez Uber eats, 4 % des comptes bloqués en 2022
Interrogée sur ces anomalies, la chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence nous indique que l’immatriculation passait, pour cette période 2021-2022, par un portail de l’URSSAF. La détection de la fraude est rendue plus complexe par l’existence de raisons plausibles à de telles concentrations. “Il existe plusieurs dizaines de cas pour lesquels une même adresse est légale pour plusieurs centaines d’immatriculations : société de portage, domiciliation dédiée, pépinière, incubateurs… Il n’est pas rare qu’une société de domiciliation domicilie plusieurs milliers de sociétés”, signale la CCIAMP. En l’occurence, aucune société de domiciliation n’est référencée aux adresses pointées dans cette enquête.
Au total, nous avons repéré au moins 2000 immatriculations suspectes. Rien n’indique cependant que toutes ont donné lieu à une ouverture de compte sur une des plateformes de livraison. Interrogé sur ces pratiques de sous-location ou d’achat de licences, Uber eats, dominant sur le marché, rappelle avoir mis en place depuis 2019 “un système d’identification en temps réel“, par photo, puis en 2021 “une nouvelle fonctionnalité qui permet de détecter les cartes d’identité qui utilisent un même modèle type et où seules quelques informations minimes diffèrent”.
Au premier semestre 2022, 2500 comptes ont ainsi été désactivés au niveau national, soit près de 4 % du total. Quatre des principales plateformes (Uber eats, Deliveroo, Frichti et Stuart) ont signé une charte de lutte contre la fraude en avril 2022, comprenant notamment un contrôle supplémentaire au-delà de 5000 euros de revenus. Notre reportage dans les rues de Marseille ce mois-ci montre que cette limite, comme les autres, a vite été intégrée.
Commentaires
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Uber, on connaissait son salariat déguisé sous couvert d’auto entreprise et, aujourd’hui, on découvre l’ exploitation de travailleurs sans papiers sur la situation desquels cette entreprise américaine ferme les yeux, comme elle doit le faire aux EU et partout ailleurs.
Un modèle d’ultra libéralisme qui doit plaire au banquier déguisé en Président.
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On découvre ? Il n’y a qu’à regarder en plusieurs endroits de la ville, ces groupes de jeunes de diverses nationalités africaines qui attendent que le patron sonne les domestiques pour aller lui chercher son bigmac !
Et la pub télévisée pour ces sociétés est souvent très éloquente, par exemple celle qui met en scène une jeune femme rousse à la peau très claire qui s’abrite de la pluie en rentrant chez elle et s’écrie “j’ai encore oublié le pain!” séquence suivante, on sonne à la porte et surprise : c’est un jeune homme aux cheveux noirs frisés et à la peau basanée qui lui apporte un sac avec un beau sourire. Moralité : l’Africain, du nord ou plus au sud, adore se tremper alors que sa cliente s’en désole.
Pour d’autres, les clients sont plus multicolores mais en général plutôt bien sapés et rassemblés devant un match de foot…qui bien sûr n’intéresse pas les jeunes qui apportent les pizzas, burgers et autres sodas empoisonnés.
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Exploitation, énergie/pollution, danger de circulation… Tout ça pour se faire livrer un burger (parce que le McDo c’est trop loin) ?!!
Pourtant, au-delà de cette révoltante absurdité, il y a la vie de nos sympathiques témoins qui, sans cela, n’arriveraient pas assurer leur propre subsistance…
Pas simple…
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🤣🤣🤣
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C’est le commentaire de @Andre qui me fait rire!
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Rappelons que, pour être livreur de repas en scooter, il ne suffit pas d’être auto-entrepreneur et d’acheter une épave ressemblant vaguement à un deux-roues motorisés : il faut aussi être détenteur d’une attestation de capacité de transport. Une obligation légale sur laquelle les pouvoirs publics ferment généreusement les yeux.
C’est la raison pour laquelle, à l’origine, les livraisons de repas étaient effectués à vélo (c’est toujours le cas à Strasbourg, par exemple). Les livreurs qui chevauchent des engins pétaradant et malodorants sont donc presque tous dans l’illégalité.
Mais la question de fond reste la suivante : pourquoi tant de gens valides éprouvent le besoin de se faire livrer des repas qu’ils pourraient aller chercher eux-mêmes, au prix d’externalités négatives que tout le monde paie (bruit, pollution, gaspillage de carburant, infractions systématiques au Code de la route, etc.) ?
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Et j’oubliais parmi les externalités négatives : la multiplication d’emballages jetables alors qu’à notre époque il conviendrait plutôt d’en réduire le volume, et évidemment le modèle social bas de gamme.
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Parce que la nourriture qu’ils se font livrer est la plupart du temps de la junkfood qui les a rendus obèses, malades et incapables de se déplacer.
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Dans la société de consommation, tout le monde veut se faire servir (et avoir ainsi l’impression d’être du bon côté de l’échiquier).
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D’accord avec Tarama : se faire servir à domicile donne l’illusion de faire partie des winners, “parce que jlevaux bien”, de ne pas etre (le plus) pauvre (il y a plus bas que soi).
Ne pas negliger toutefois la fatigue sociale ou familiale : se faire livrer, c’est des corvées en moins (courses, cuisine, table à mettre..).
Il n’y a pas que des burgers livrés : on peut voir l’autocollant Uber ou Deliveroo sur la porte d’entrée de plusieurs restos en centre-ville.
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Faux livreurs ou faux emplois pour exploités ?
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En tout cas et quoi qu’il en soit de ces systèmes de livraison de repas’ ces livreurs sont des personnes honnêtes et travailleuses. Marine Macron et Emmanuel Le Pen préféreraient sans doute les voir sombrer dans la délinquance plutôt que de les régulariser…
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Les cci semblent vouloir confier leur registre à la main invisible du marché…
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URSSAF l’INCURIE
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qui peut se faire livrer des repas par ces personnages qui sont equipés avec des sois disant glaciere toutes pourries degeullases qui l ete en plein soleil campent sur le troittoir,que font les services de l hygiene de la ville rie,voir aussi le marché de la rue longue honte aux services municipaux qui laissent faire.
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Vous devriez aller voir les arrière- cuisines des restos de St Tropez…
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