L’improbable bowling municipal d’Istres au tribunal
Le tribunal administratif de Marseille se penche ce mercredi sur un dossier istréen. Celui du projet de municipalisation du bowling local. Aux yeux du préfet, l'activité ne relève pas de l'"intérêt général".
Le bowling municipal d'Istres. (Photo : DR)
Dix pistes de bowling, des flippers, des billards et un bar, le tout vanté comme un service public. Depuis deux ans, la mairie d’Istres propose à ses 40 000 habitants un “bowling municipal”, mention qui s’affiche fièrement sur la façade. La décision a été prise en 2021 par François Bernardini, maire de la ville actuellement en retrait pour raisons de santé, dans le but de sauver cette activité sur la commune quand bien même il la qualifiait dans La Provence de “pas essentielle”. “Moi je voulais arrêter l’activité. Je suis allé voir monsieur le maire pour dire que je voulais arrêter, pour des raisons familiales, et il m’a dit que ce n’était pas possible que ça ferme. Ça faisait presque dix ans que c’était à la vente, c’est dur pour les acquéreurs de trouver les financements”, raconte Romain Aquaron, le propriétaire du fonds de commerce du bowling et précédent exploitant pendant 28 ans.
L’affaire n’est pas mince. Pour acquérir le lieu de loisirs, le conseil municipal avait délibéré le 14 avril 2021 pour un achat d’un montant de 700 000 euros : 340 000 euros pour le fonds de commerce et 360 000 euros pour les murs. Un investissement auquel il faut ajouter les travaux nécessaires et le fonctionnement de la structure qui emploie cinq personnes dont le directeur. Mais finalement, la municipalité est d’elle-même revenue sur la décision de rachat face à l’intervention du préfet qui contestait la légalité de la décision. “Afin de concrétiser cette décision, il est nécessaire de faire la démonstration de la carence de l’initiative privée”, concédait alors la mairie.
Un bail de sous-location en attendant
Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. La mairie, bien décidée à ne pas perdre la face, a conclu un bail de sous-location avec Romain Aquaron pour gérer tout de même le bowling : 1240 euros et 500 euros de charges par mois pour louer les 900 mètres carrés de l’installation. “Aujourd’hui, avec ce loyer, on fait un cadeau à la mairie, mais c’est mon père qui a créé le bowling et on tient à ce que l’activité se poursuive”, expose Romain Aquaron. Une situation pensée comme transitoire le temps de faire la preuve de l’absence de repreneur potentiel dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêts : les candidats ont jusqu’au 31 mars pour se faire connaître et le bail de sous-location doit s’arrêter fin juin.
En parallèle, le préfet des Bouches-du-Rhône Christophe Mirmand lui-même a poursuivi son travail critique. Face au refus du maire d’annuler plusieurs autres décisions du conseil municipal, il a choisi de demander à la justice de se pencher sur le dossier. À ses yeux, la municipalisation du bowling est illégale. Ce sont ces questions juridiques qu’examine le tribunal administratif de Marseille ce mercredi 29 mars.
Pas d’intérêt général pour le préfet
Le représentant de l’État a explicité sa position dans un déféré, un courrier transmis au tribunal administratif. “L’activité de bowling, essentiellement de nature privée et distincte de tout intérêt public, ne saurait être qualifié de service public, ni en vertu d’une détermination légale, ni au regard de l’existence d’un intérêt général”. Il estime qu’aucune compétence dévolue aux mairies par la loi ne lui permet de piloter une telle structure.
Selon la commune, “Ce service participe pleinement à la mission de cohésion sociale de la ville”.
Pour la Ville au contraire, il s’agit de préserver une activité de loisirs essentielle à la commune. Ni Nicole Joulia, première adjointe, ni Jérémy Sierra, président de la régie du bowling, n’ont donné suite à nos demandes d’entretien. Dans divers écrits, la mairie défend l’intérêt du maintien d’une telle installation notamment pour les scolaires, les personnes handicapées ou les seniors. Dans La Provence, le directeur général des services Nicolas Davini a défendu “une opération qui fonctionne très bien”. Pour le tribunal, la commune a défendu le fond de sa décision : “Ce service participe pleinement à la mission de cohésion sociale de la ville, notamment en direction de la jeunesse et des familles par l’organisation d’activités à visées sportives et non sportives, de loisirs, ou de tourisme.”
Le propriétaire du bowling colistier de Bernardini
Dans le cadre de ce contentieux entre le préfet et la Ville, une autre question délicate est seulement effleurée, celle d’un conflit d’intérêts entre le maire François Bernardini et Romain Aquaron, le propriétaire du fonds de commerce. Romain Aquaron a en effet été un éphémère conseiller municipal de la commune. Moins d’un an avant l’expression de la volonté de rachat communal, il a été brièvement élu sur la liste Bernardini aux municipales 2020, avant qu’un recours d’une concurrente battue ne le prive de son siège. “Ça n’a rien à voir. J’en avais parlé avant d’être son colistier”, jure Romain Aquaron.
Le tribunal administratif, lui, se demande simplement si l’action municipale n’est pas en définitive assimilable à “une aide aux entreprises en difficulté” comme le qualifie Christophe Mirmand. Le préfet développe : “Elle permet à l’entreprise d’éviter toute situation de faillite, de gagner du temps pour trouver un repreneur, ou encore d’éviter de licencier des personnels.” Une position qui, comme les autres remarques formulées par le préfet seront examinées par les magistrats du tribunal administratif. Pour l’heure, le rapporteur public – magistrat chargé d’éclairer la décision – va proposer ce mercredi de rejeter l’argumentaire du préfet.
Commentaires
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Le bowling, activité de loisir essentielle à la commune ????
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Pensant la campagne municipale Aquaron disait dans une vidéo “habiter Istres est une chance” on comprends bien pourquoi. Et avec Sierra il n’y a pas de conflits d’intérêts ? Animateur professionnel , président de la régie , conseiller municipal etc…
Nous sommes à Istres ou la mairie est en train de construire une maison des combattants (soit disant nouveau service public)…et cherche en même temps qui mettre dedans selon l’aveu de la mairie. La bonne nouvelle est l’intérêt portée par la préfet au cloaque Istréen.
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C’est vraiment Disneyland Istres !
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Avec le projet d’un musée Pagnol médiathèque et autre espace de co working parfaitement inutiles sauf pour les promoteurs et autres marchands de Sommeil la “commune” dallauch tente de rattraper son retard sur Istres.
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Bernardini c’est le Balkany de la gauche
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Indépendamment de l’odeur de souffre qui semble se dégager des sphères municipales Istréennes, le côté vie sociale suscitée par un Bowling peut s’admettre. Après tout, on a bien l’opéra de Marseille, le festival d’Art Lyrique d’Aix … ça c’est de la “grande” culture, OK, mais la culture populaire et le vivre ensemble, ça a sa valeur je pense.
Il faudrait voir la fréquentation effective de ce Bowling. Si ce sont des familles ou des jeunes du coin qui viennent se divertir dans un rassemblement dominical, ou certains soir de la semaine, autant qu’il perdure ce Bowling. Même s’il doit être municipalisé.
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Bientôt, un lupanar municipal, avec de gandes cohésions (sociales)
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🙂
Il y a bien des casinos municipaux déjà …
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Si le proprio avait décidé de cesser ses activités et que le bowling est vraiment nécessaire à la commune, pourquoi ne pas le céder pour 1 euro symbolique ?
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699 999 euros ?
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Bonne idée qu’il a là, l’ami François. A court terme, son colistier empoche l’argent du rachat. A moyen terme, on y emploie deux ou trois copains pour les payer grassement (sur le dos du contribuable). A long terme, on vend le site à un promoteur (de préférence M. Cambon).
Faire croire que son souci est le bien-vivre ensemble, c’est tartuffesque.
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