Pollution : France nature environnement dépose à nouveau plainte contre ArcelorMittal
L’association environnementale a déposé plainte contre ArcelorMittal à Fos-sur-Mer. FNE s’appuie notamment sur les révélations de Marsactu et Disclose quant aux nouveaux dépassements des seuils de pollution par l’entreprise en 2022.
L'usine ArcelorMittal de Fos-sur-Mer a annoncé une réduction de ses effectifs. (Photo : SL)
C’est l’association qui est déjà à l’origine de trois condamnations en justice d’ArcelorMittal ces dernières années. France nature environnement (FNE) a déposé plainte contre la multinationale auprès du parquet de Marseille ce jeudi 23 mars. Elle pointe une exploitation non-conforme à son arrêté d’autorisation et la violation d’arrêtés de mise en demeure sur le site de Fos-sur-Mer. Une démarche parallèle a été enclenchée pour une autre usine du leader de l’acier en Europe, à Dunkerque, comme le révèle ce jeudi Disclose.
En 2009, 2013 et 2021, les tribunaux de Martigues et d’Aix-en-Provence avaient reconnu l’usine de Fos-sur-Mer coupable de diverses infractions environnementales sur la base de plaintes et assignations formulées par les antennes départementale ou régionale de FNE. Cette fois-ci, l’association se concentre sur les dépassements des seuils de pollution récents pour le dioxyde d’azote, le benzène et les particules fines, principalement au sein des deux unités de l’usine qui sont le plus souvent mises en cause en la matière : la cokerie, où le charbon est transformé en coke, et l’agglomération, où les minerais sont préparés avant d’entrer dans les haut-fourneaux.
La plainte intervient après les révélations de Marsactu et Disclose sur de nouveaux dépassements des seuils de pollution en 2022, documents internes à l’appui. “Ces relevés d’auto-surveillance nous ont permis d’actualiser nos connaissances sur les dépassements pour certains polluants comme les particules fines et le dioxyde d’azote, pour lesquels la Dreal n’a pas publié de rapports récents“, explique Mathilde Goueffon, juriste au sein de FNE PACA.
Dans le cadre de son suivi permanent de l’usine sidérurgique, FNE avait déjà recensé plusieurs documents publiés depuis deux ans par la direction régionale de l’environnement et de l’aménagement (Dreal) et susceptibles de nourrir une nouvelle plainte contre ArcelorMittal, dans la continuité de la condamnation de 2021. Mais les documents établis par l’entreprise elle-même lui permettent d’asseoir son argumentation, montrant que la plupart des infractions pour lesquelles l’usine de Fos a été reconnue coupable il y a deux ans se sont poursuivies en 2022. “Il y a eu des améliorations sur certains points, au niveau des torchages par exemple. Mais ce n’est pas le cas pour la pollution aux particules fines ou au dioxyde d’azote“, souligne Mathilde Goueffon.
Dépassements sur les particules fines et le dioxyde d’azote
Les particules fines sont ces résidus de l’industrie qui pénètrent profondément dans l’organisme et favorisent l’apparition de maladies cardio-vasculaires ou de cancers. FNE rappelle qu’ArcelorMittal a été mis en demeure par la préfecture des Bouches-du-Rhône pour ces dépassements au sein de l’unité d’agglomération en décembre 2017, sanctionné par une amende administrative en octobre 2020, puis à nouveau mis en demeure en octobre 2021. “L’arrêté fixe un nouveau délai de six mois à l’exploitant pour qu’il se mette en conformité avec les dispositions qui encadrent son activité, soit au 20 avril 2022. À ce jour nous n’avons pas trouvé trace d’une nouvelle visite d’inspection qui indiquerait que cette mise en demeure est respectée”, fait savoir l’association environnementale dans sa plainte. Et de poursuivre, sur la base des documents révélés par Marsactu et Disclose : “En revanche, il ressort des relevés d’auto-surveillance d’ArcelorMittal que des dépassements sont encore constatés, postérieurement à l’échéance fixée par l’arrêté de mise en demeure, constituant donc une nouvelle infraction de violation d’un arrêté de mise en demeure.”
Pour ce qui est du dioxyde d’azote (NOx), ce polluant qui provoque ou aggrave les maladies respiratoires chroniques, les relevés internes de pollution de l’entreprise fournissent également des informations précieuses sur les dépassements constatés à la cokerie en 2022. “Des dépassements sur le paramètre NOx ont été régulièrement constatés sur toute l’année 2022 et se poursuivent en 2023″, note l’association. Outre ses effets sur la santé, le dioxyde d’azote est “un gaz à effet de serre qui contribue à l’acidification des milieux, à l’eutrophisation des eaux et aggrave le réchauffement climatique”, rappelle encore FNE.
Des dysfonctionnements “systématiques”
L’association environnementale revient aussi, avec cette plainte, sur des dépassements récurrents au sein de la cokerie sur le benzène, cancérigène et mutagène notoire, dont “ArcelorMittal est le principal émetteur industriel dans l’environnement sur ce secteur”, précise FNE en citant un rapport de la Dreal de 2017. Si l’industriel a fini par se mettre en conformité en septembre 2019, les dépassements ont duré au moins trois ans, l’entreprise violant une mise en demeure préfectorale pendant un an et demi, souligne l’association. “Il y a souvent de longs délais qui sont accordés par l’État à ArcelorMittal pour se mettre en conformité, et des rapports qui sont publiés plus de six mois après une visite d’inspection, dénonce Mathilde Goueffon. On sait que les services de la Dreal sont en sous-effectifs : ça joue en faveur des industriels, qui ne subissent pas de grosse pression pour se mettre aux normes.”
Un dernier volet de la plainte porte sur les nombreux dysfonctionnements des installations, recensés, là aussi, dans les documents d’auto-surveillance d’ArcelorMittal. Entre mars 2021 et décembre 2022, FNE relève 14 “mises aux chandelles” à la cokerie – une opération qui consiste à rejeter des gaz non traités et chargés en benzène et benzo-a-pyrène dans l’atmosphère – à la suite d’une panne électrique sur le site. Des opérations très polluantes, auxquelles viennent s’ajouter 17 autres incidents au cours de l’année 2022, allant des interruptions de dépoussiérage des locaux à des fuites de soude, d’oxyde ferreux ou d’hydrocarbures sur le site. “On est presque à un problème par semaine. Il ne s’agit plus de dysfonctionnements ponctuels, mais systématiques”, s’inquiète Mathilde Goueffon. Elle espère que cette nouvelle procédure débouchera sur une condamnation pénale d’ArcelorMittal, alors qu’il s’agissait de condamnations civiles en 2013 et 2021 : “Cela signifierait que la justice reconnaît qu’il s’agit d’un problème d’intérêt général, où la préservation de l’environnement et la santé publique sont directement concernées”.
(avec Ariane Lavrilleux)
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