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Transports : chacun sa ligne pour convaincre aux régionales

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le 2 Déc 2015
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À quelques jours d'un scrutin dont les enjeux ont été balayés par l'actualité, retour sur les propositions des candidats sur un sujet majeur au niveau régional : les transports.

Photo : Jean-Louis Zimmermann / Creative Commons.
Photo : Jean-Louis Zimmermann / Creative Commons.

Photo : Jean-Louis Zimmermann / Creative Commons.

Parmi les sujets expédiés voire même oubliés d’une campagne axée sur les questions de sécurité ou de laïcité figurent les transports. Avec l’application de la loi NOTRe, la région va pourtant devenir l’instance directrice du schéma des transports. En plus des trains express régionaux (TER), elle récupère la coordination des transports inter-urbains et scolaires. Un domaine incontournable pour les habitants de PACA, la région étant régulièrement montrée du doigt pour la mauvaise qualité et les retards de ses TER. En fouillant dans les programmes des quatre principaux candidats, on trouve donc quelques propositions partagées, et d’autres qui différent totalement d’un candidat à un autre. Petit tour d’horizon en quatre points :

La carte Zou! : l’intermodalité fait l’unanimité

Quel bras de fer avec la SNCF ?

Quelle place pour la voiture ?

Sécurité y es tu ?

La carte Zou! : l’intermodalité fait l’unanimité !

Tous le reconnaissent : un pass valable pour tous les modes de transports de la région serait un plus en faveur de l’intermodalité. La carte Zou! est donc globalement plébiscitée. Mise en place sous la précédente mandature, cette carte à puce est aujourd’hui valable sur les réseaux ferrés et LER (bus régionaux). 160 000 exemplaires seraient actuellement en circulation. L’offre se décline aujourd’hui sous trois formes : “Zou! études” (collégiens, lycéens, étudiants, apprentis, stagiaires de moins de 26 ans) offre la gratuité des transports domicile-école et 50% sur les autres trajets, “Zou! 50-75%” permet des réductions pour tous publics et “Zou! Solidaire” réduit de 90% les déplacements des personnes en fin de droit et bénéficiaires du RSA. Une politique tarifaire évaluée à plus de 14 millions d’euros pour 2015. Mais aujourd’hui la carte Zou! n’est valable que sur le TER ou les lignes de bus régionaux, mais pas les deux à la fois. Elle gagne donc à être développée.

C’est le programme de la Région coopérative, liste menée par le communiste Jean-Marc Coppola et l’écologiste Sophie Camard, qui a l’ambition la plus prononcée : étendre la carte Zou à tous les transports publics, en faire un pass unique et valable dans toute la région. Cette carte garantirait par ailleurs la gratuité des transports domicile-études. La tête de liste Les Républicains Christian Estrosi esquisse une idée semblable dans sa réponse à un questionnaire envoyé à tous les candidats par l’association Transports, développement, intermodalité et environnement (TDIE). Le maire de Nice évoque la nécessité d’une “billettique commune” assortie d’une “tarification multimodale au bénéfice de l’usager”Le socialiste Christophe Castaner propose de son côté l’extension de la carte Zou aux transports départementaux, tels que les bus Cartreize. Il voudrait aussi la voir devenir un support global pour différents domaines, en la déclinant à la culture, aux sports, à la santé, etc. Sa concurrente du Front national Marion Maréchal-Le Pen s’en tient elle à un simple ticket combiné permettant d’emprunter l’ensemble des transports régionaux (…) pour se rendre d’un point à un autre”.

Quel bras de fer avec la SNCF ?

Le constat est partagé : la gestion du réseau ferré en PACA n’est pas à son mieux. Là où Christophe Castaner reconnaît, dans ce même questionnaire, la “mauvaise qualité endémique” du réseau, Christian Estrosi dénonce un service “pour le moins médiocre”. Premier motif de mécontentement, les nombreux retards. Au début de la mandature précédente, la région avait pourtant commandé 16 TER “Regio2N” et 10 “Regiolis”  pour un total de 260 millions d’euros. La SNCF estimait en effet qu’elle ne pouvait assurer correctement son service pour cause de manque de matériel. Mais en raison d’un retard de livraison, aucune amélioration n’a été constatée depuis, au contraire. La SNCF parle de “crise de croissance” : depuis 1998, le réseau régional a augmenté le nombre de trajets de 20% et gagné 55% de voyageurs, et l’infrastructure peine à tenir le rythme. 

Les pénalités infligées à la SNCF en cas de retard sont un des leviers qu’on retrouve dans la plupart des programmes, la candidate Front national proposant de les augmenter en heures de pointe. Mais, note la liste Région coopérative, “les pénalités remboursées par la SNCF à la Région avoisinent désormais les 3 %” du budget alloué, et n’ont pas mené jusqu’ici à une amélioration significative. Christian Estrosi se fait plus précis sur la question du remboursement des usagers abonnés : “Au-delà de cinq retards et d’un annulation, 20% de l’abonnement mensuel remboursés. Au-delà de dix retards et de deux annulations, 30% de l’abonnement mensuel remboursés” peut-on lire sur ses plaquettes. Christophe Castaner évoque quant à lui les racines du problème :“9 fois sur 10 c’est un problème de personnel”, il propose donc de doter chacune des grandes lignes de “personnel d’urgence”.

L’arme brandie par chacun des aspirants présidents de région pour faire évoluer le dossier se trouve dans la renégociation du contrat avec la SNCF, l’actuel prenant fin en décembre 2016. Un contrat conséquent, puisqu’en 2014, la région a versé 260 millions d’euros à l’entreprise. À droite, Christian Estrosi et Marion Maréchal-Le Pen réduiraient la durée du prochain contrat à trois ans, au lieu de dix jusqu’ici. Christophe Castaner propose de passer à 5 ans, en introduisant cependant des clauses permettant la dénonciation du contrat en cas de non-atteinte des objectifs. “On fera un contrat de trois ans en vue de l’ouverture à la concurrence en 2019”, expliquait Marion Maréchal-Le Pen à La Provence. Le programme Les Républicains compte sur la fin du monopole pour tirer les prix vers le bas et prévoit une baisse des coûts de 20%, “comme en Allemagne”. Sauf qu’il y a un hic : les États européens sont tombés d’accord début octobre pour repousser à 2026 cet ouverture à la concurrence. Christophe Castaner voulait lui moins enthousiaste, cette possibilité n’étant pas à ses yeuxune potion magique” : “L’arrivée de Thello comme opérateur sur Marseille-Nice-Milan n’a pas bouleversé la donne à ce jour” explique-t-il.

La liste rouge-verte évoque une autre possibilité : “Et si le conseil régional PACA faisait le choix d’une régie remplissant les missions d’un service public de transport ferroviaire de proximité et de qualité ?” interroge son programme. Il s’agirait ainsi de régionaliser l’exploitation des lignes TER, de manière progressive est-il précisé, via la Régie Régionale des Transports qui exploite aujourd’hui la ligne des Chemins de Fer de Provence, entre Nice et Dignes.

Quelle place pour la voiture ?

En étant de plus en plus impliquée dans la supervision globale des transports, la région se voit contrainte de se pencher sur le mode de déplacement qui demeure le plus incontournable : la voiture. Elle pourra donc être amenée à financer des aménagements de voirie, ce qu’elle ne faisait jusqu’ici que rarement, en partenariat avec les départements. C’est Christian Estrosi qui se rêve le plus en grand bâtisseur. L’ancien ministre voudrait mettre en place la desserte autoroutière du bassin de Fos-sur-Mer mais aussi les contournements routiers de Digne, Orange et Arles. Sur ce point, il est rejoint par Marion Maréchal-Le Pen. Pour les tunnels, il évoque l’aboutissement de la percée sous le Montgenèvre et la finalisation du tunnel de Tende. Mais ce n’est pas tout, puisqu’il souhaiterait aussi relancer le projet inachevé de l’A51 entre Grenoble et Marseille. Le candidat PS et maire de Forcalquier a pour sa part rejeté cette possibilité : “personne ne peut sérieusement promettre de la faire vu son coût”. Il promet de son côté de “consolider le réseau routier des territoires alpins” en proposant detrouver les 350 millions nécessaires pour une liaison rapide et sûre entre Sisteron et le col du Fau”.

Mais difficile aujourd’hui de parler transports routiers sans réfléchir aux possibilités de diminuer les flux. Ainsi le programme du Parti socialiste et celui de la Région coopérative proposent de développer les alternatives à la voiture. La liste menée par les communistes et les écologistes veut ainsi encourager “l’utilisation de vélo, du covoiturage, de l’autopartage, la mutation des flottes de véhicules vers le biogaz et l’électrique” mais aussi développer la mutualisation des déplacements, pour les personnes et les marchandises. 

La possibilité de recourir à la taxation punitive est évoquée par deux candidats. Christophe Castaner se dit favorable à un “relèvement de la fiscalité du carbone“, à condition qu’elle soit “progressive, annoncée (…) et liée à l’usage plutôt que forfaitaire“. Christian Estrosi, de son côté, demanderait au gouvernement la possibilité de mettre en place une écotaxe sur les poids lourds en transit dans notre région dont les entreprises ne sont pas implantés en Provence-Alpes-Côte-d’Azur”.

Sécurité y es-tu ?

Thème de campagne sans réelle compétence régionale directe, la sécurité est un mot qui revient vite à la bouche des candidats de droite en PACA quand ils parlent des transports. Le candidat Les Républicains en a fait son fort et propose un grand nombre de mesures en conséquence : installation de portiques, vidéo-surveillance “en temps réel dans 100% des gares et des trains”, mais aussi “gratuité des transports pour les militaires en uniforme, les forces de l’ordre et les sapeurs-pompiers”développement d’une application smartphone pour signaler les dangers, ou encore travaux d’intérêt général pour lutter contre les incivilités … Marion Maréchal-Le Pen se fait moins prolixe en propositions, mais le rejoint sur un point, la création d’une police régionale des transports dans les TER. 

Le candidat socialiste a lui aussi participé aux enchères, promettant de passer la vidéo-surveillance des TER à100 % en dix-huit mois”La Région coopérative s’est tenue à l’écart du débat. L’une des deux têtes de liste dans les Bouches-du-Rhône, Jean-Yves Petit a préféré présenter un rappel de l’état actuel des mesures de sécurité sur son blog. Vice-président aux transports sortant, il présente son bilan en détail : “Nous avons aujourd’hui 951 caméras déployées à bord de nos trains, chiffre qui montera à 1426 caméras lorsque le reste du matériel roulant commandé sera livré”, soit, d’après ses calculs, une couverture de  41% aujourd’hui qui atteindra à terme entre 45 % et 48 %.

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Commentaires

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  1. Trésorier Trésorier

    Voila des propositions assez intéressantes dont certaines sont inapplicables (100% des gares avec portique en 18 mois) mais d’autres assurément ahurissantes : l’implication de la région dans le transport routier alors qu’elle est incapable d’assumer sérieusement se compétence transport ferroviaire local. Oen augmentant le budget. Dans ce cas, avec quelles recettes nouvelles ? Une ecotaxe pour les camions circulant dans la région mis n’ayant pas leur siège social ici me parait inconstitutionnel (principe d’égalité). Surtout quan le gouvernement actuel a supprimé l’écotaxe que le PS avait aisé voté alors qu’il étai dans l’opposion.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Dire que la région est “incapable d’assumer sérieusement se compétence transport ferroviaire local” mérite sûrement quelques précisions. La région est autorité organisatrice : elle définit le service, mais ce n’est pas elle qui le réalise. Il y a un exploitant pour ça, la SNCF. Les difficultés des TER me paraissent être plus des difficultés d’exploitation que des difficultés liées au rôle de la région.

      Quant à l’implication de la région dans le transport routier, elle résulte de la loi NOTRe récemment votée, qui lui donnera dès 2017 compétence sur l’ensemble des réseaux de transport non urbains, y compris les réseaux départementaux actuels. Mais il s’agit là de fonctionnement : il n’est évidemment pas dans son rôle (ni dans ses moyens) de financer des investissements dans des autoroutes ou des tunnels.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Vous avez raison, par ailleurs, sur le caractère fantaisiste de la proposition d’une écotaxe qui ne s’appliquerait qu’à certains véhicules et pas à d’autres en fonction de leur région (ou pays) d’origine ! Pure démagogie : les règles européennes comme les règles françaises sont très simples, l’écotaxe c’est pour tout le monde ou pour personne. (http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/10/20/pourquoi-on-ne-peut-pas-taxer-les-camions-etrangers_4508830_4355770.html)

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