[Mer intérieure] Le pouvoir de la nuit

(Photo : Véronique Esterni)

Une journée de plus s’est écoulée ici où le temps se dérobe aussi vite qu’une muge. Les nattes de plage sont roulées, les peaux un peu rougies, les glacières vidées et les enfants presque épuisés.

Elles sont souvent cachées, mais quelques terrasses offrent une vue imprenable pour déguster les soleils couchants. Ce genre de restaurants où la discussion s’emboite spontanément avec la table d’à côté. De précieuses adresses qui ne se partagent pas. Pour qu’elles conservent toute leur saveur et leur magie, mieux vaut nous y rencontrer fortuitement.

Un dernier salut aux abords des voitures et la nuit tombe. On imagine alors les berges se libérer, et l’heure venue de ranger pensées, souvenirs, désirs, et autres espoirs. Tellement de vies et d’envies sont ancrées dans ces rives.

Mais c’est oublier le pouvoir de la nuit.

Reine des apparences, nul ne l’égale pour lisser les esthétiques. Sous son emprise, de nombreux sons ne se laissent plus identifier. Nos sens se contredisent en permanence. Et alors qu’ailleurs, ces circonstances inconfortables pousseraient à presser le pas, c’est ici tout le contraire. La désorientation fait son œuvre et la rêverie reprend.

Dis-moi, cher l’étang.
Raconte-moi une histoire.
Chuchote-moi une confidence.
Laissons place à l’étrange.
Encore, et encore…

La nuit adoucit tous les jugements. Elle permet la rencontre. Enfin.