SNCM : un repreneur, 583 licenciements et une grève
Le tribunal de commerce de Marseille a attribué aujourd'hui la reprise de la SNCM au Corse Patrick Rocca. Cette décision marque le début d'un plan social touchant près de 600 personnes dont certaines modalités n'ont pas encore été réglées. En réponse, les salariés ont déjà commencé à bloquer les bateaux.
SNCM : un repreneur, 583 licenciements et une grève
“Je ne vais pas vous lire les 62 pages de jugement”, ironise le juge du tribunal administratif avant de commencer la lecture du dispositif, c’est-à-dire le résumé de sa décision. Il commence par écarter la demande de renvoi formulée par le comité d’entreprise puis, une par une, les offres de Corsica Maritima, Christian Garin allié à Arista et enfin Baja Ferries. Sans grand suspense, l’offre de Patrick Rocca est retenue. Il est le nouveau patron de la SNCM. Prix de cession : 3,7 millions d’euros dont 2,9 pour les actifs corporels qui correspondent principalement aux six bateaux. La bonne affaire.
“Ordonne le licenciement du personnel non repris soit 583 contrats de travail”. Dans la grande salle d’audience du tribunal de commerce, la phrase du juge résonne plus que les autres. En ce vendredi après-midi, il y a presque plus d’avocats que de salariés dans la salle. Aucune banderole, aucun rassemblement devant le tribunal. La lecture du résumé du jugement est pourtant publique.
Les représentants syndicaux présents se font discrets. Les candidats à la reprise ne se sont pas déplacés, sauf Christian Garin et son associé grec Alexander Panagopoulos. Les regards cherchent le favori, l’homme d’affaires corse Patrick Rocca, dont l’offre avait déjà les faveurs du procureur il y a deux semaines. Ils ne le trouveront pas. Seul son avocat est présent. Celui-ci se contentera de dire : “Il ne s’agit pas d’une victoire”.
Comme proposé dans son offre, le jugement précise que le nouveau propriétaire s’engage à reprendre 845 des 1450 salariés de la SNCM. 233 sédentaires, c’est-à-dire le personnel à terre, et 612 navigants. Un peu moins de la moitié des salariés prend le chemin de Pôle emploi. En revanche, l’équipe dirigeante actuelle reste en poste. Au premier rang, Olivier Diehl se veut rassurant mais peu bavard face aux journalistes : “Le plan social est financé”. Personne ne tarde devant la salle. L’actualité est déjà ailleurs, du côté des personnels qui ont déposé un préavis de grève pour ce samedi.
“Les bateaux ne doivent pas partir !”
Dans la foulée de l’annonce du jugement, la CGT Marins se prépare pour une assemblée générale sur le Danielle Casanova, amarré à la digue du large. Au 10e ponton du navire qui devait partir pour le Maghreb, le salon d’honneur est plein de marins qui viennent d’apprendre le nom de leur nouveau patron. Le reste du bateau est désert.
“Dans 15 jours, les lettres de licenciement partent, lance Frédéric Alpozzo, secrétaire général, monté sur la scène face à quelques centaines de marins installés dans les fauteuils. “Les bateaux ne doivent pas partir !”. Le préavis de grève a bien été déposé pour le samedi. Qu’importe, à les entendre, aucun départ ne se fera ce vendredi. “Cela fait un an qu’on est tous ensemble. On a essayé, on n’y est pas arrivé. Il y aura une autre SNCM derrière”, ajoute un autre représentant CGT, rejoint par un homologue du grand port maritime venu témoigner sa solidarité. “On va s’organiser pour occuper tous les navires”, relance Salim Chikhoune, autre figure de la CGT Marins.
Place au vote sur la grève immédiate, sans attendre l’entrée en vigueur du préavis. À l’unanimité, le blocage est adopté. L’assemblée quitte rapidement la salle pour s’organiser. Le cœur n’y est pas. “Et maintenant on fait quoi ?, demande un des marins à un autre. “On s’assure que le Pascal Paoli ne parte pas”. “Ensuite, c’est le Paglia qu’il faut bloquer”, poursuit un autre.
” 3 ou 4 jours pour tout traiter”
Comme à l’accoutumée depuis deux ans, l’ensemble des syndicats est uni dans les revendications comme dans le préavis, même si la CGT souhaite l’anticiper. “Nos préoccupations portent désormais sur les 600 licenciements, explique Pierre Maupoint de Vandeul représentant de la CFE-CGC qui était présent au tribunal. On nous dit qu’on pourrait n’avoir que 3 ou 4 jours pour tout traiter. Il faut absolument encadrer le plan social et lever les inconnues.” Parmi les multiples “problèmes techniques”, figurent le paiement des mutuelles de 1950 retraités assuré pour moitié par l’État ainsi que l’avenir des parts des 650 salariés actionnaires, qui pèsent 9% du capital.
Les inquiétudes sont d’autant plus fortes que la dernière réunion en préfecture a été annulée sans qu’une nouvelle date ne soit proposée. “J’aime à pense qu’il s’agit simplement d’attirer l’attention du préfet sur la nécessité d’une réunion. Si c’est le cas, c’est une bonne grève persuasive”, approuve même l’adjoint au maire Roland Blum, joint par téléphone.
“Avec l’incertitude autour de la nouvelle délégation de service public, la solution ne va pas arriver demain. Nous avons la crainte d’un deuxième volet social”, poursuit Pierre Maupoint de Vandeul. En effet, la collectivité corse n’a toujours pas publié d’appel d’offres accompagné de son cahier des charges, préférant se donner le temps d’une consultation publique sur la desserte maritime jusqu’au 16 décembre prochain. Or, si le périmètre de la DSP est limité, la société lauréate aura besoin de moins d’employés pour l’assurer.
La SNCM sera quant à elle liquidée puisque c’est le choix de la discontinuité qui a été fait. Une nouvelle société, MCM, doit être constituée et intégrée au groupe Rocca. Chez les salariés, le choix de ce repreneur plutôt qu’un autre semble laisser indifférent. Toutes les offres prévoyaient environ 600 licenciements. “De toute façon, c’était la peste ou le choléra”, commente un marin. Tous attendent désormais la réunion en préfecture. Lundi peut-être, dit-on. D’ici là, les géants blanc et bleu ne risquent pas de quitter les quais.
Commentaires
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ça rapporte bcp d’argent un dépot de bilan lorsque il est bien gerer
les avocats, huissiers, les greffes doivent s’enrichir à tout va au détriment du personnel
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Un commentaire censuré dans la Provence :
En deux graphiques portant sur les 10 dernières années, l’Observatoire régional des transports de Corse (DREAL) nous fait comprendre l’évolution de la situation entre la SNCM et ses concurrents : http://dre20.pagesperso-orange.fr/ORTNET/Ciemer.htm
C’est à Toulon que vont maintenant embarquer ceux qui le faisaient de Marseille, Toulon où Corsica Ferries frôle les 2,5 Mo de passagers. La SNCM est tombée autour de 600 à 700 000 et à 17 % de parts de marché.
La SNCM ne dérange plus grand monde lorsqu’elle se met en grève, si ce n’est d’aller embêter la Méridionale pour empêcher le Girolata d’appareiller.
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Corsica Ferries poursuit la croissance de son trafic sur fond de grève de la SNCM. Tandis que la Méridionale a affrété un ponton à Brégaillon pour le cas où son trafic serait bloqué à Marseille : http://www.lemarin.fr/secteurs-activites/shipping/23693-greve-la-sncm-corsica-ferries-met-un-navire-supplementaire-toulon?_=1448873224533
« Corsica Ferries a mis au départ de Toulon le Sardinia Vera pour des rotations supplémentaires. En raison de la grève de son concurrent marseillais, l’armateur bastiais éponge une partie du trafic fret au départ de Toulon avec ce ferry capable de transporter entre 35 et 40 remorques.
« Il a déjà effectué un départ le mardi 24 novembre au soir et a appareillé une nouvelle fois le jeudi 26, faisant à chaque fois le plein de remorques pour Bastia. Pour l’heure, Corsica Ferries programme le navire « au coup par coup », au gré de l’évolution du conflit. »
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