LA VOIX DE LA RUE
À Marseille, la rue a retrouvé sa voix. Plus de cent mille personnes sont venues dire « non » aux projets du gouvernement concernant les retraites. Après tant d’hésitations et de reniements, la gauche a retrouvé son unité.
Un front populaire commun contre la réforme des retraites
À Marseille comme dans toutes les villes de France, à commencer par Paris, les projets de cet exécutif exécré, de cet « exécrutif », concernant la réforme des retraites ont suscité un immense mouvement de protestation. Plus de cent mille personnes, maire en tête, s’étaient réunies pour marcher contre ces projets. Les « marcheurs » avaient changé de camp. C’est la gauche toute entière réunie qui manifestait la République en marche, mettant ainsi fin à ce braquage de la République intenté par le chef de l’État macronien et ses complices contre Marianne et ses véritables amis. Comme ceux de tous les lieux vivants de France, le défilé marseillais avait manifesté une opposition massive contre le projet d’E. Macron et de son gouvernement qui cherchent, par tous les moyens possibles, à faire disparaître l’identité du peuple qui travaille pour qu’il n’existe plus, dans ce pays, qu’une seule voix légitime : la leur, la voix du chef. Mais, quand elle est mise en danger, la gauche sait se retrouver, elle sait retrouver son identité, elle sait retrouver l’union qui fait sa force.
Une ville qui sait protester
Marseille a toujours su protester. Sans doute cela fait-il, justement, partie de son histoire, de ce qui fonde cette ville. Marseille a toujours vécu un peu à l’écart, ni tout à fait française, ni tout à fait méditerranéenne, Marseille a toujours vécu en décalage. Mais ce décalage, qui s’entend dans un accent qui lui est propre et qui se dit dans des mots qui n’appartiennent qu’à elle, fait de Marseille une ville qui n’accepte pas les langages imposés et les discours obligés. Quand on essaie de la faire taire, Marseille invente « La Marseillaise ». Et, aujourd’hui, quand « la crise » frappe toutes les villes de France, et, sans doute, du monde, Marseille ne se résout pas à l’abandon, elle va dans la rue afin de protester, pour se retrouver, pour que les marseillais qui refusent se retrouvent dans le miroir des autres marseillais qui manifestent.
Une ville qui sait résister
Marseille a toujours résisté : cela fait partie de son histoire. À toutes les époques, Marseille a fait entendre sa voix contre les occupants, contre les conquérants. À commencer par la voix de la résistance contre l’occupation nazie dont toutes rues de la ville portent les noms afin de les rendre présents dans les pavés et dans les chemins. Contre les pouvoirs décidés à la faire taire, Marseille a toujours dit qu’elle n’accepterait pas de censure, qu’elle rejetterait, violemment s’il le faut, les masques qu’on voudrait lui faire porter sur le visage pour qu’elle ne puisse plus rien dire. Même ces deux forts construits de chaque côté de l’entrée dans le port pour la contrôler, le fort Saint-Jean et le fort Saint-Nicolas, ne peuvent pas l’enfermer tout à fait, car la mer aide Marseille à résister et à protester : aucun fort ne peut empêcher Marseille de s’ouvrir sur l’espace de la liberté, sur le grand large.
À Marseille, la rue parle
C’est qu’à Marseille, la rue n’est pas seulement un espace où l’on déambule, elle n’est pas seulement un espace de passage. Dans notre ville, la rue parle : elle dit les mots de ceux qui résistent, de ceux qui protestent, de ceux qui dénoncent. La rue n’est pas un simple réseau de voix de circulation, elle est un espace politique : la rue, à Marseille, c’est l’agora. Mais n ne s’y retrouve pas seulement pour échanger, pour délibérer, pour s’entendre, on s’y retrouve aussi pour protester et pour dire son indignation quand il y a lieu de la clamer. Les mots de la rue sont ceux de l’espace public, ceux de l’espace public, de cet espace partagé qui appartient au peuple. À Marseille, la rue parle car on y entend les voix multiples, les voix plurielles, de celles et de ceux qui viennent y marcher pour dire leur refus de l’hégémonie, de la soumission, de la servitude. À Marseille, la rue a imaginé toutes sortes de paroles, de chansons, de jeux et de gestes, de spectacles et de démonstrations pour se donner des langages qu’elle entend parler pour ne pas se faire imposer les langages et les mots venus d’un ailleurs qui la dominerait. C’est pour cela que la Canebière chante : jeudi, la Canebière était la scène d’un opéra, celui de la protestation. Jeudi, la Canebière a rendu aux marseillaises et aux marseillais les mots qu’ils avaient oubliés, ceux de l’Opéra de quat’sous de Brecht, ceux des opéras des « sans » : des sans-culottes, des sans-emploi, des sans pain, des sans domicile fixe. Ce sont ces mots, les mots de la rue, qui vont finir par vaincre dans l’éternel combat qui les oppose aux « avec », aux riches, qui sont les amis du pouvoir.
La Belle au bois dormant
Au lieu d’affaiblir la gauche, peut-être ces projets du pouvoir l’ont-elle, enfin, éveillée. Les décennies de pouvoirs municipaux defferristes et affairistes, gaudiniens et vassaliens, avaient peut-être fini par faire de Marseille une belle endormie. Mais tout de même : peut-être devant l’union de la gauche, à l’occasion des élections municipales de 2020, avait-on pu entendre la première sonnerie du réveil, les premières paroles et les premières musiques du chant du refus. Un nouveau défilé avait semblé commencer de se mettre en marche, celui du progrès et de l’émancipation. C’était encore fragile, ce nouvel hôtel de ville n’était pas encore complètement sûr de lui, et puis il avait à se battre, une fois de plus, contre l’édifice d’en face, contre celui du Pharo où siège la métropole. Mais, cette fois, nous en sommes sûrs : Marseille s’est enfin éveillée. La Belle ne dort plus, elle se lève pour marcher, pour dire sa colère et pour affirmer sa décision. La Belle ne dort plus au bois dont elle s’est enfin libérée pour retrouver ses habitantes et ses habitants. Mais que les pouvoirs ne s’y trompent pas : la voix qui a ainsi libéré Marseille de sa torpeur n’est pas celle d’un prince charmant, car elle est celle de la rue.
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