La reprise de la SNCM se joue aussi sur la com’
Alors que les offres de reprise de la SNCM sont en cours d'examen par le Tribunal de commerce, la course à la notoriété continue entre les candidats. La bataille se joue aussi sur le terrain de la communication. Agences spécialisées, comité de soutien, publicité, à qui s'adressent ces messages ?
La reprise de la SNCM se joue aussi sur la com’
Une pleine page de publi-rédactionnel dans La Provence et dans le Monde, un spot de soutien, une page Facebook, une énième conférence de presse avec mise en scène et diaporama… Tous ces moyens n’ont pas été déployé par la SNCM, en redressement judiciaire depuis un an, mais par les candidats à la reprise de la compagnie maritime. Les quatre prétendants ont des stratégies de communication variées. Les moyens déployés diffèrent, mais tous – sauf un – se sont fait accompagner, conseiller, pour dépasser le lobbying médiatique traditionnel.
Par sa longueur, son ampleur sociale – 1450 salariés dans le bateau – ses rebondissements et complexités, le dossier SNCM est exceptionnel. En juin 2014, c’était la direction de la compagnie qui se dotait d’un spécialiste de la communication de crise, Grégoire Biasini, pour gérer la tempête annoncée. Depuis, ce sont les candidats à la reprise qui se sont armés en la matière. Alors que le tribunal de commerce doit statuer le 20 novembre sur les offres de reprise déposées, la course à la popularité continue. Bien que ce soit le tribunal, et lui seul, qui décidera du repreneur. Trois des candidats à la reprise, Daniel Berrebi, Christian Garin et le groupement Corsica Maritima, ont déployé une vraie campagne de communication.
“On peut avoir le meilleur projet, c’est la manière dont on l’incarne qui compte, confie un des conseils des repreneurs. Il faut rassurer les parties prenantes, témoigner du sérieux de l’engagement. Il s’agit aussi de préparer la suite. Si la reprise vous est accordée, vous avez tout intérêt à ce que les salariés, les politiques, les autres acteurs vous connaissent”. La communication est-elle vraiment indispensable dans ce type de contexte ? Elle est en tout cas devenue bien plus courante que l’on pourrait le penser. Retour sur plus d’un an de campagne des futurs patrons de la SNCM.
“M’adresser au tribunal et à personne d’autre”
Jeudi 12 novembre, moins d’une semaine après la dernière audience au tribunal de commerce, hôtel Intercontinental. Alors que les offres de reprise de la SNCM sont en cours d’examen, “Ferry de France”, nom commercial du projet porté par Christian Garin et son nouvel associé grec Alexander Panagopulos, convoquent les journalistes pour une “conférence de presse exceptionnelle”. Kakémono, vidéo de promotion, fausse interview avec un journaliste, on se croirait à un lancement commercial.
L’événement est d’autant plus étonnant que jusqu’ici l’ancien président du port s’est montré très discret, à l’inverse de Daniel Berrebi, autre professionnel du maritime, un des premiers à s’être déclaré intéressé. “Rien n’est fait au hasard”, commente Christian Garin. Son silence ? “C’est une stratégie qui reposait sur le respect pour la procédure. J’avais à m’adresser au tribunal et à personne d’autre […] Nous avons fait le choix d’une communication atypique et qui va payer.”
“Montrer que je suis le plus fort”
Le nouvel associé de Christian Garin, l’armateur Alexander Panagopulos, venu se présenter à la presse et raconter son parcours, a un discours légérement différent. “Bien sûr que la communication est importante, pour que tout le monde comprenne qui on est. Le tribunal n’est pas isolé du monde. La décision dépend aussi de comment tout le monde se sent. Quand je suis en compétition, je dois montrer que je suis le plus fort.” C’est sans nul doute sur le registre du story telling et de la mise en scène de son histoire professionnelle que celui-ci mise. Pour ce petit événement, les deux associés ont été accompagnés par une agence locale.
En septembre 2014, c’est un autre candidat à la reprise, l’homme d’affaires Daniel Berrebi qui ouvrait la valse de la communication. Ce dernier était alors conseillé par une ancienne journaliste de TF1, Florence Schaal. Arrivé tout droit de Miami où il a une compagnie de transport maritime, Baja Ferries, et surtout inconnu à Marseille, celui-ci avait à cœur de contrôler son image et de créer des relations directes avec un certain nombre de journalistes. De son alliance temporaire avec la compagnie Stef, il a gardé son conseil, l’agence de communication Image7 qui compte des bureaux à Paris, Londres, Bruxelles, New-York, Singapour. Le 27 octobre, jour même de l’audience, Daniel Berrebi faisait paraître en pleine page dans La Provence une lettre signée, détaillant son offre. “L’offre que je présente aujourd’hui est sérieuse, cohérente”, écrivait-il. Il invitait en conclusion les salariés de la compagnie à, “prendre part [avec moi] à un nouvelle page glorieuse de l’histoire du port de Marseille”.
Même procédé pour le consortium d’entreprises corses Corsica Maritima qui a acheté des pages de publicité dans Le Monde, La Provence et Corse Matin. Depuis septembre, ils se sont adjoint les services de l’agence Havas, qui a créé l’année dernière une division spécifique sur la communication judiciaire et de crise. L’enjeu essentiel pour le consortium était alors de se faire connaître face à des candidats à la reprise partis dans la course avant lui. Le nom – Corsica Maritima – est adopté en juin. L’enjeu sur sa crédibilité est d’autant plus fort que son représentant, François Padrona, n’est pas issu du monde maritime mais est gestionnaire de deux supermarchés Leclerc à Ajaccio. Faute de story telling, la communication s’axe spontanément vers la dimension territoriale avec un groupe Facebook, un concours de logo et plusieurs vidéos de soutien avec des personnalités locales.
“Rassurer les parties prenantes”
De son côté, le quatrième candidat à la reprise, l’homme d’affaires corse Patrick Rocca a adopté une stratégie inverse en ne communiquant pas et en se montrant lapidaire avec les journalistes. Ce dernier n’a pas de conseil et répond à qui il veut. Il demande à être contacté au siège de sa société à Ajaccio. Dans son entourage, on se refuse à commenter cette discrétion. Il y a bien une explication possible. La presse s’est intéressée à son parcours, effectivement mais pas à son itinéraire d’entrepreneur dans les transports. En octobre, une enquête de Mediapart révélait par exemple que son passé judiciaire inquiétait le ministère de l’intérieur.
“Prise à témoin de l’opinion publique“
Dans les tribunaux, la communication sur l’image de marque monte en puissance. Lors de son rachat d’Alstom en mai 2014, General Electric avait déjà misé sur la communication dans les médias pour séduire le grand public. “Il y a une prise à témoin de l’opinion publique, commente Christophe Reille, maître de conférence sur la communication de crise à Sciences Po Paris qui était notamment auprès de Sylvie Andrieux lors de son premier procès, Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation où s’ajoute la décision du tribunal de commerce tout un ensemble d’intervenants qui font pression comme les syndicats ou les élus.” À ses yeux, la communication sur les offres relève également d’une démarche de transparence par rapport aux débats au tribunal qui se tiennent à huis-clos.
Dans leurs campagnes respectives, les candidats à la reprise ont tous tenus à détailler in extenso leurs offres. “Ne pas communiquer serait comme aller au tribunal sans avocat, défend Christophe Reille. Les campagnes servent à montrer que l’on a une vision à long terme et donc la possibilité de sauter rapidement l’obstacle à court terme qu’est le plan social.” Bien que comptant dans la balance médiatique, ce n’est pas sur le seul terrain de la préservation de l’emploi que les offres se départagent. Elles prévoient de ne garder qu’entre 800 et 852 emplois sur les 1450 actuels. Et c’est en cela qu’elles sont toutes rejetées par les syndicats qui ont déposé un préavis de grève pour le samedi 21.
Toute la communication a alors pour vocation à faire passer le repreneur pour un sauveur d’emplois et non comme un destructeur opportuniste. Dernière question enfin : la communication tous azimuts porte-t-elle ses fruits ? Le 5 novembre, en donnant sa préférence pour l’offre de Patrick Rocca, le procureur a apporté une première indication. L’ultime réponse est attendue, sauf nouveau rebondissement, demain.
Commentaires
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2 choses que j’ai retenu
l’armateur grec Alexander Panagopulos ppaye des impots ou est il un évadé fiscal?
2 le repreneur est un corse, comme ds une certaine série, bizarre!!
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