COSMOPOLITISME MARSEILLAIS
Le 19 novembre, nous avions évoqué l’idée selon laquelle Marseille « est un monde ». Revenons sur cette idée, en essayant de mieux comprendre le caractère cosmopolite de cette ville.
Qu’est-ce qu’une ville cosmopolite ?
Une ville cosmopolite est une ville dont les habitants sont issus de toutes les parties du monde. Mais le cosmopolitisme ne se confond pas avec la mondialisation. Il est même une résistance à la mondialisation : en faisant se rencontrer les parties du monde, il préserve leurs identités, il ne les confond pas, à la différence de la mondialisation qui est une confusion des mondes. Au sens propre, le cosmopolitisme est la citoyenneté du monde. Il s’agit, ainsi, à la fois, d’une ouverture sur les cultures et les événements situés partout dans le monde et d’une conscience politique qui ne se replie pas sur une petite appartenance nationale ou même urbaine, mais d’une citoyenneté sensible aux autres peuples. À Marseille, cela pousse à la formation d’une urbanité ouverte sur des formes multiples de solidarité et de conscience politique engagées à l’égard de rencontres, de vie politique, de mouvements associatifs faisant vivre le monde au sein de l’espace public de la ville. Une ville cosmopolite est aussi une ville qui fait se voisiner des modes de vie et des traditions issus de tous les pays, mais aussi des aménagements urbains et des formes de construction et d’architecture multiples inscrivant cette géographie du monde dans les lieux et les quartiers de Marseille.
De la Grèce à Marseille : la rencontre des mondes de la Méditerranée
L’histoire de Marseille est faite de la rencontre des mondes de la Méditerranée, et, au-delà, de l’ensemble des mondes qui se retrouvent dans cette ville. Depuis le début, la ville a connu des peuples divers issus de tous les pays de l’espace méditerranéen. On peut dire que Marseille a fait naître une « Méditerranée urbaine », ne réduisant pas l’espace méditerranéen à l’espace de la mer et des ports, mais construisant, à partir de lui, une ville multiple. Comme on le sait, la mythologie explique que tout a commencé avec Protis, un grec venu de Phocée en Asie mineure (aujourd’hui la Turquie) qui a séduit Gyptis, la fille d’un souverain ligure de la ville, qui l’a choisi comme époux. Mais les mythes sont des récits imaginaires qui donnent une dimension esthétique à des événements réels qu’ils transforment dans une sorte de sublimation poétique. Ce que raconte ce mythe fondateur, c’est bien que l’histoire culturelle et politique de Massilia, qui précède Marseille, est une histoire de migration, de voyage et de rencontre entre des peuples étrangers qui s’unissent. Ce que l’on sait de l’histoire de Marseille, après l’Antiquité, c’est que la ville a toujours fondé sa croissance sur une dimension politique et économique de voyages et d’échanges. L’économie politique de la ville repose sur des échanges interculturels. C’est cela, la dimension cosmopolitique de la ville, jusqu’à l’histoire, plus récente, de la conquête de l’Algérie par la France en 1830, qui a ouvert deux siècles de circulation entre ces deux pays avec Marseille comme centre. C’est ce qui explique une autre interculturalité, non plus seulement entre le monde grec, le monde d’Asie mineure et le monde marseillais, mais aussi entre le monde français et le monde algérien – mais aussi, d’ailleurs entre la France et la Tunisie.
Une ville de brassages
Ville du monde, Marseille est une ville dans laquelle se brassent des cultures, des langues ; des traditions, des modes de vie qui sont tous différents et qui s’enrichissent de leurs rencontres avec les autres. C’est que les échanges et les brassages ne se limitent pas aux rencontres entre le monde grec, le monde méditerranéen et le monde français, mais se sont ouverts sur d’autres espace, en particulier l’Asie du Sud-Est. Née comme une ville de brassages, Marseille a ainsi toujours connu une identité ouverte sur une pluralité de mondes différents. C’est ainsi que la diversité fait partie de l’identité de la ville. C’est le brassage qu’elle a toujours connu, et c’est dans le brassage que Marseille se retrouve et se reconnaît encore aujourd’hui.
La culture du port et du commerce
Cette culture du brassage est, bien sûr, due au fait que Marseille est un port et, ainsi, une ville de commerce et d’échanges. Le commerce ne peut pas se réduire à l’achat et à la vente : c’est aussi, et surtout, une relation qui s’établit entre deux acteurs. Le commerce, à Marseille, n’est ainsi pas seulement une affaire de profit : c’est surtout une orientation d’activités et la source d’un très grand nombre de métiers et d’entreprises qui vivent à Marseille. Cela explique l’importance du commerce dans l’histoire de la ville et dans sa culture. L’aménagement de la ville et l’histoire des usages de l’espace urbain ne peuvent se comprendre sans que l’on y perçoive les traces de cette activité de commerce et d’échange. Le port, bien sûr, occupe une place essentielle dans la ville. Les mutations et les déplacements du port, du Vieux-Port à la Joliette puis vers les sites du Nord de la ville ont toujours constitué un support majeur de l’urbanisme de la ville. Mais ce sont aussi les espaces consacrés au commerce, comme les marchés, qui ont toujours été les lieux de la vie de la ville. Enfin, comme toute ville de commerce et d’échange, Marseille est un espace d’information et de communication, qui a toujours connu des journaux et des radios, aujourd’hui des sites Internet et de multiples réseaux de circulation de l’information et du dialogue.
Une ville de migrance
Marseille est enfin, aussi une ville de migrance : elle a connu les migrants bien avant que les migrations ne deviennent une question politique. C’est ainsi que Pythéas, un astronome du IVème siècle avant Jésus-Christ qui vivait à Marseille a fait un voyage jusqu’à des pays du Nord de l’Europe pour étudier la façon dont s’y déroulaient les événements climatiques, en particulier le régime de la mer et des marées. Mais le voyage de Pythéas n’est qu’un exemple important de toute la foule des voyages issus de Marseille ou ayant la ville pour but. La migrance occupe ainsi une très grande place dans l’histoire de la ville et dans son identité. Depuis toujours, tout un ensemble d’institutions et d’organismes, comme, en sont temps, la Maison de l’Étranger manifestent cette importance du fait migratoire dans l’histoire et dans culture de la ville. Il s’agit aussi d’un apport intellectuel et artistique essentiel, grâce à la présence, à Marseille, d’étudiants, d’intellectuels, d’artistes, qui enrichissent la ville depuis toujours et ne lui font connaître seulement une croissance de statistiques, mais l’ouvrent à une croissance véritable. Il faut souhaiter que cette dimension essentielle de la migrance poursuive son existence et ne fasse pas l’objet de restrictions et de contraintes. C’est une part majeure de l’identité de Marseille qui est en jeu ici. C’est en raison de cette ouverture sur l’autre que Marseille est, comme elle l’a toujours été, une ville d’incertitude, c’est-à-dire une ville de politique.
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