Le café de la gare de Niolon, un nouveau départ pour des jeunes porteurs de la trisomie 21

Reportage
le 1 Oct 2022
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Après deux ans de travaux, l’ancienne gare de Niolon accueillera dès le mois prochain des chambres d’hôtes et un café-restaurant, tenu par des jeunes porteurs de trisomie 21. Un projet qui veut changer les regards sur le handicap et offrir des pistes d'insertion.

Le projet inclut aussi celui de former les jeunes à la permaculture dans le grand jardin attenant. (Photo : SB)
Le projet inclut aussi celui de former les jeunes à la permaculture dans le grand jardin attenant. (Photo : SB)

Le projet inclut aussi celui de former les jeunes à la permaculture dans le grand jardin attenant. (Photo : SB)

Arrivé en gare de Niolon, le guichet, abandonné depuis plusieurs années, surplombe le village et la mer d’une quarantaine de mètres. Les voyageurs qui descendent du train remarquent, intrigués, une certaine agitation autour de l’ancien bâtiment. Les bruits de travaux se mêlent à des cris et des rires autour de l’enceinte. Depuis deux ans, l’association T’Cap 21 a posé ses bagages dans les 200 mètres carrés de bâti et les 500 mètres carrés de jardin de la SNCF. Objectif : ouvrir des chambres d’hôtes et un café, tenu par des jeunes atteints de trisomie 21.

Dans ce décor de carte postale, la terrasse est déjà installée et s’aperçoit depuis le quai. Le Don Café a ouvert au début de l’été. Fort d’une dizaine de tables, l’établissement affiche une décoration construite en matériaux de récupération et bois flotté. Autour du comptoir, des jeunes – et moins jeunes – de 20 à 40 ans s’activent. Sur les consignes d’une responsable, l’un d’eux court à l’intérieur de la gare chercher du café. Juste à côté, Nadia, 28 ans, écoute de la musique sur un portable. Tout sourire, elle confie qu’elle vient ici tous les jeudis et qu’elle adore cet endroit. Elle-même est porteuse de la trisomie 21, mais elle ne sert pas encore les clients, “peut-être plus tard”. Appelée au jardin, elle file avec enthousiasme rejoindre un petit groupe.

Ils sont surprenants !“, sourit Katia Bergamelli, la présidente de l’association, elle-même mère de Lucie, porteuse de la trisomie 21. “Les gens apprécient leur sincérité. Ils n’ont pas la même retenue que nous. L’autre jour, ma fille s’est plantée devant un client et a dit : «Bah alors, tu prends quelque chose ?»” Persévérants, pointilleux, Katia Bergamelli tient à démontrer que ces jeunes sont comme tout le monde, juste un peu plus lents à comprendre et dans leurs mouvements”.

Le Don café accueille des clients depuis déjà plusieurs semaines. (Photo : SB)

Après une première saison d’ouverture du café, les chambres d’hôtes ouvriront en novembre.

Sur la terrasse, un couple d’habitants de la calanque est venu s’asseoir quelques instants, après un échange de bonjours enjoués avec les jeunes, pour profiter d’un thé glacé. Ils habitent le port depuis 13 ans et sont ravis de l’installation du projet. “C’est sûr que ça va cartonner, surtout pendant l’été !”, assurent-ils. Pour l’association qui souhaite changer les regards sur le handicap, le pari est réussi. “Les voyageurs qui se baladent à pied tombent sur le jardin, se disent qu’il est magnifique. Puis quand ils voient le café buvette, ils s’arrêtent !, constate, satisfaite, Katia Bergamelli, présidente de l’association. Les gens, passé la surprise du début, adhèrent toujours au projet”.

De la gare au projet d’insertion

Créée en 2015 par des parents d’enfants porteurs de handicap, l’association TCap21, à l’origine du projet, veut proposer des alternatives au manque de places et à la pénibilité du travail existant dans les ESAT (Établissement et service d’aide par le travail). Elle multiplie les activités : formations, activités artistiques, évènements… Tout est fait pour l’émancipation des jeunes. Quand, en 2019, Katia découvre que la SNCF cherche des projets pour réinvestir plus de 300 gares abandonnées, elle saute sur l’occasion : celle de Niolon est à deux pas de chez elle, et elle est à pourvoir. Le bailleur lui concède l’occupation des locaux pour un faible loyer et une aide pour les travaux. Tout s’enchaîne ensuite rapidement. Katia Bergamelli est mise à disposition pour trois ans dans le cadre d’un mécénat de compétences par la CMA-CGM, son employeur. Des fondations rejoignent le mouvement : le comité national de coordination action handicap (CCAH), les fondations du Crédit Agricole et de la Caisse d’Épargne, le club service du Rotary.

Katia Bergamelli dans une des chambres à l’étage. (Photo : SB)

À l’intérieur du bâtiment, dont les fenêtres donnent sur les rails et la mer, l’initiatrice du projet trace les contours du projet dans sa forme définitive : “Il y aura un comptoir ici, un ancien banc qu’on va reposer là”. Au total, le service de café et de sandwiches comptera 20 places assises à l’intérieur et 30 à l’extérieur. Pour l’heure, les bénévoles sont mobilisés. Dans les deux premiers étages de la bâtisse, certains fignolent la décoration des cinq chambres d’hôtes, à la vue imprenable sur la mer.

Au troisième et dernier étage, deux pères de jeunes sont en train de percer des puits de lumière dans ce qui sera un dortoir de 10 places, ainsi qu’un espace pour l’atelier de couture. “Heureusement que j’ai les bénévoles !”, se félicite Katia Bergamelli, qui reprend bientôt le chemin du travail, sa mise à disposition étant terminée. Le compte à rebours est désormais lancé, l’inauguration des lieux est prévue en novembre, à l’occasion de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées.

Une inclusion plus individualisée

Ici, ils sont stimulés individuellement, c’est des plus petits groupes.

Dominique, mère d’un jeune membre

Dehors, dans le jardin luxuriant attenant à la gare, c’est aussi le jour de l’atelier de permaculture. Quatre jeunes ont déjà les mains dans la terre. Car outre le café et les chambres d’hôte, l’entreprise adaptée sera aussi un lieu de formation : permaculture biologique, rencontres artistiques avec un public dit “ordinaire”, formation à l’autonomie résidentielle …. Dominique, mère de Pierre-Laurent, 28 ans, s’investit dans le jardin. Entre deux consignes relatives au repiquage des piments, en couvant les apprentis du regard, cette Marseillaise raconte : “Mon fils a travaillé dans plusieurs ESAT. Ça lui a appris à être autonome, à prendre les transports seul”. Cependant, les conditions dans les institutions sont loin d’être idylliques à ses yeux : “Ces structures accueillent trop de monde, avec des intensités de handicaps très variables. Ici, ils sont stimulés individuellement, ce sont des plus petits groupes”.

Sur le parking, la mère d’un jeune est venue rencontrer Katia Bergamelli. Son fils, dont elle s’occupe seule, est atteint d’un léger autisme. Il a eu 18 ans cette année, ce qui lui laisse deux ans pour trouver une nouvelle prise en charge après l’Institut médical éducatif (IME) dans lequel il est aujourd’hui. “Passé l’âge adulte, plus rien n’est fait”, lâche-t-elle, dépitée. Les options : le foyer ou si le jeune peut travailler, l’ESAT.  “Il n’y a pas de places dans les établissements de la région”, regrette Mohamed, venu accompagner sa fille Nadia à l’atelier de jardinage. En 2018, la région PACA était la troisième région la moins équipée en ESAT de France avec 3,1 places pour 1000 adultes selon l’INSEE. Un cruel manque qui se répercute sur les épaules des aidants.

La gare comprend aussi un grand jardin de 500 mètres carrés. (Photo : SB)

Katia Bergamelli renchérit : “En institution, nos jeunes s’épuisent, ils sont moins épanouis et très mal payés”. Les contrats qu’elle proposera au sein de cette entreprise seront de droit commun, à hauteur de 1000 € par mois pour un mi-temps, contre environ 500 € en ESAT, auquel on peut additionner l’AAH (Allocation aux adultes handicapés). Elle souhaite ouvrir six mi-temps pour des personnes porteuses de handicap et deux temps plein pour un cuisinier et un “chef de gare” qui supervisera le tout : “L’idée, c’est de pouvoir faire des CDD tremplins, avec des formateurs pairs, et qu’après les formations en hôtellerie, restauration et permaculture, ils puissent travailler ici, mais aussi dans d’autres structures”.

Le café est ouvert tous les jours en saison estivale et du mercredi au dimanche hors saison. Les chambres d’hôtes pourront être réservées en ligne à partir de novembre.

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Commentaires

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  1. Tarama Tarama

    Quel belle réalisation !

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  2. Melanisette Melanisette

    Un peu d’espoir dans ce monde sombre et de belles initiatives, merci de les saluer à travers vos articles

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