Le Ravi est mort, vive Le Ravi !

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le 10 Sep 2022
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Nos confrères du Ravi ont annoncé vendredi la liquidation du titre de presse satirique local lancé en 2003. Marsactu a choisi de leur rendre hommage en leur donnant la parole pour évoquer les grands moments d'un journal qui va manquer.

Le journal a annoncé sa liquidation le 9 septembre après 19 ans de parution. (Photo : JML)
Le journal a annoncé sa liquidation le 9 septembre après 19 ans de parution. (Photo : JML)

Le journal a annoncé sa liquidation le 9 septembre après 19 ans de parution. (Photo : JML)

Un dernier pot de vin pour la route. Ce vendredi soir, les piliers du journal Le Ravi – dessinateurs, journalistes, administrateurs – ont trinqué à la mort de leur titre. Un dernier pied de nez pour un journal irrévérencieux. Le Ravi et son association éditrice La Tchatche, sont lâchés par les collectivités qui goutaient peu leur indépendance d’esprit, de plume et de crayon. Ils n’ont pas pu non plus, tout miser sur des abonnés certes fidèles mais trop peu nombreux. Contrairement à son homonyme de la crèche, le journal est contraint de baisser les bras. Il s’en était sorti de justesse en 2015, mais cette fois il n’échappe pas à la liquidation, annoncée ce vendredi dans un numéro spécial, malgré l’acharnement de ses salariés et bénévoles.

Marseille et sa région perdent un titre unique en son genre, à la fois capable d’une satire grinçante et d’enquêtes ciselées. Marsactu regrette déjà un frère, légèrement différent bien sûr, mais mu par un même idéal professionnel. La presse voit s’envoler une part de son pluralisme. L’exploit aura tout de même duré 19 ans et 208 numéros. Nous avons demandé à quelques acteurs du journal de nous raconter cette aventure à partir d’une une, d’un article, d’une action qui les a marqués.

Trax, dessinatrice

Une du n°168, décembre 2018

“C’est la une qui m’a valu le chichi d’or à L’Estaque ! Quand on fait un dessin comme ça, c’est avec l’envie de faire un portrait de Gaudin. Quand on le regarde, on se dit que l’homme est délabré. Et on fait le lien avec l’état des immeubles. Il n’a pas donné beaucoup d’argent pour rénover les logements et du coup, je l’ai fait en politique avide. Quand j’ai reçu mon prix, je suis montée sur scène. Devant M. Jibrayel [ancien conseiller départemental et député, ndlr] et une représentante de la mairie, j’ai pu dire que j’espérais que cette fripouille finisse en prison. J’ai eu droit à une réaction indignée. Ça fait toujours plaisir de pouvoir dire ce genre de choses. Ça raconte le journal parce que c’est une caricature assez violente du maire : en quelques années, j’ai dû refaire des dessins car “pas assez compréhensibles” mais je n’ai jamais été censurée. Et puis ça raconte aussi la solidarité entre les dessinateurs puisque c’est un autre dessinateur, Charmag, qui a dit qu’il fallait que ce soit mon dessin qui fasse la une.”

Samantha Rouchard, journaliste

Illustration Charmag pour Le Ravi.

“Ce dossier “sous le soleil des femmes”, j’ai mis un an avant de pouvoir l’écrire. Personne n’en voulait mais finalement, c’était chouette à faire. Il n’est pas à la une car ce mois-là, s’effondrent les immeubles de la rue d’Aubagne. Mais ça a permis de mettre à l’honneur des femmes des quartiers Nord, des militantes comme Karima Berriche, Teresa Maffeis ou Jane Bouvier. Et ça a aussi permis de mettre en valeur les cagoles ! Elles sont souvent caricaturées dans la presse satirique mais pour moi, ce sont des femmes fortes, des féministes.”

Jean-François Poupelin, journaliste

Une du numéro 81 de janvier 2011.

“Cette une, d’abord, elle est jolie. Et puis elle synthétise tout ce qu’était Le Ravi, c’est-à-dire un journal sérieux qui ne se prend pas au sérieux. Avec ce palmarès des villes à fuir, on s’amuse à détourner les palmarès habituels, mais avec des critères sérieux. Par exemple, on prend le taux d’anti-dépresseurs pour déterminer si la ville est flippante, la part de la population de plus de 75 ans, le taux de pollution de l’eau. Ce palmarès a été imaginé par un certain nombre de salariés et des bénévoles qui venaient aussi aux conférences de rédaction pour penser les numéros. C’était de l’artisanal, on rentrait toutes les données à la main. Ce numéro-là proposait aussi une grosse enquête sur la place de FO, une vraie-fausse lettre d’Alexandre Guérini à son juge d’instruction et un reportage dessiné au vrai bar le Mistral. C’est un bon résumé de ce qu’était Le Ravi.”

Pierrick Cézanne-Bert, un des fondateurs

Une du numéro 2 du Ravi. Octobre 2003.

“C’est un numéro qui est sorti en milieu de mois parce qu’on avait pris du retard. Alors, on a signé un éditorial “le mois de novembre n’existe pas” pour dire qu’on ne ferait pas le prochain et qu’on passait directement à décembre. On a lancé ce journal alors que tout le monde nous disait qu’on n’était pas prêts. Au départ, c’était pas vraiment un journal fait par des journalistes. Le but était de rendre visible des travaux de chercheurs, de bureaux d’études, de gens qui travaillaient sur des concertations publiques. Ce n’est qu’ensuite que le journal s’est professionnalisé même s’il y avait un rédacteur en chef, Gilles Mortreux, qui était journaliste.”

Michel Gairaud, journaliste et ex-rédacteur-en-chef

Une d’avril 2014.

“Cette une, c’est juste après les municipales 2014. Cette année-là, l’extrême droite gagnait Fréjus, les 13e et 14e arrondissements de Marseille, Le Pontet, etc. J’ai choisi celle-là parce qu’une une, c’est aussi un dessin, que je trouvais particulièrement réussi. C’est aussi un des marqueurs de notre histoire éditoriale. Le dessin du numéro final c’est encore des fachos sur la tombe du Ravi. On documente, on enquête, on rigole, on alerte sur tous les tons possibles. On a toujours écrit des dossiers, des enquêtes sur l’extrême-droite, le front républicain et ce qu’il en reste… Mais on arrête avec la moitié de députés d’extrême droite dans la région…”

Agnès Wanderscheid, bénévole (sur-)active

“Ce qui me semble intéressant à relever quand le Ravi baisse les bras, c’est tout le travail qui a été fait auprès des jeunes pour la sensibilisation et l’éducation aux médias. Tout le monde focalise sur Le Ravi mais moi je défendais l’association La tchatche, notamment pour tout ce travail moins visible mais essentiel. Je pense que s’il y a une continuité à espérer, individuellement ou collectivement, cela concerne ce travail-là, qui me paraît essentiel. On espère que, parmi tous ces jeunes qui ont été formés, il y en ait qui reprennent le flambeau”.

Cet article vous est offert par Marsactu
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Les coulisses de Marsactu
Marsactu et Le Ravi partagent un long compagnonnage éditorial et amical. C'est ainsi que depuis la relance de Marsactu par ses journalistes en 2015, vous avez trouvé chaque week-end sur notre site le clin d'œil du Ravi, un dessin satirique revenant sur l'actualité de la semaine. L'équipe de Marsactu - dont l'auteur de cet article - a aussi pris part de diverses façons à la vie de la Tchatche, l'association éditrice du mensuel.  
Jean-Marie Leforestier
Journaliste | jm.leforestier@marsactu.fr

Commentaires

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  1. Clément Clément

    Il n’y a donc plus que vous ! Soutien inconditionnel.

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  2. mrmiolito mrmiolito

    C’est bien triste. Abonné du début à la fin, j’ai fait ce que j’ai pu…

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  3. Dominique PH Dominique PH

    si Marsactu devient prospère,
    merci d’avance d’embaucher alors des belles plumes du Ravi

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  4. GingerPoco GingerPoco

    C’est la démocratie qui recule… Mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir lire maintenant, à part Marsactu ?

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  5. Denise DOUZANT Denise DOUZANT

    Abonnée depuis le début, un virement chaque année à la Tchatche… La circulation des numéros aux amis…Hélas, ça n’a pas suffi…Le Ravi va me manquer !

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  6. Sylvain Sylvain

    R.I.P Le Ravi!

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