IMAGINER UN NOUVEL URBANISME (2)
Nous poursuivons aujourd’hui les réflexions sur le nouvel urbanisme qui nous semble celui de la Marseille que nous sommes en train de construire et d’aménager en habitant la ville. Nous questionnerons aujourd’hui ce fait, simple, que Marseille a toujours été une ville, en proposant une réflexion sur ce qu’implique cette urbanité particulière. En effet, certaines villes n’ont acquis leur urbanité qu’à la suite de la croissance d’espaces de population en quelque sorte fédérés dans une identité politique, économique ou administrative à laquelle on a donné le nom de « ville ». Peut-être n’est-ce pas le cas de Marseille.
Marseille a toujours été une ville
Rappelons-nous comment est née Massilia, devenue Marseille. Il s’agissait d’un port sur la Méditerranée institué comme ville et comme espace d’activité économique par des Grecs venus de Phocée. C’est bien pourquoi l’identité de Marseille se fonde sur une logique de métropole : à la fois dans les conditions de sa naissance et de sa fondation et dans celles de son développement et de sa modernité, Marseille est une métropole, c’est-à-dire, au sans propre, une « ville-mère », une ville donnant naissance à une citoyenneté, à une culture, à une identité allant au-delà d’une simple localisation géographique. Ce qui fait de Marseille une ville dès sa naissance, c’est la logique du commerce et de l’échange, mais aussi, en même temps, la logique de l’ouverture à l’étranger, à l’autre. Ce qui a fondé Marseille, c’est une citoyenneté, une appartenance à un espace politique : on n’est jamais né marseillais, on l’est toujours devenu au cours d’échanges, de paroles, de marchés, avec d’autres populations, avec d’autres personnes ayant fondé leur citoyenneté sur une appartenance partagée. C’est pourquoi l’espace marseillais a toujours été le fruit d’aménagements concertés, inscrits dans une politique de l’usage de l’espace : en-dehors de la mer, qui, justement, l’a fondée sur la relation à l’autre dans un port, il n’y a pas d’espaces naturels à Marseille. C’est aussi pour cela que l’identité de Marseille est une identité urbaine, parce qu’elle a toujours le lieu d’un marché, c’est-à-dire d’un espace d’échanges, de paroles, de débats : Marseille s’es construite autour d’une agora, celle qui a toujours réuni les habitants de la ville autour du port, puis autour des espaces d’échanges qui s’y sont construits au fil des siècles.
La médiation urbaine
Au cours des aménagements et des constructions, l’urbanisme marseillais a ainsi toujours mis en œuvre une véritable socialité de la ville. Par exemple, les quartiers ont toujours intégré des espaces d’habitation et des espaces économiques ou professionnels, des lieux de culture et des lieux de parole, des lieux de vie politique et des lieux de vie judiciaire ou administrative. On peut définir une société urbaine comme celle de Marseille comme l’articulation du fait d’habiter et de celui de travailler dans les mêmes lieux : la géographie de Marseille est une géographie urbaine. C’est pourquoi, au-delà même des quartiers du centre, tous les quartiers de la ville, même quand ils sont situés à la périphérie (je pense à des quartiers comme l’Estaque ou comme Saint-Menet), sont des villes : on « parle ville » dans tous les lieux de Marseille. Pour parvenir à ses fins, le nouvel urbanisme à imaginer à Marseille doit, ainsi, permettre à toutes celles et à tous ceux qui vivent dans tous les quartiers de parler la ville : sans doute le problème des quartiers Nord, et d’autres quartiers périphériques dont il faudra bientôt résoudre les crises est-il que l’on n’y a accumulé des lieux d’habitation sans proposer des lieux de vie sociale et culturelle destinés à celles et à ceux qui y vivent. Une véritable médiation urbaine se fonde sur l’égalité et la socialité de tous les habitants qui, en y vivant, doivent se voir reconnaître la même citoyenneté et la mettre en œuvre dans leurs pratiques sociales quotidiennes.
Une socialité des transports et des déplacements
La question des transports est essentielle dans l’urbanisme : c’est elle qui permet de concevoir la vie sociale dans l’espace urbain. En effet, au-delà de leur caractère fonctionnel (on utilise les transports et on circule pour se déplacer, pour aller travailler ou faire des cours), les transports représentent ce que l’on peut appeler la citoyenneté mobile. Dans les transports en commun, je rencontre les autres au cours de déplacements que nous avons, justement, en commun, mais, même quand je circule à pied ou en voiture particulière, je fais l’expérience de la sociabilité et de la rencontre des autres au cours de mes déplacements. C’est sur cette socialité urbaine des déplacements que se fonde la lutte contre les ghettos : les ghettos ne sont que des quartiers dont les habitants ne sont pas en mesure d’aller à la rencontre de ceux des autres. Un grand travail a été fait à Marseille, mais il importe d’améliorer encore les réseaux de transports en commun afin que les transports soient le lieu de l’instauration d’une véritable vie commune et afin de tenter d’en finir avec la pollution et la dégradation de l’environnement liées à l’usage excessif des voitures particulières.
En finir avec les « zones »
Enfin, le problème majeur de l’urbanisme marseillais est la relation à ce que l’on appelle la banlieue. Marseille présente cette particularité que les banlieues s’y situent dans les limites de la ville. Mais, de la même manière qu’il existe un « parler ville », il existe un « parler banlieue », celui des quartiers périphériques, manière bien élevée de désigner les « zones ». C’est ainsi que l’urgence de ce nouvel urbanisme à imaginer pour Marseille est d’en finir avec ces quartiers qui, comme les « quartiers Nord », qui n’ont même pas de nom car ils ne font pas l’objet d’une réelle reconnaissance et n’ont pas de réelle identité. L’urbanisme du Marseille de demain sera un urbanisme socialement, politiquement et culturellement intégrateur, et un urbanisme d’égalité.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Commentaires
0 commentaire(s)
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.