RETOUR SUR UN DISCOURS (1)
C’est l’été, le temps de la chaleur et, pour certains d’entre nous, celui des vacances. Mais c’est aussi le temps du recul. Je consacrerai la chronique d’aujourd’hui et celle de la semaine prochaine au discours prononcé par le président E. Macron, le 2 septembre dernier, pour présenter son plan « Marseille en grand ».
Donc le 2 septembre dernier, E. Macron est venu à Marseille présenter le plan de développement « Marseille en grand » élaboré grâce à des échanges et des négociations entre le président, la municipalité et la métropole. Il y a ainsi longtemps aujourd’hui, mais j’y reviens pour plusieurs raisons. D’abord, je m’en suis expliqué en reprenant le fil de cette chronique, je n’étais pas à Marseille à ce moment. J’en suis encore à reprendre mes marques et à retrouver les choses que j’avais laissées de côté. Ensuite, je me dis que l’on peut profiter de la torpeur de l’été pour mener des réflexions et élaborer des idées qui ne se soient pas contraintes par l’urgence du présent. Enfin, Marsactu a expliqué son projet de suivre dans le temps, au plus près, la réalisation de ce plan. Cette chronique s’inscrit dans ce projet de Marsactu.
Qu’est-ce qu’un plan ?
Commençons par le commencement. Qu’est-ce que cet objet politique qui semble un peu oublié aujourd’hui : un plan. La France a connu une époque de plans de développement qui se succédaient, il y avait même eu une administration chargée de les élaborer et de les mettre en œuvre. Tous les pays, toutes villes, ont eu des plans. Un plan, c’est à la fois un projet muni d’un échéancier et une sorte de déclaration d’intention située dans l’avenir. En l’occurrence, un plan comme « Marseille en grand » est une représentation, une sorte de modélisation, de ce que devrait être Marseille dans le futur conçu par E. Macron. Le problème, c’est qu’un plan n’est un objet politique acceptable dans une démocratie que s’il a fait l’objet d’une concertation véritable, d’un débat réel, d’une confrontation des idées et des projets des planificateurs avec celles et ceux à qui ce plan va s’imposer, c’est-à-dire, en l’occurrence, les habitants de Marseille. Pour être acceptable et pour que les celles et ceux qui vivent à Marseille puissent y adhérer, il est important que le plan ne leur soit pas imposé par le pouvoir. Enfin, les époques où ont été élaborés des plans sont des époques de progrès, des époques d’espoir et d’ambition : il n’y a pas de plans dans des périodes de crise. C’est pourquoi ce plan, « Marseille en grand » semble un peu décalé par rapport à la situation qui est la nôtre aujourd’hui. « Marseille en grand », en plus, semble suggérer que la ville et la métropole que nous connaissons aujourd’hui sont des Marseille en petit et qu’elles ont besoin de ce plan pour redevenir grandes, pour retrouver une ambition qui leur manque. Heureusement qu’il y a la bonne parole (sens propre du mot « évangile ») du président pour faire retrouver à Marseille le chemin de l’espoir et du développement, de la croissance et du futur. C’est aussi cela, un plan : un ensemble de missions dont est chargée la ville et dont il faudra contrôler l’application au fur et à mesure et, globalement, à la fin. Bref, un plan, c’est encore une façon pour Paris et pour l’exécutif national de contrôler un peu plus la politique de la ville. Curieuse conception de la démocratie et de la décentralisation.
Le discours d’E. Macron
Pour bien comprendre les significations du plan proposé (imposé ?) par E. Macron il faut être attentif aux mots, à une façon de s’exprimer, qui apparaît, elle aussi, décalée, artificielle, sans réel souci de prendre la mesure véritable de ce qu’est Marseille et de la situation dans laquelle elle se trouve. Un exemple : le président a employé treize fois le mot « formidable ». D’abord, ce mot a un petit côté désuet. Déjà ce mot semblait vieilli dans les années 70 ou 80, et, aujourd’hui, plus personne ne l’emploie. Ensuite, il ne s’agit que d’un exemple parmi beaucoup d’autres du caractère faussement familier du discours du président. On a l’impression, en lisant ce discours, de lire, ou d’entendre, le propos d’un bonimenteur de foire qui veut vanter ses fers à repasser for-mi-dables. Une autre curiosité apparaît dans le discours d’E. Macron : il explique qu’il vient à Marseille « avec ambition et humilité ». D’abord, ces deux mots sont antinomiques : ou c’est humble ou c’est ambitieux. À moins qu’il ne s’agisse que d’une illustration de plus du « en même temps » si cher au président. Cette fausse modestie du discours présidentiel est, au fond, la même que celle du mot « formidable » : cela consiste à se présenter comme faussement familier avec un public qu’il n’a jamais rencontré et avec des acteurs politiques étrangers à son monde. À cela, il faut ajouter que l’on ne peut pas avoir d’ambition à la place d’un autre : pour Marseille, ce n’est pas à E. Macron d’être ambitieux, c’est à la ville.
La relation avec les acteurs politiques locaux
Cette question m’est apparue au détour d’une phrase : « vous avez trop de grèves », dit le président en s’adressant à la municipalité. Mais, d’abord, l’exécutif n’a pas à évaluer le nombre de grèves – sauf à imaginer une sorte de limite : on a droit à tel nombre de jours de grève par an. Ensuite, ce n’est pas au président d’évaluer la façon dont les élus locaux exercent leur pouvoir. Enfin, en mentionnant par leur prénom les figures de la politique et de la culture de Marseille qui étaient là pour l’écouter, E. Macron mettait en scène une fausse familiarité avec des personnages qui ne sont rien pour lui – et, sans doute, d’ailleurs, pour qui lui-même n’est rien. Cela est une illustration de plus du caractère artificiel d’une parole qui, tout au long de ce discours, sonnait faux. Au fond, le discours du président venant présenter son plan n’était qu’une mise en scène, celle d’un chef d’État n’entendant pas partager son pouvoir et venant présenter à une ville les contraintes et les normes qu’il lui impose pour de longues années à venir en lui imposant un plan.
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