Après les législatives et son passage à Reconquête, Ravier n’est “plus dans le game”

Actualité
le 24 Juin 2022
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Figure du RN à Marseille, le sénateur Stéphane Ravier a quitté son parti de toujours pour Zemmour au début de l'année. Un mauvais choix stratégique, assumé par l'intéressé, qui met en péril sa carrière politique.

Stéphane Ravier devant le conseil municipal de Marseille en juillet 2020. (Photo : Emilio Guzman)
Stéphane Ravier devant le conseil municipal de Marseille en juillet 2020. (Photo : Emilio Guzman)

Stéphane Ravier devant le conseil municipal de Marseille en juillet 2020. (Photo : Emilio Guzman)

23 heures, dimanche 19 juin devant le siège du Rassemblement national à Marseille. À quelques mètres de là, une voiture fait crisser ses pneus sur la place Castellane. “C’est Stéphane Ravier”, lance à la cantonade la candidate battue Éléonore Bez, suscitant les rires des militants présents. Si le délégué départemental Franck Allisio déclare qu’il aurait “préféré vivre ça tous ensemble”, la soirée sonne comme un échec cuisant pour l’ancienne figure du FN puis du RN. Au soir du second tour des législatives, le parti, fragilisé au niveau local depuis le départ de son leader, réussit un coup aussi énorme qu’inespéré en empochant six députés sur 16 dans les Bouches-du-Rhône.

Comble de la revanche, Gisèle Lelouis, aussi discrète que Ravier est tonitruant, s’impose dans la 3e circonscription, dont les contours ressemblent aux 13e et 14e arrondissements, dont il était maire de 2014 à 2017. Là même où il a été battu trois fois aux législatives, entre 2008 et 2017. Soutenue par Reconquête, sa nièce Sandrine D’Angio, qui lui avait succédé à la mairie de secteur jusqu’en 2020 a été éliminée au premier tour. Une défaite qui n’est pas la première mauvaise nouvelle pour le camp Ravier. En 2020, il avait abandonné sa mairie de secteur à la droite. Par ailleurs, la victoire aux départementales en 2021 de Sandrine D’Angio et de Cédric Dudieuzère, un autre fidèle, est suspendue à une décision du Conseil d’État après son annulation par le tribunal administratif. Le clan Ravier est décimé.

L’échec zemmouriste

Seule consolation, l’homme est toujours sénateur. Réélu en 2020, son mandat court jusqu’en 2026. Mais son pari de rejoindre Éric Zemmour au début de l’année 2022 est un échec stratégique. “J’aurais pu faire comme d’autres, faire le dos rond mais il y avait quelqu’un qui enfin sortait du ronronnement mariniste, avec un discours sur l’immigration, sur la sécurité”, justifie l’intéressé.

Le départ vers reconquête avait été coordonné avec Marion Maréchal.

L’opération avait pourtant été préparée sur fond de rupture progressive avec Marine Le Pen qui n’avait pas voulu de Ravier au bureau exécutif du parti. Défenseur depuis des années de la théorie complotiste du “grand remplacement”, le frontiste marseillais était jugé trop sulfureux. Le départ avait été coordonné avec Marion Maréchal qui allait à son tour rallier le polémiste à qui l’on annonçait une ascension irrésistible.

Fervent partisan de Jean-Marie Le Pen, Stéphane Ravier soutient une ligne idéologique à laquelle il n’a jamais dérogé : il considère comme membre d’une même famille toutes les composantes de l’extrême-droite, des cercles algérianistes aux royalistes de l’Action française en passant par l’ex Bastion social. Tenant d’une ligne identitaire, son principal collaborateur Antoine Baudino est lui-même devenu le patron de Reconquête dans les Bouches-du-Rhône.

Le regret D’Angio

“J’ai choisi, je dois assumer mon choix, c’est comme ça. On ne va pas pleurer sur le lait renversé même si c’est une citerne de lait. Mais c’est assez frustrant d’avoir travaillé pendant 30 ans pour que cède la digue et de la voir céder quelques mois après avoir quitté le navire”, commente quelques jours plus tard le parlementaire auprès de Marsactu. Son amertume vise l’élection de Gisèle Lelouis “que je prenais pour une amie”.

“Ce que je regrette, c’est le sort infligé à Mme D’Angio. Là, ça me travaille, ça va être ma croix pendant un certain nombre de temps, développe-t-il. Sandrine a eu beau dire à Jordan Bardella [le président par intérim du parti, NDLR] qu’elle voulait rester, le RN a préféré la considérer pour son lien de parenté plutôt que pour ses qualités”. Il peste encore : “Quels que soient le travail, les qualités oratoires, la présence sur le terrain, les électeurs s’en battent les couilles”.

On ne quitte pas un champ de bataille. Là, c’est un coup de poignard dans le dos.

Franck Allisio

Aujourd’hui, rien ne semble permettre aux deux camps de se rabibocher. Interrogé sur France inter le 23 juin, Jordan Bardella a pris une position claire : “Les cadres du RN qui ont fait preuve d’immoralité et qui ont trahi leur famille politique à 30 jours du scrutin, ce serait une marque d’irrespect pour nos électeurs que de leur proposer de revenir.” Le délégué départemental et néo-député Franck Allisio abonde : “On ne quitte pas un champ de bataille. Là, c’est un coup de poignard dans le dos.” Ravier assure de son côté qu’il n’est pas intéressé par un retour : “Je n’ai plus envie. La rupture est consommée.”

Il se retrouve ainsi très isolé localement et son transfert lui a coûté son groupe au conseil municipal. Son objectif de toujours – la mairie de Marseille – n’a jamais semblé aussi éloigné. “Arriver en 2026 avec un sénateur et une députée nous aurait placés en position de force, projette-t-il. Mais encore une fois idéologiquement, je ne m’y retrouvais plus… Aujourd’hui, je suis plus dans le game mais quatre ans, c’est long en politique. Petit Ravier pas mort encore ! (sic)Si Franck Allisio assure qu’il ne visera pas la mairie de Marseille, le parti ne compte pas laisser le champ libre au paria : Éléonore Bez admet s’y préparer et le parti a déjà démontré par ailleurs qu’il n’était pas rebuté par les parachutages. Après avoir lutté contre la scission initiée par Bruno Mégret dans les années 90, Stéphane Ravier doit désormais assumer d’être vu comme le félon.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Et bien,il a trois ans pour profiter de la cantine du Sénat, de ses voyages d’études en guise de vacances et de l’ensemble des petites choses qui égayent le quotidien des locataires du palais du Luxembourg.Ensuite retour chez Orange,au turbin après avoir bien profité et casé chez ses ennemis politiques sa petite famille à la territoriale,entre politiques on peut bien se rendre de petits services,on est pas des sauvages
    Sic transit gloria mundi,ainsi passe la gloire du monde.

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  2. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Un escape game qui a mal tourné…

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    • Malleus Maleficarum Malleus Maleficarum

      Bonjour,

      Par cette excellente blague, vous remportez l’internet ce jour.

      Sincères félicitations,
      Un internaute tordu de rire (vraiment !!) derrière son écran

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  3. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    « les électeurs s’en battent les couilles »
    La pensée de Ravier en une seule phrase. Comme s’il était propriétaire de l’électorat.

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  4. Dark Vador Dark Vador

    Cher @ruedelapaixmarcelpaul, sans reprendre la phrase “les électeurs etc etc…” c’est exactement le sentiment que j’ai à l’esprit concernant ce triste sire.
    Qu’il retourne donc chez Orange, en espérant que son taf soit de meilleure qualité que sa production politique. 🤣🤣🤣

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  5. Malleus Maleficarum Malleus Maleficarum

    Il a encore le temps de prendre LRP de vitesse en s’engageant dès à présent pour la NUPES, prochaine destination du susnommé.

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