Été sous tension à l’AP-HM : “Il manque 14 médecins urgentistes sur 30 à La Timone”
L'arrivée des touristes et la pénurie de médecins fait craindre un engorgement des services pour la saison estivale dans les hôpitaux marseillais. Entretien avec Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale de l'AP-HM.
À Marseille, le bruit des roulettes sur le pavé commence à résonner. Il annonce l’arrivée progressive des touristes qui traînent leurs valises jusqu’à la bonne porte. Les signes de l’été sont bel et bien là. La saison suscite, pourtant, dans certains secteurs plus d’angoisse que d’enthousiasme. À commencer par les services d’urgences de l’assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM). “Tous les ans, c’est un souci”, témoigne une infirmière de nuit de l’hôpital Nord qui résume la situation : “On sait très bien qu’on va galérer. En temps normal, on fait des nuits supplémentaires et là, comme on part en congés, il n’y a personne pour les faire.”
Jean-Luc Jouve, président de la comission médicale d’étabillsement. (Photo : DR)
Le professeur Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement et chef de chirurgie orthopédique et pédiatrique à l’hôpital de La Timone, partage ce constat. Il décrypte pour Marsactu la question du manque de personnel aux urgences et de ses conséquences.
Pourquoi la saison d’été est-elle toujours inquiétante pour les services d’urgences ?
Parce qu’on est à flux tendu. Avec l’arrivée massive des touristes, chaque été, l’activité augmente d’environ 20% à Marseille. À l’hôpital de la Timone, on est en moyenne à 260 entrées aux urgences par jour. En été, on monte à 300-350. Et nos médecins et nos paramédicaux prennent des congés comme tout le monde. Cette situation est majorée par le déficit de médecins urgentistes partout en France. C’est pour cette raison qu’on est complètement angoissés.
Quelle est la situation à Marseille ?
C’est plus tendu à La Timone qu’à l’hôpital Nord, où il y a les deux services d’urgences de l’AP-HM. Il manque 6 médecins à Nord : ils sont 12 pour un objectif de 18. Le déficit est plus grand à la Timone, avec 14 médecins sur un objectif de 30. L’autre souci, ce sont les petits hôpitaux de périphérie, contraints de fermer leurs urgences la nuit comme à Cavaillon ou à Manosque. Et les médecins généralistes qui n’assurent plus la permanence de soin après 18 heures et les jours fériés. Du coup tous ces patients convergent vers Marseille et ses urgences. C’est un jeu de dominos et nous on est au bout de la chaîne.
Comment expliquer ce déficit de praticiens ?
On a fait de mauvaises prévisions sur le numerus clausus des médecins il y a quelques années. Cela nécessitera du temps avant de retrouver le nombre qu’il nous faudrait. À La Timone, c’est aussi parce qu’il y a moins de lits d’aval [ceux pour les patients hospitalisés à leur sortie des urgences, ndlr] qu’à Nord.
La pandémie de Covid-19 a-t-elle aggravé la situation ?
Les urgences étaient déjà fragiles, mais la crise a mis à mal les équipes en termes de pénibilité. On a du personnel médical fatigué, parfois même résigné. Il préfère quitter l’hôpital public plutôt que de travailler dans des conditions qui ne se sont pas améliorées et avec des salaires trois fois moins importants que dans le privé.
Quelles sont les alternatives pour pallier ce manque de personnel ?
Actuellement, on a la possibilité de recruter du personnel venu de l’étranger ou d’autres spécialités comme la traumatologie. Deux médecins ukrainiens sont en cours d’adaptation dans l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) et deux chirurgiennes de Tunisie et d’Algérie sont dans la ligne de traumatologie qui va épauler les urgences. Les prochains recrutements seront en septembre.
Pour les lits, on a instauré la notion de “lit captif”, c’est-à-dire qu’on demande à chaque service de réserver des lits à disposition des urgences. Aussi, le Samu fait du sur-mesure : il va détourner les urgences légères vers Saint-Joseph, l’hôpital européen ou les cliniques privées. La dernière piste de réflexion est d’augmenter la capacité des deux maisons médicales de garde où des médecins libéraux viennent en appui. Elles fonctionnent de 20 heures à minuit et on demande des autorisations pour qu’elles fonctionnent de midi à minuit.
Les jeunes diplômés cet été pourront intégrer les services d’urgence prochainement. Comment les attirer ?
Il faut qu’on conserve notre activité. On a quand même une catégorie de patients passionnante par rapport aux autres avec un plateau technique important. Et un scanner qui va s’installer aux urgences à la fin de l’année. Pour un urgentiste, l’outil Timone est un bel outil.
Dans une lettre ouverte au préfet, le syndicat Sud Santé propose un accès privilégié aux logements sociaux pour attirer le personnel paramédical. Qu’en pensez-vous ?
Il n’y a pas que les logements. On peut mettre à disposition une place de parking ou en crèche par exemple. Le seul bémol, c’est la situation de dumping entre hôpitaux qui peut s’observer dans d’autres départements. On ne va pas loger des infirmières de Salon pour qu’elles viennent à Marseille sinon l’hôpital salonais sera aussi en manque de personnel. Ce sont des moyens qui existent, mais qui ne peuvent pas pallier le déficit global, ça ne peut qu’être transitoire. L’attractivité ne doit pas se faire au détriment du débat de fond qui est que les écoles doivent doubler, voir tripler, leurs promotions. Pour que d’ici 2 à 3 ans on revienne à un effectif normal.
Y a-t-il eu des consignes de la part du ministère de la Santé ?
Pour l’instant, on n’a aucune consigne, que des encouragements. Les agences régionales de santé sont un peu dépassées, elles n’ont pas vraiment le choix que de fermer des services de nuit quand il n’y a que deux urgentistes.
La situation des urgences est-elle une illustration de la crise de l’hôpital public plus largement ?
Typiquement. Les urgences, c’est la partie émergée de l’iceberg. Les collectifs inter-hôpitaux et inter-urgences ont commencé à décrire dès 2019 le système de la santé, qui correspond à une non prise en charge depuis vingt ans : bâtiments obsolètes, recrutement insuffisant, financement inégalitaire par rapport au privé, etc. Et le Covid-19 a accéléré les choses. On peut penser qu’on parviendra à maintenir des urgences de qualité ouvertes, mais on a un véritable besoin de plan Marshall de l’hôpital public. Donc, oui, il y a une situation préoccupante pour laquelle les médecins ne descendent pas dans la rue, mais s’en vont silencieusement, par résignation.
Commentaires
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Nous dire qu’il manque des médecins, sachant que cette confrérie a fait mettre en place le numerus clausus est honteux. Les médecins ont eux-mêmes créé artificiellement cette pénurie en limitant l’accès aux potentiels candidats (59000) Français.
Pour l’année 2021 le nombre de postes est passé à 8791 (soit +216). En 2020 il y avait 22568 médecins étrangers (45% diplômés en Europe) pratiquant en France.
Maintenant on nous dit qu’il y a une pénurie ! provoquée par un lobby médico financier, l’article est trop complaisant.
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Il faut rendre à César ce qui appartient à César : c’est le gouvernement Juppé qui a eu l’idée de réduire l’offre de soin en pensant que ça allait réduire la demande et cela sans se fâcher avec les médecins qui faisaient majoritairement partie de son électorat.
Sauf qu’en même temps on incluait dans l’UE les pays d’Europe centrale, d’où un afflux de médecins roumains entre autre. Et une désaffection pour les fonctions les plus contraignantes telles que les urgences.
Bref tout faux.
Sans compter que les paramédicaux (Kiné surtout) et même certains médecins vont se former en Belgique ou dans les ex pays de l’est et sans compter aussi que beaucoup d’entre eux cherchent ensuite à aller travailler en Suisse où c’est bien mieux payé.
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On ne “pique” pas une infirmière à l’hôpital de Salon, mais une chirurgienne du Maroc où d’Algérie ça ne pose pas de problème ?
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Et revoilà l’éternel problème de la permanence des soins ( appelée ailleurs « continuité du service public »), autour duquel on tourne on retourne , on se plaint , on pleure … et on ne fait rien de concret . Parler du numerus , c’est fastoche ; on va quand même par parler d’obliger les libéraux à se mobiliser . Et puis , on va pas parler non plus de l’organisation catastrophique du travail à l’hôpital . Vaut mieux parler de problème d’attractivité … en général . Comme ça personne n’est responsable , mais on s’autorise à donner des interviews de temps à autre , comme ça , on aura prévenu . On voit ça partout : le médical refuse de revenir sur ses acquis et l’administratif administre mal et sans rendre des comptes . Chapeau aux soignants , c’est désespérant
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les infirmier(e)s c’est possible pourquoi pas les médecins????
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Permanence des soins !!! Quelle rigolade. Je pense que la médecine en France est un marché bien juteux aux mains d’un certain corporatisme. Dire “ailleurs” donne des airs de personne ouverte sur le monde, mais en réalité c’est juste une manière de justifier son entre soit. La médecine en France est basée sur le “quoi qu’il en coute” permettant et justifiant tous les excess, même celui de permettre à n’importe qui à se rendre aux urgences pour une écharde au le doigt. Je ne ferai pas non plus un exposé pour rappeler que la formation des médecins et infirmiers Français n’est pas reconnue dans le système anglo-saxon en raison du niveau de formation moins élevé. Maintenant on peut se taper sur le ventre, en disant “bravo au soignant” lorsqu’il y une désorganisation du système des soins causés par leur absentéisme. A ce qui sont satisfait de ce système je vous salue !
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Peut-être que la médecine libérale l’est beaucoup trop de nos jours. Sacrifiant le serment d’Hippocrate au désir de faire un max de fric dans les créneaux horaires les plus confortables et les lieux eux aussi les plus confortables. D’où les déserts médicaux, la saturation des urgences hospitalières….
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Mazelier, tout à fait d’accord en ajoutant que la région PACA est le premier territoire ,pour employer un terme usé par les politiques, sur le plan du dépassement d’honoraires ce qui est un pur scandale, que la nouvelle génération de médecins de ville ne se foule pas d’où des urgences débordées, que les chefs de services à l’hôpital arrêtent de se prendre pour des petits mandarins, que les taux d’absentéisme ici sont supérieurs à d’autres régions de France,le climat sans doute qui doit être plus dur qu’en Alsace par exemple.
En revanche,merci à mon généraliste , ancienne version, qui est toujours là quand cela est nécessaire.
Je redoute son départ à la retraite.
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Les formations les plus demandées par les jeunes sur Parcoursup ? En 2022 ? Les formations aux métiers de la santé : écoles soins infirmiers et fac de médecine PASS.
Alors le vivier, il existe.
Encore faut-il l’accueillir et le former, puis faire en sorte de le garder.
Les conditions d’étude puis les conditions de travail à l’hôpital finissent par dégoûter les plus motivés.
Au bout, c’est nous tous qui sommes pénalisés. Nous avons tous besoin d’un hôpital de qualité. Car nous n’avons pas tous les moyens ou l’envie d’entretenir les cliniques et autres libéraux qui font des dépassements honteux.
Alors cessons de décourager les vocations.
Cessons de privilégier toujours les mêmes qui finiront…dans le privé.
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Et en plus les nouveaux spécialistes se tournent vers le non conventionné comme la chirurgie esthétique.Allez trouvez un dermatologue pour des verrues aujourd’hui,bon courage.
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J’en ai un bon, à l’ancienne…
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Si vous avez l’adresse, 6 mois d’attente en ce moment.
N’importe quoi.
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idem pour l’ASE. Et puis on privatisera…
Quand tout sera privé on sera privés de tout…!
Message copié de l’interview de Laurence Bellon.
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