Pourquoi la hausse de la taxe foncière sera plus forte à Noailles qu’à Bonneveine
Les feuilles d'impôts locaux vont grimper de 18 % à Marseille pour les propriétaires. Mais l'impact ne sera pas tout à fait équivalent selon les quartiers, car la ville est divisée en trois secteurs. Décryptage d'un système daté qui va creuser les écarts.
Notre-Dame-de-la-Garde vue depuis Noailles. (Photo : BG)
Que représentent 80 millions d’euros du budget de la Ville, traduit en impôts locaux ? Les propriétaires pourront en juger par eux-mêmes en septembre, lors de la réception de leur avis de taxe foncière. Pour financer son “budget d’ambition et d’action”, la majorité municipale a en effet décidé d’une hausse substantielle du taux (+ 5,45 points).
“Cela correspond à environ dix euros par mois”, a illustré, à la louche, l’adjoint délégué aux finances Joël Canicave (PS). Mais derrière cette présentation très homogène, l’impact de cette hausse de 18 %, qui ne comprend pas la part métropolitaine et les ordures ménagères, sera variable d’un contribuable à l’autre.
Faut-il d’abord rappeler une première évidence ? Cette mesure ne touchera que les propriétaires, qu’ils soient Marseillais ou non. À Marseille, selon les derniers chiffres disponibles datant de 2016, 44 % des habitants occupent le logement dont ils sont propriétaires, mais cette part fait l’objet de différences marquées. On compte plus de deux tiers de propriétaires occupants dans de nombreux quartiers périphériques, quand cette part tombe ailleurs, jusqu’à 15 % dans l’hypercentre.
Une répartition des propriétaires très variée
Pour les contribuables concernés, la deuxième évidence tient au caractère proportionnel de la hausse : en valeur absolue, elle sera bien plus importante pour une maison de 200 mètres carrés que pour un studio. Certains paieront 50 euros par an en plus, d’autres 200. Jusque-là, rien qui ne vienne heurter l’idéal de justice fiscale que peut revendiquer une majorité de gauche. Mais, comme Marsactu l’avait déjà détaillé, le montant de la taxe foncière ne suit pas vraiment la courbe des revenus.
“C’est aggraver l’injustice fiscale”
La sectorisation de la Ville a mal vieilli et personne ne conteste qu’elle crée aujourd’hui des écarts injustifiés.
Tout d’abord, sauf à bénéficier de l’exonération réservée aux plus modestes, tout le monde paiera le même impôt pour un même bien. Or, le montant réclamé n’est pas toujours cohérent avec les ressources ni même avec le standing du logement. “La mairie sait pertinemment que les évaluations sont erronées. Augmenter les taux, c’est aggraver l’injustice fiscale”, tranche Philippe Laget, co-secrétaire départemental de la CGT finances publiques.
La valeur locative, qui sert de base au calcul, est en effet héritée d’un système complexe et très daté. Marseille, contrairement à d’autres villes, est divisée en trois parties (A, B et C), associées à des “tarifs” différents. La plus “chère”, la B, correspond au “carré d’or” du 8e arrondissement. Suit la A, le centre historique, puis la C. “C’est une forme de photographie de la ville prise en 1966, quand il y avait beaucoup de maisons de pêcheurs dans le 7e et où le 9e arrondissement n’était pas très attractif, alors qu’on trouvait beaucoup de commerces et services dans le 1er”, rappelle Philippe Laget.
Cette sectorisation, qui n’est pas incohérente d’un point de vue historique, a mal vieilli et personne ne conteste qu’elle crée aujourd’hui des écarts injustifiés. “On sait que l’on paie plus à la Belle-de-Mai qu’au Roucas-Blanc”, concédait Joël Canicave lorsque nous l’interrogions sur ce sujet il y a un an.
Un état de fait que la hausse va mécaniquement creuser. Pour l’illustrer, nous avons pris un appartement standard en secteur C – mettons à Bonneveine – dont la valeur locative serait de 1500 euros. Soit une taxe foncière de 586,05 euros en 2021. En secteur A, à Noailles, le propriétaire d’un bien équivalent paie déjà 53 euros de plus par an. Cette année, l’écart passera à 63 euros.
Cette grille tarifaire, curieusement, n’est pourtant affichée nulle part. “C’est assez compliqué pour les contribuables de s’y retrouver”, concède Philippe Laget. Car ce n’est pas le seul élément qui entre en ligne de compte, avec à chaque fois une possible source d’écart. Les logements sont en effet rangés en plusieurs catégories en fonction de la qualité de leur construction et de leur architecture. Divers coefficients s’appliquent ensuite en fonction de l’état du bien, des éléments de conforts présents, de l’environnement.
Pas de grande remise à plat avant la fin du mandat
Cette évaluation a été réalisée à l’origine par les agents de l’État et n’est pas vraiment actualisée, faute de moyens de terrains, déplore le syndicaliste. Le recours récent aux photos satellite et à l’intelligence artificielle pour détecter les piscines ne suffit pas à combler cette lacune. Aucune de ces différentes étapes n’est détaillée dans les avis d’impôts, qui n’affichent que la valeur locative finale.
“Il n’est pas question d’augmenter la fiscalité, déjà lourde. Tout au plus faudra-t-il revoir enfin les bases de cette fiscalité devenue largement inéquitable du fait de l’absence de révision depuis 1970″, écrivait le Printemps marseillais dans son programme pour les municipales 2020. Aux dernières nouvelles, cette grande remise à plat maintes fois repoussée au niveau national interviendrait en 2026. L’an dernier, Joël Canicave se disait volontaire pour l’anticiper en “demandant au gouvernement de faire de Marseille une ville pilote en la matière”. Début 2021, lors de la présentation de l’audit financier de la précédente mandature, Benoît Payan en faisait un point de discussion important avec le président de la République. Cette demande a finalement été refusée par le Premier ministre, assure aujourd’hui Joël Canicave.
Une hausse accélérée par l’inflationCette décision intervient dans un contexte très particulier. L’indexation annuelle des valeurs locatives votée par le Parlement est cette année de +3,4 %. Elle est “la plus élevée des 20 dernières années”, soulignait le rapport d’orientations budgétaires, présenté en mars au conseil municipal. Cette situation exceptionnelle, liée à la forte inflation, n’est pas neutre dans l’impact de la hausse du taux. Sans évolution des bases, notre appartement témoin (dont la valeur locative est de 1500 euros) aurait été taxé de 82 euros supplémentaires. À elle seule, la revalorisation apporte 22,70 euros en complément.
Commentaires
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Ah, Julien Vinzent ! Je m’étonnais que vous ne vous saisissiez pas d’un sujet aussi chiffré…
J’ai quelques réserves sur la façon dont vous présentez les choses, même si je suis obligé de reconnaître que rien de ce que vous écrivez n’est faux à strictement parler. En fait, j’ai le sentiment que vous tirez tous les éléments factuels du côté de l’injustice, alors que certes le point de départ est inégalitaire, mais les différentes « complexités » du système sont mises à profit par l’administration non pas pour tromper le contribuable mais pour tenter de compenser ces inégalités.
Par exemple, lorsque vous dites rapidement que « divers coefficients s’appliquent ensuite en fonction… de l’environnement ». Concrètement cela signifie que tous les logements de certains quartiers bénéficient d’une minoration de 10%. (Cela signifie également que certains localisations privilégiées, vue mer par exemple, pourraient faire l’objet d’une majoration de 5 ou 10%, mais je n’ai pas d’éléments pour dire si celle-ci est régulièrement appliquée).
Enfin, et surtout, vous ne tirez aucune conclusion de votre carte montrant que la plupart des propriétaires de l’hypercentre ne sont pas occupants de leur logement, je reconnais que c’est très subjectif mais à titre personnel cela ne m’émeut pas que des investissements de rendement soient légèrement surtaxés par rapport à des logements occupés par leurs propriétaires.
En tout cas bravo à Marsactu d’entrer dans le détail de ce sujet. Et puisque j’y suis-je me permets de renvoyer au billet de blog que j’avais rédigé sur le sujet https://marsactu.fr/agora/tf-101/)
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Et les propriétaires habitants du centre? De Noailles par exemple? Où le prix de l immobilier est très bas? Ou la Belle de Mai?
C’est une politique, malheureusement,qui aura pour effet de transformer le centre en vaste Airbnb et de faire fuir les derniers propriétaires habitants
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Ce qui serait surtout normal c’est que le détail de la taxe soit affiché sur le relevé… logique, comme pour les règlements de téléphone, d’eau, d’électricité…
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J’ai voté PM, j’espérais que la nouvelle équipe ferait mieux que la précédente vu le niveau d’incompétence en matière de gestion de cette dernière. L’espoir faisant vivre avec quand même une bonne dose de circonspection.
Et finalement tout ça pour ça !.
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le PM fait quand même mieux c’est évident! Rappelons nous quand même de ceux à qui ils succèdent !
Il aurait sans doute fallu mettre à plat ce système de répartition avant de proposer une augmentation de la taxe foncière mais il semblerait que cela ne releve pas de leur compétences (dixit le refus du premier ministre) et cela prend du temps. Après c’est toujours pareil : on veut que est choses changent tant qu’on a pas à changer nous memes
(Il ne me semble pas que l’augmentation soit délirante pour les propriétaires)
Et si ça permet de financer des politiques publiques que je crois sincèrement meilleures que celles de la mairie précédente (c’est pas difficile, y en avait pas) je trouve que ça se justifie.
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Et pour répondre à RML je ne suis pas sure que ce soit l’augmentation de la taxe foncière qui fasse fuir les propriétaires de la belle de mai ou de Noailles malheureusement.
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La définition de la valeur locative, base de calcul de la taxe foncière, dépend du service du Cadastre de la direction des Finances Publiques. Les bases de calcul n’ont pas bougé depuis 52 ans à Marseille…..
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Vous caricaturez complètement. Les propriétaires habitants à Noailles et à la Belle de Mai ( eh oui il y en a, il n y a pas que des marchants de sommeil)
En général ne sont pas des ” riches” . Ils ont acheté là parce que c etait le seul endroit où ils pouvaient acheter.
Et il est souhaitable d avoir des propriétaires habitants : c’est les seuls qui prennent soin des immeubles.
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Si c’est pour plus de services publics ou plus d’investissements d’utilités publics, je payerais alors que je ne ”gagne” que 918 € de retraite (hors impôts). Été obligé de me mensualiser pour payer mon petit appart. à Noailles.
N’empêche dites moi qui ou quoi diminue(nt)?
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“Cette évaluation a été réalisée à l’origine par les agents de l’État et n’est pas vraiment actualisée, faute de moyens de terrains”
Allons allons, pas besoin d’intelligence artificiel, ni de faire appel à un cabinet conseil, juste quelques jours de travail : depuis 5 ans même un particulier a accès aux montants des transactions immobilières secteur par secteur pour toute la France. Il est donc assez facile d’estimer assez justement le prix au m² quartier par quartier (les agences immobilières le connaissent toutes déjà).
Ça donne une base.
Autre solution l’auto déclaration avec une règle : l’état peut te racheter chaque année ta propriété 20 % de plus que ce que tu as déclaré (puis la mettre aux enchères et empocher la différence). Il suffit d’intéresser un peu les experts qui chercheront les “fraudeurs”.
Quand on veut faire une réforme “juste”, on peut, j’en déduis qu’il y a du monde qui ne veut pas.
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Ne boudons pas le partage de ces informations d’ailleurs : ne laissons pas aux agents immo le privilège d’utiliser un site d’open-data : https://app.dvf.etalab.gouv.fr/
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Payer l’impôt ne me gêne pas , à condition qu’en face nous ayons une contrepartie mesurable, établie, réelle, justifiée et pertinente.
En quoi la construction d’une Mairie annexe dans le 12 e est-elle justifiée et justifiable ?
Pas assez superbe ou prestigieuse pour nos zėlus,pas assez confortable pour les employés municipaux ?. Faut arrêter au bout d’un moment.
Payer les caprices , commence à vraiment me” gonfler”.
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Ah ca je suis bien d’accord avec vous 🙂
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Itou !
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Il y a aussi un problème plus général de lisibilité de la TF. L’année dernière j’ai demandé le détail du calcul aux impôts pour mon logement neuf, puisqu’on est censés pouvoir vérifier et contester le cas échéant. Ils m’ont envoyé des tableaux incompréhensibles. A moins de faire appel à un spécialiste ou d’être soi même calé sur le sujet je ne vois pas comment on peut contester quoique ce soit.
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Merci en tout cas pour cet article et cet éclairage…même si sur la carte datant de 1966…il n’y a pas TOUS les quartiers… 15è ? 16è 14è ?????
C’est un véritable injustice que cette grille… et il serait vraiment temps et indispensable que cela soit revu
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Ah si le premier ministre a refusé ! Alors… c’est l’état et Marseille (comme souvent) n’y peut rien peuchère ! Il faudra peut être retenter sa chance à partir du 25 avril ! Avec un peu de chance le nouveau premier ministre sera plus disposé à organiser un peu plus de justice fiscale sur l’ensemble du territoire. Mais ça c’est pas gagné… Qui votera verra.
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By, By, Marseille …………………………Trouvez un autre pigeon !!!!!
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