LE COURS BELSUNCE
Reliant la Canebière à la porte d’Aix, le cours Belsunce est une voie importante ancienne de Marseille. Comme toutes les rues de la ville, il n’a pas seulement une histoire et des fonctions dans la vie urbaine, il a aussi une identité, une signification. Tentons de les comprendre.
Pourquoi le « cours Belsunce » ?
Le nom du cours Belsunce est intimement liée à l’histoire de la ville. En effet, Belsunce, évêque de Marseille de 1709 à 1755, a joué un rôle important au moment de l’un des épisodes tragiques de Marseille, mais, en même temps, fondateurs de son identité : la peste de 1720. Être nommé ainsi donnait au cours Belsunce la place d’un âge important de la ville, cela faisait de lui une des voies constituant une sorte de témoignage important de l’histoire de Marseille. En même temps qu’en donnant son nom à un véritable axe de la ville, Belsunce se voyait reconnaître la place d’un acteur majeur de la mémoire de la ville, le cours Belsunce se voyait reconnaître, en portant ce nom, deux places dans la géographie de la ville, dans ce que l’on pourrait appeler sa géopolitique : celle d’une voie permettant les échanges entre les classes sociales de la population de la ville et celle d’un axe de relation entre les pouvoirs et les habitantes et les habitants de Marseille. D’ailleurs, sans doute peut-on supposer qu’aujourd’hui, peu de gens savent qui était Belsunce, mais que c’est une des rues dans lesquelles la ville se retrouve elle-même, en permettant à celles et à ceux qui y vivent de se reconnaître en partageant une identité urbaine commune.
Les âges du cours Belsunce
L’histoire du cours Belsunce est presque aussi ancienne que celle de la ville. Comme il s’agit de l’une des deux voies qui se rencontrent au centre de la ville et qui lui donnent sa structure, il est l’un des axes qui fondent ce que l’on peut appeler le squelette de la ville, ou, si l’on préfère, sa charpente. C’est dès le Moyen Âge que des constructions importantes vont jalonner la rue de monuments et d’édifices divers contribuant à l’histoire municipale (édifices religieux comme des couvents et des monastères, ou activités sociales de toutes sortes. En même temps, le cours, désigné, précisément, par le seul terme « le Cours », sera, à tous ses âges, une voie de circulation et de promenade des habitants de Marseille, mais aussi de relations urbaines, de vie sociale de la ville. C’est en 1670 que le Cours Belsunce actuel est ouvert, pour être un espace de promenade et de vie mondaine : on va sur « le Cours » pour se promener. Ce sont seulement les buts et les significations de la promenade et de la circulation qui changent avec les époques. Ce qui traverse les âges du « Grand Cours », comme on l’appelait au début, c’est la parcours et la promenade : depuis toujours, on va sur le Cours Belsunce à la rencontre de la ville. Même s’il s’agit d’un axe majeur de la ville, il s’est toujours agi sans doute davantage d’un itinéraire dans un but ou d’une voie de promenade que d’une simple voie de circulation.
Le cours Belsunce d’aujourd’hui
Après avoir toujours été une voie importante de relations et de vie sociale, le cours Belsunce a été, de nos jours, une des victimes de la séparation de Marseille en deux villes, celle du Nord et celle du Sud. Il en dessine, à sa façon, la frontière. C’est qu’après avoir été une voie plutôt élégante de vie sociale, le cours Belsunce est devenu une des rues qui séparent deux espaces de la ville. Les « quartiers Nord » commencent, pourrait-on dire, au cours Belsunce, et ce caractère de frontière au sein de l’espace urbain permet de comprendre la dégradation dont il fut victime. Les beaux immeubles, bien entretenus, la rue elle-même et les trottoirs élégants se sont peu à peu déplacés vers d’autres quartiers du centre, pour aller se retrouver de plus en plus loin de lui vers les quartiers du Sud de la ville. Cela explique qu’à notre époque, le cours Belsunce ne soit plus l’artère à la fois élégante et centrale de la ville qu’il fut pour devenir progressivement une des voies de ce que l’on peut appeler les ghettos de Marseille. L’installation de la bibliothèque de l’Alcazar fait partie des décisions politiques de rénovation du centre destinées, justement, à en finir avec l’aspect de ghetto du Cours de notre époque. Il n’est pas sûr que la bibliothèque de l’Alcazar ait joué ce rôle, car elle n’a pas de véritable emprise sur le Cours. C’est à peine si elle y trouve sa place.
Trois cours Belsunce
Il y a trois cours Belsunce. Le premier, le plus ancien, est fondé sur les constructions anciennes, sur les immeubles qui demeurent des premiers temps de Marseille. C’est que le Cours a toujours été bordé d’immeubles d’habitation. Presque aussi ancien que la ville elle-même, il a toujours été un des lieux dans lesquels les habitants de la ville se sont installés pour créer, peu à peu, la ville que nous connaissons de nos jours. Les immeubles anciens qui bordent le Cours font partie des signes de son caractère ancien, du fait qu’il a toujours jalonné l’histoire de Marseille. Mais, en même temps, le Cours a toujours été un lieu de commerce, bordé par des boutiques où l’on retrouve l’activité majeure de Marseille. C’est pourquoi ce second cours Belsunce est celui de la fondation d’une nouvelle ville, celle du dix-neuvième siècle et de la prospérité liée aux activités issues de l’ouverture du canal de Suez et du trafic avec l’Afrique du Nord et le Proche-Orient. C’est le temps de l’Alcazar, théâtre ouvert en 1857, et devenu bibliothèque régionale en 2000. Le cours Belsunce est, ainsi, parcouru par le premier trolley électrique ouvert en France, en 1892, desservant le cours Belsunce et le cours Saint-Louis. Mais il y a un troisième cours Belsunce, celui d’une lente dégradation environnementale. On pourrait dire que le temps de la prospérité cesse, pour le Cours Belsunce, avec l’incendie des Nouvelles Galeries, en 1934. C’est le temps de la dégradation esthétique et sociale de la modernité urbaine de Marseille. Il s’agit de l’époque contemporaine des grands immeubles situés en face de l’Alcazar, de ces gratte-ciels hideux des années cinquante et soixante construits pour concourir à l’accroissement, devenu nécessaire, de l’offre de logements. Puis il s’agit, plus près de nous, du Centre Bourse, centre commercial destiné, dans les années soixante-dix, à donner un nouvel essor à l’activité commerciale du centre de la ville, avant de péricliter lui-même avec le départ des activités commerciales du centre vers les magasins et les centres commerciaux des quartiers Sud. Mais le cours Belsunce peut être aussi devenu un lieu de violence : une attaque au couteau a eu lieu au début du mois de septembre et l’assaillant a été tué par la police.
Le cours Belsunce est-il encore « le Cours » ?
Cette chronique s’inscrit dans la série des chroniques consacrées à des lieux de Marseille considérés comme considérés comme significatifs de l’identité de la ville. J’ai recueilli beaucoup d’informations sur l’histoire dans le « Dictionnaire historique des rues de Marseille », d’A. Blès (Marseille, Jeanne Laffitte, 2001).
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