Rénovation urbaine : l’autre milliard que Marseille espère

Décryptage
le 2 Fév 2022
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Ce mercredi, les élus de la Ville et de la métropole montent à Paris défendre les projets locaux devant l'agence nationale de rénovation urbaine. Ils espèrent un financement d'un milliard au total, bien plus que ce que prévoit le plan Marseille en grand.

Plusieurs chantiers doivent être démarrés ou relancés dans les mois à venir. (Photo : Emilio Guzman)
Plusieurs chantiers doivent être démarrés ou relancés dans les mois à venir. (Photo : Emilio Guzman)

Plusieurs chantiers doivent être démarrés ou relancés dans les mois à venir. (Photo : Emilio Guzman)

Benoît Payan, Samia Ghali et Martial Alvarez sont dans un train ce mercredi matin pour un rendez-vous qui pèse, au bas mot, un milliard d’euros. Ils ont rendez-vous à l’agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) pour un comité national d’engagement. Derrière ce terme, une présentation en mode grand oral qui doit permettre de valider la nouvelle vague de projets de rénovation urbaine pour la seconde ville de France. La réunion prévue pour la journée sera suivie d’une seconde, le 2 mars prochain.

Après l’effort consenti par Emmanuel Macron pour les transports et les écoles, dans la foulée de son opération Marseille en grand, voici donc un nouveau wagon de financements demandés par les élus marseillais : l’ensemble des projets qui seront présentés durant ces deux comités pèsent à eux seuls près d’un milliard d’euros. “On a fait un travail au point de croix avec Samia Ghali et les élus de la Ville”, formule Denis Rossi, autre élu métropolitain impliqué dans les négociations. Marsactu explore ce grand dessein pensé pour 200 000 habitants de Marseille.

Quels sont les projets présentés ?

Lors du comité d’engagement de ce mercredi, les élus locaux défendent quatre territoires : Castellane/Bricarde, Kalliste/Solidarité, la Savine et Frais-Vallon/La Rose. À ces projets, s’ajoutent quelques “bougés” sur les projets actés en novembre 2020. Ainsi à notre connaissance, le projet Saint-Barthélémy-Malpassé (13e) dont les grandes lignes ont été arrêtées en 2020 devrait s’alourdir du sujet délicat des grandes copropriétés dégradées du secteur. La métropole entend ajouter dans la corbeille un traitement plus radical du parc Corot (13e) dont la majeure partie du patrimoine serait soit démoli, soit transformé en logements sociaux, à l’exception du bâtiment D déjà exclu de la convention confiée à un groupement amené par la CDC Habitat. La copropriété du Mail (14e), entre la Busserine et les Flamants, entrerait également dans le viseur de l’ANRU.

Lors du second comité d’engagement, le 2 mars, la Ville et la métropole doivent présenter la rénovation de l’habitat ancien dans le centre-ville et les faubourgs du Nord. L’ANRU est appelée à financer l’effort public en matière de logements sociaux et un certain nombre d’équipements. L’agence nationale d’amélioration de l’habitat (ANAH) prendrait en charge la rénovation du parc privé. À ce gros morceau, s’ajoutent deux zakouskis en pierre et béton du 15e arrondissement : la grande barre de Campagne-Lévêque, requalifiée “d’intérêt national”, et le patrimoine diffus de la Cabucelle et des Crottes, en complément de l’opération Euroméditerranée 2.

Comment en est-on arrivés à 950 millions ?

En 2019 et 2020, les représentants de la métropole et de Marseille rénovation urbaine (MRU) obtiennent 300 millions de l’ANRU, ciblés sur Air Bel, La Castellane/Bricarde déjà et Saint-Barthélémy/Malpassé. Ces financements sont arrachés par l’ancienne équipe menée par Nicolas Binet, parti à la retraite depuis. S’y ajoutent 300 autres millions promis par Emmanuel Macron lors de son discours du Pharo, pour les projets non encore présentés. Le travail conjoint de la Ville et de la métropole entrepris depuis en lien avec les services de l’État allonge la facture d’un nouveau tiers. Les deux entités justifient cette hausse suite à “un passage en revue des besoins”.

Nous avons choisi de travailler à partir des besoins réels en termes de logements comme d’équipements publics, explique la maire-adjointe Samia Ghali qui suit ces dossiers pour la Ville. Là où, par le passé, les dossiers étaient traités projet par projet, nous avons décidé d’avoir une vision d’ensemble sans opposer les projets entre eux. L’idée est de savoir quartier par quartier ce dont les habitants ont besoin en termes de désenclavement, d’amélioration de l’habitat, mais aussi d’école, de crèche ou d’équipements sociaux et sportifs“.

Avant le rendez-vous de ce mercredi, les élus de la Ville et de la métropole ont fait une visite des principaux sites avec la directrice générale de l’ANRU pour lui faire comprendre quelle était l’ampleur de la tâche. “Les élus marseillais bénéficient des six ans de travail qui ont été faits avant leur arrivée, note le vice-président LR délégué au logement au conseil de territoire Marseille-Provence, Lionel Royer Perreaut, qui suivra la réunion en visio. Ils bénéficient aussi de la volonté de l’État d’accompagner la seconde ville de France d’une manière inédite. Il y a qu’à voir le défilé des ministres qui viennent contrôler l’avancée des projets.”

Un bonus pour les écoles, les crèches ou les piscines ?

Les projets ANRU prévoient que chaque partenaire finance sa part des projets en fonction de ses compétences : les bailleurs sociaux pilotent en majeure partie les opérations sur leur patrimoine, les collectivités locales assurent la maîtrise d’ouvrage pour les équipements publics (les crèches, écoles, centres sociaux et équipements sportifs pour la Ville, la voirie, les grands parcs pour la métropole). L’ANRU apporte alors une aide sous forme de subvention ou de prêt. Dans le cadre de cette nouvelle vague de projets, Samia Ghali espère voir augmenter la part financée par l’ANRU dans des équipements qui relèvent de la compétence municipale, en passant de 50 à 65 %. L’élue des quartiers Nord prend exemple sur certaines villes de la couronne parisienne où ce type de “scoring” a eu lieu. Mais pour cela, la Ville va devoir argumenter, notamment en fonction de l’intérêt immédiat du quartier.

Il y a des endroits où on peut commencer par les équipements, en attendant que le projet concernant les logements soit mûr.

Samia Ghali, maire-adjointe

Ainsi à Frais-Vallon (13e), la grande piscine neuve envisagée avait fait tiquer l’ANRU. Elle est passée à l’as, remplacée par une réhabilitation lourde de l’actuelle piscine tournesol. D’un autre côté, Samia Ghali espère bien faire valider un grand complexe sportif en bordure de Campagne-Lévêque qui comprendrait une piscine Nord remise aux normes, avant de pouvoir agir sur l’habitat. “Ce qui est clair, c’est qu’on ne peut pas tout faire en même temps, admet-elle. Il y a des endroits où on peut commencer par les équipements, en attendant que le projet concernant les logements soit mûr.

La grande question est de savoir jusqu’où ira l’ANRU, notamment dans les quartiers du centre-ville, territoires d’élections des élus du Printemps marseillais. “Il n’est pas sûr que l’agence nationale accepte de financer l’intégralité des promesses d’équipements municipaux de monsieur Payan”, souligne, non sans perfidie, Lionel Royer-Perreaut.

Combien de démolitions ?

À la Castellane (16e), la tour K est tombée. À Air-Bel (11e), d’autres devraient suivre, pour environ un cinquième des 1200 logements. Mais l’esprit du nouveau programme de rénovation urbaine est plus dans la dentelle que la vague précédente qui avait remodelé en profondeur – voire fait disparaître – des quartiers comme le Plan d’Aou, les Créneaux ou Saint-Paul. “Nous n’allons pas tout démolir pour tout reconstruire, ça n’a pas de sens, explique Samia Ghali. Surtout qu’il faut du foncier disponible pour reconstituer l’offre ailleurs. L’idée est de réhabiliter en profondeur là où c’est possible. À la Castellane par exemple, au lieu de démolir une barre entière, on en supprime une partie pour permettre de libérer du foncier pour une opération permettant de la mixité sociale. Dans beaucoup de cités, on a à la fois la vue sur mer et sur la pinède. Il faut le valoriser.

Même réflexion de Lionel Royer-Perreaut, cette fois-ci avec sa casquette de président de 13 Habitat. Le bailleur social du département est le propriétaire exclusif de la grande barre de Campagne-Lévêque. “Sur une cité comme celle-là, la priorité doit être mise à la fois sur la réhabilitation et sur la sécurisation du site, explique le bailleur. Cela peut se passer en “dévitalisant” certaines entrées et en recomposant les logements à l’intérieur pour offrir des logements de grande taille dont on a un vrai besoin sur Marseille”.

Cette question des démolitions comme du relogement des populations est une des données clefs du problème. La Ville connaît un ralentissement sans précédent de l’offre de logements, dans le neuf, l’ancien comme dans le logement social. Les projets de rénovation urbaine sont censés décupler l’offre, en multipliant le foncier disponible. Mais pour cela, il faut arriver à construire un vrai partenariat avec les habitants. “Dans un bâtiment des Canourgues, à Salon, il m’a fallu six ans pour reloger les 200 habitants d’un seul immeuble”, souligne Lionel Royer-Perreaut. Une goutte d’eau en comparaison des milliers de Marseillais concernés par les sujets discutés ces jours prochains devant l’ANRU.

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Commentaires

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  1. Richard Mouren Richard Mouren

    Ah! L’ineffable et omniprésent L.R-P, notre champion régional voire national du port concomitant de casquettes, véritable phénix renaissant purifié de ses casseroles à chaque élection! Il se rend compte maintenant que Marseille manque cruellement de logements sociaux de plus grande taille, lui qui préside aux destinées de Marseille 13 depuis des années. Mais également attendrissant L.R-P qui avoue ingénument qu’il a fallu Six ans, à Lui, L.R-P himself pour reloger 200 familles. Son bilan n’est donc pas nul. La phrase perfide sur le Maire, mentionnée plus haut dans l’article est évidemment proférée par un autre porteur de casquette: R-P.L qui a été pendant de longues années adjoint de Gaudin qui a laissé pourrir les équipements municipaux.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Cette phrase “perfide” m’a aussi fait bondir. Franchement, la décence voudrait que ces gens qui ont laissé la ville tomber en ruine se taisent : pour faire la leçon aujourd’hui après avoir démontré une parfaite incompétence pendant un quart de siècle, il faut vraiment être immunisé contre la honte.

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  2. Alceste. Alceste.

    Lionel Royer Perreaut quelques fois , et je vous le dis franchement , je vous envie.
    Je vous envie car homme trés occupé avec votre quinzaine de mandats vous devez vous sentir seul face à cette masse de travail .A tel point que cette solitude vous angoisse et vous pèse et vous demandez encore d’autres présidences afin de combler ce vide . Car que voulez vous , homme d’une intelligence supérieure , vous êtes vraiment isolé entouré de nous autres qui ne sommes que le “vulgaire”, au sens latin du terme, of course.
    Mais vous avez un secret , et dans votre dernière intervention, ce dernier est enfin révélé.
    En fait vous n’êtes pas seul , vous êtes toujours accompagné par votre amie fidèle,éternelle et constante, amie dont Arletty en donne l’identité :Certains ne sont jamais seuls ils sont toujours accompagnés de leur connerie.
    Le voilà votre secret !

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