Une embarrassante affaire de favoritisme pour l’élu RN Stéphane Ravier
Le parquet de Marseille a ouvert une enquête préliminaire visant la mairie des 13e et 14e arrondissements époque RN. Marsactu lève le voile sur le marché de site internet au cœur des investigations.
Stéphane Ravier lance sa campagne pour les municipales le 19 septembre 2019. (Photo : JML)
Le Rassemblement national n’a pas été réélu en 2020 à la tête de la mairie des 13e et 14e arrondissements, mais certains dossiers le poursuivent. Après l’agence française anticorruption qui avait disséqué plusieurs sujets brûlants de sa mandature, c’est désormais le parquet de Marseille qui fouille dans les cartons d’archives de la bastide Saint-Joseph. Selon les informations de Marsactu, il s’intéresse au marché de réalisation du site internet de la mairie de secteur.
La procureure de la République de Marseille, Dominique Laurens, a confirmé à Marsactu qu’une enquête préliminaire pour “favoritisme et recel de favoritisme” a été ouverte au mois d’août 2021. Elle fait suite à un signalement effectué par la nouvelle majorité de droite de la mairie de secteur, à présent pilotée par Marion Bareille. L’enquête doit notamment déterminer si les règles de mise en concurrence propres aux marchés publics ont bien été appliquées.
Deux bons de commande deux jours de suite
La création du site internet de la mairie de secteur a eu lieu à l’automne 2016 quand la mairie est encore dirigée par le sénateur RN Stéphane Ravier. C’est même lui qui va signer les marchés afférents comme l’attestent des documents que Marsactu s’est procuré. Les 11 et 12 octobre, deux bons de commande vont être signés au profit de deux sociétés différentes de la main de Stéphane Ravier. L’un de 16 200 euros hors taxes et l’autre de 24 000 euros portent la même mention : “création site internet”.
En cumulant toutes les factures, le site aura coûté 76 000 euros.
Sur l’année suivante, ce sont en tout près de 46 000 euros qui sont dépensés. Jusqu’à la fin de la mandature, la somme des factures atteint 76 000 euros. Une suite de dépenses que Stéphane Ravier qualifiera en 2018 de “racket” dans une série de mails internes dont il a fait passer des copies à Marsactu. C’est pourtant à lui en premier que revient la responsabilité de “respecter le principe de bonne utilisation des deniers publics”.
Prises séparément, chacune des factures ne dépasse pas le montant maximum au-delà duquel une mise en concurrence est nécessaire. Au moment de la conclusion de ces contrats, il s’agissait de ne pas dépasser 25 000 euros hors taxes. En dessous de ce seuil, les contrats peuvent être conclus “sans publicité ni mise en concurrence”, explique le ministère de l’Économie. C’est ainsi que dans la liste des marchés soumis à concurrence conclus par la mairie des 13e et 14e arrondissements en 2016, dont le bilan annuel est une obligation légale, la création du site internet n’apparaît pas.
Les contrats ont-ils été saucissonnés ?
La plus grosse facture est de 24 000 euros. Elle passe donc sous le seuil légal. Mais la question est de savoir s’il n’y a pas eu saucissonnage des contrats. En clair, est-ce que les commandes n’ont pas été scindées à dessein pour passer sous ce seuil et ne pas s’embarrasser d’une procédure de marchés publics ?
En 2019, la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie précisait dans une note (disponible en téléchargement) que “l’acheteur ne doit pas découper son besoin dans le but de bénéficier artificiellement de la dispense de procédure”. Ainsi, pour l’exemple de la rénovation d’une salle informatique, elle inscrivait dans une seule et même unité les achats d’ordinateur et ceux de moquette.
Si Stéphane Ravier a pêché, c’est par naïveté ou par excès de confiance”.
Une source dans son entourage
Dans ce cas précis, plusieurs éléments semblent indiquer qu’une mise en concurrence aurait été nécessaire. Le doute est d’autant plus permis dans ce cas que les deux entreprises retenues sont en réalité jumelles. L’une est une filiale à 100 % de l’autre. Dans l’entourage de l’élu, on essaye de le dédouaner : “Stéphane Ravier, le politique, veut un site internet. Ensuite, c’est à son équipe, le cabinet, la direction des services, la direction financière de cadrer cela. Si Stéphane Ravier a pêché, c’est par naïveté ou par excès de confiance”.
“Deux prestations différentes”, jure le patron
Le dirigeant de ces sociétés jure qu’il ne s’agissait pas d’un saucissonnage, mais d’une répartition bien réfléchie entre les deux sociétés. “Ce sont deux prestations différentes. On a proposé la réalisation du site internet et ensuite, on a vendu une prestation de stratégie digitale”, explique ce chef d’entreprise peu habitué des marchés publics qui, pour nous répondre, a réclamé l’anonymat. Pourtant, les devis détaillés montrent qu’un certain nombre de postes de dépenses auraient pu aisément passer d’une facture à l’autre.
Autre fait étonnant, le patron raconte aussi comment l’idée de candidater lui a été suggérée par un fonctionnaire de la mairie des 13e et 14e arrondissements de passage à Pertuis : “Il est rentré dans l’agence et nous a dit que la mairie allait refaire son site pour savoir si on était intéressés.” Ce fonctionnaire est celui qui instruira la partie technique de la conclusion du marché. Est-ce celui-ci qui aurait dessiné l’architecture du site ? Quelle connaissance avait Stéphane Ravier de ce montage ? Ce sont des questions que la justice va devoir explorer.
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