Métropole : le débat entre les maires et la ministre repousse “l’orage” à plus tard
La ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault assistait ce lundi à la troisième conférence des maires depuis le discours du président Macron appelant à une réforme de la métropole. Si l'idée d'un partage des compétences avec les communes avance, les questions les plus épineuses sont renvoyées à plus tard.
Martine Vassal et Jacqueline Gourault à la sortie de la seconde conférence des maires. Photo : J.V.
Le fond paré de logos et les drapeaux pour la ministre et la présidente d’Aix-Marseille Provence, la salle des pas perdus et le perron synonyme de pause cigarette pour les élus locaux. D’un côté, la convergence affichée des positions sur la réforme métropolitaine souhaitée par le président de la République, de l’autre une polyphonie à l’aune des 92 communes du territoire. Ce lundi, la conférence de presse de la ministre de la cohésion des territoires Jacqueline Gourault et son pendant improvisé par les maires eux-mêmes illustrent les nombreux points de friction laissés intacts par trois heures d’échanges. Laissant entrevoir l’ambiance d’une réunion qui se tenait à huis clos.
Des trois grands thèmes, l’un semble pourtant réglé. Les relations financières entre la métropole et ses communes membres, ciblées par Emmanuel Macron pour les reversements trop abondants, seront examinées au second semestre 2022 après la présidentielle et les législatives. Soit bien après le vote de la loi qui doit porter cette réforme, en décembre à l’Assemblée. “Cette conférence des finances se réunira une fois que les transferts de compétences entre les communes et la métropole seront clairs et nets”, approuve Jacqueline Gourault, rejoignant ainsi la proposition formulée deux semaines auparavant par Martine Vassal. Et pour cette dernière il va de soi que l’avancée sur les compétences déclenchera le financement à hauteur d’un milliard d’euros des projets de transports collectifs promis par le président. Mais sans, en face, les fameuses marges de manœuvre que la métropole était censée générer.
S’il ne s’agit en apparence que d’un report, la portée polémique d’une mise à plat des redistributions financières en serait également désamorcée. “L’aspect financier est la conséquence de ces mouvements de compétences”, précise la ministre, pas un grand remodelage des multiples décisions ayant amoindri les marges financières de la métropole. Pour le maire de Martigues Gaby Charroux (PCF), cette négociation demeure cependant “un gros orage qui s’annonce à l’horizon”.
La stratégie et les “questions concrètes”
Quant à cette redistribution des missions de chacun, elle épouse théoriquement la vision de Martine Vassal d’une “proximité” laissée aux communes et d’une “métropole de projets” axée autour de cinq compétences stratégiques, “le développement économique, l’aménagement du territoire, la mobilité, le logement et l’environnement”. Mais l’interprétation diffère selon les interlocuteurs, au point que “la situation est devenue inextricable”, considère Robert Dagorne, maire d’Éguilles et opposant emblématique de l’institution.
On ne peut pas se battre contre la superstructure métropolitaine et se retrouver avec une superstructure municipale au-dessus de nous.
Le Maire LR des 9/10
Dans la pénombre du perron, parmi les maires qui poursuivent les débats, Loïc Gachon (PS) conserve des “questions très concrètes sur lesquelles nous n’avons pas de réponse”. Le maire de Vitrolles cite l’exemple des communes qui entourent Marseille et ne souhaitent pas récupérer la gestion de la voirie contrairement à Benoît Payan. “Comment ça va se passer pour elles ?” Maire pendant 25 ans et première présidente d’une nouvelle intercommunalité dans le Loir-et-Cher, Jacqueline Gourault n’ignore pas ces finesses. “Il y a trois niveaux, la création de routes, leur aménagement puis leur entretien, il faut définir quel niveau laisser aux communes”, série-t-elle. Et sur les moyens, “il est possible de faire appel à la métropole pour assurer les missions”, dans une forme de retour à l’envoyeur de l’opérationnel qui laisserait cependant le pouvoir aux maires.
Mais la lecture de la maire d’Aix-en-Provence Sophie Joissains (UDI) va plus loin, en détricotant jusqu’aux fameuses compétences stratégiques. “Par exemple, si la métropole conserve le développement économique, il faut que les zones d’activités continuent à être gérées à l’échelle intercommunale ou à celle de la commune”, défend-elle. Dernière cerise sur le gâteau, les maires de secteur marseillais présents, tous de droite, sont d’accord pour que certaines des compétences comme la propreté descendent directement jusqu’aux mairies de secteur. “On ne peut pas se battre contre la superstructure métropolitaine et se retrouver avec une superstructure municipale au-dessus de nous. Je suis comme les autres maires, c’est moi qu’on vient voir quand on veut un potelet”, s’insurge celui des 9e et 10e arrondissements Lionel Royer-Perreaut (LR).
Les conseils de territoire élagués ?
Confiante malgré tout dans le fait de “répondre aux attentes des maires même si nous ne sommes pas toujours exactement sur la même longueur d’ondes”, la ministre se fait même catégorique lorsqu’elle aborde le dernier grand point. “Il me semble qu’il est inutile de laisser perdurer les conseils de territoire”, pose-t-elle, confirmant les propos précédents des préfets. Depuis 2016 et la fusion des six anciennes intercommunalités, elles avaient perduré dans cet échelon intermédiaire entre les communes et la métropole. “L’intercommunalité, c’est la métropole, il faut la renforcer et renforcer les maires dans les compétences de proximité“, insiste la ministre.
C’est pourtant là que l’orage pourrait le plus tonner dans les mois à venir. À ses côtés, Martine Vassal répond à la question par une autre, flottante : “Il faut savoir qui va assurer les compétences intermédiaires.” Pour le maire de Vitrolles, cet élagage est une erreur de diagnostic. “Ce n’est pas une résistance au changement. nous ne sommes pas arc-boutés sur un passé glorieux. Il y a de nombreux territoires où les compétences ont été mises en place sur une vraie stratégie, avec des équipements à la bonne taille, en fonction du bassin de population. C’est le cas de la culture à Istres ou des équipements sportifs à Aix.”
Piscines, médiathèques et régie publique de l’eau
La ministre ne méconnait pas ces enjeux lorsqu’elle évoque des échanges sur “l’intérêt métropolitain des équipements sportifs et culturels” avec “une décision à prendre par la collectivité, pas par le gouvernement”. En cinq ans, les élus n’ont jamais réussi à faire cette harmonisation de ce qui dépassait les frontières communales ou pas. Lancé mi-2018 sous la présidence de Jean-Claude Gaudin, qui lorgnait vers un transfert de l’opéra et du stade Vélodrome, le débat avait tourné court face à l’hostilité des maires.
Aux équipements, le maire de Martigues ajoute la gestion de l’eau qui, aujourd’hui, s’établit à l’échelle des trois communes de son conseil de territoire. Avec un choix politique affirmé. “Nous avons une régie publique de gestion. Il n’est pas possible que nous laissions partir cette compétence à la métropole.”
La plus clairement attachée au maintien de ce niveau intermédiaire est encore la maire d’Aix, Sophie Joissains. Et pour elle, pas question de remplacer cet échelon intermédiaire par un pôle déconcentré, émanation purement administrative, sans élus ni assemblée. “Les seuls qui ont la légitimité sont les maires et les conseillers municipaux. Je n’ai rien contre les hauts fonctionnaires mais ce n’est pas à eux de gérer à notre place.” Inquiétude balayée par Jacqueline Gourault : “Ce sont les mêmes élus qui siègent au territoire et à la métropole, cela peut se gérer au sein d’une seule assemblée.”
Parmi les parlementaires invités, le sénateur EELV, Guy Benarroche a bataillé sur l’article 56 lors du premier passage de la loi 3DS à la chambre haute. Pour lui, tout n’est pas perdu. “Ce qu’on a entendu ce soir est déjà mieux que ce que les sénateurs ont adopté cet été. Même si les points de vue divergent encore : les maires s’entendent sur l’essentiel. C’est en tout cas ce qui se sera présenté à l’assemblée le 6 décembre.” Et c’est aussi la position du maire de Marseille, pour qui l’essentiel est d’étendre son influence sur les enjeux du quotidien actuellement gérés par son opposante LR au conseil municipal. Après une réunion dédiée avec la ministre, Benoît Payan est l’un des rares à être restés silencieux pendant la conférence métropolitaine et son épilogue.
Article clair qui résume bien la situation.
Des maires vent debout contre la métropole aujourd’hui, car l’avenir de l’arrosage financier va cesser.Donc le marché passé avec Vassal est caduque.Les habitants sentent bien que ce système ne fonctionne pas, transports, nettoyage, entretien.Des incohérences sur les sujets stratégiques par exemple l’eau.Une mise sous tutelle qui ne dit pas nom .Alors Vassal lâche les dossiers, et veut garder l’essentiel.Mais l’essentiel pour elle n’est pas là,il est uniquement dans celui de sauver sa peau d’élue.Le piège est en train de se refermer.
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Le meilleur moyen de faire avancer la métropole c’est de passer à l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel, transformer la métropole des Maires en métropole des habitants !!!
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Bien sûr. Mais qui aura le courage d’imposer une telle réforme aux maires arc-boutés sur leur égoïsme ? C’est la fusion de la métropole et du département qui aurait abouti à ce mode de fonctionnement électoral : la veulerie générale a enterré ce projet.
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“Une superstructure municipale au-dessus” des mairies de secteur ? Il a complètement vrillé, le Royer-Perreaut ! Marseille est une ville, pas une juxtaposition de secteurs : c’est le gaudinisme qui a inventé une gestion municipale segmentée en fonction de la rentabilité électorale de chacun d’eux.
Non seulement il ne faut surtout pas accentuer ce travers inégalitaires, mais il est au contraire urgent de retrouver une gestion municipale qui traite tous les habitants de la même façon. Pour ma part, la suppression des mairies de secteur et leur remplacement par de simples bureaux annexes de la mairie centrale, pour les démarches administratives courantes, ne me gênerait pas.
A propos, où en est-on de la réforme des élections municipales à Marseille, que les travers du mode de scrutin actuel rendent plus que souhaitable ?
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Les amis , vous oubliez une donnée ESSENTIELLE, où recaser ces élus professionels.
Ils ne savent rien faire.
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Je voudrais insister sur les remarques de Mistral et d’Electeur du 8e ce matin : il faudrait que les conseillers métropolitains soient élus au suffrage universel et que le Département soit fusionné avec la Métropole. A joutons qu’elle ait des compétences stables et stratégiques (là, espérons que cela en prends le chemin grâce au coup de gueule de Macron et à la façon dont Gourault et le Préfet ont l’air de s’y atteler).
Je pense que c’est un objectif atteignable et mobilisateur. Il faut encore s’y atteler et mobiliser les acteurs qui y ont intérêt, c’est à dire tout le monde à part les élus locaux gratte-gammelle que Brallaisse s’inquiète ci-dessus de recaser.
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Oh je suis pas inquiet pour les vieux routiers de la politique locale,ils ont suffisamment gratte-gammeller depuis des décennies, ils sont à l’abri du besoin.
Pour les nouveaux entrants,remarquez il y en a peu vu, la pyramide des âges de nos assemblées ils se recaseront chez Vinci ou Veolia pour services rendus.
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