Sureffectif, carte scolaire détournée, directeur suspendu : l’école Mermoz en surchauffe
Après avoir dénoncé l'octroi de dérogations à la carte scolaire malgré des effectifs complets, le directeur à l'école maternelle Jean-Mermoz (8e) vient d'être suspendu suite au lancement d'une enquête administrative. Les parents d'élèves se mobilisent et soutiennent l'enseignant.
Les parents d'élèves associent la suspension du directeur à des dérogations scolaires "imposées" ayant entraîné un sureffectif. (Photo LA)
Pour qui passe sans s’attarder, c’est un lundi matin comme les autres devant la grille décorée d’avions de l’école maternelle Jean-Mermoz. Flanqués de trottinettes et de cartables, parents et enfants semblent répéter l’éternelle scène des adieux matinaux. Mais s’ils restent pour échanger bien après l’ouverture de la grille, ce n’est pas pour discuter marelle et collier de nouilles. Ce lundi, l’association de parents d’élèves (APE) appelle à un rassemblement pour soutenir le directeur de l’école, Pierre Massi, qui vient d’être suspendu. Pendant que les parents se relaient pour tenir une banderole de soutien, la foule continue de grossir. Les commentaires d’indignation et d’incompréhension fusent contre cette suspension, que l’APE qualifie dans un communiqué d’“infondée, injuste et surtout illégale”.
Le 10 septembre, Pierre Massi a été suspendu pour une durée de quatre mois au maximum, du fait du lancement d’une enquête administrative menée par l’inspection académique “sur le fonctionnement global de l’école”. Durant l’été, il avait dénoncé l’octroi d’une douzaine de dérogations à la carte scolaire, qui auraient été imposées par l’inspection académique malgré des effectifs déjà complets. Pour les parents d’élèves comme pour le directeur, ces nouvelles arrivées empêchent d’accueillir correctement la totalité des élèves.
Une douzaine de dérogations
Dans un courrier au directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) daté du 7 septembre, le directeur de l’école dit avoir informé l’inspection académique dès le 7 juin de “dysfonctionnements découlant de la délivrance d’un nombre
élevé de dérogations”. Une douzaine – venant de différents secteurs plus ou moins proches comme le Prado, Cité Azoulay, Flotte, mais aussi du 10e arrondissement – auraient ainsi été accordée par l’inspection académique malgré des effectifs complets. Plusieurs réunions avec l’inspection, le conseil de l’école et la mairie ont suivi en juillet, sans qu’une solution ne soit trouvée pour faire face à ce trop grand nombre d’inscrits.
Le directeur explique dans cette lettre avoir pris les devants lui-même durant les vacances en contactant des familles titulaires de dérogation pour leur demander de renoncer à scolariser leur enfant à Mermoz. Alors que des élèves du secteur ont appris leur radiation la veille de la rentrée, Pierre Massi pointe des “mesures amorales et illégales prises à l’encontre des familles” et évoque “un passage en force du service inscriptions de la mairie”.
Pour le rectorat en revanche, le lien entre dérogations et sureffectif reste à établir : “Cette hypothèse ne peut ni être infirmée ni confirmée tant que l’enquête administrative est en cours”, indique le cabinet des recteurs à Marsactu.
Parents mobilisés
“Le directeur a fait la lumière sur des dysfonctionnements, il va à l’encontre d’un certain système et cela dérange”, estiment Elody et Aurélien Dupuy. La veille de la rentrée, comme cinq autres familles, le couple raconte avoir reçu un appel du service des inscriptions de la mairie les informant que leur fille, inscrite depuis mai, ne serait finalement pas reçue en petite section à Mermoz. L’école est pourtant située en face de chez eux et son frère y est inscrit. Motif invoqué : un trop grand nombre d’inscriptions.
“Nous ne comprenons pas cet ordre de priorité”, s’étonnent Elody et Aurélien, qui ont finalement réussi à faire admettre leur fille le jour de la rentrée. Pour les deux parents, le trop grand nombre d’inscriptions est lié à “la bonne réputation et l’attractivité” de l’école, où les fermetures de cantines sont par exemple moins fréquentes qu’au Rouet.
Une enquête administrative en cours
Au fil des derniers mois, la tension entre le rectorat et l’école s’est accrue. Dans son courrier, Pierre Massi estime ainsi que sa fonction de directeur a été “complètement bafouée” du fait de la non prise en compte de ses alertes. Courant juillet, il a également porté plainte contre X, après la persistance d’un sureffectif en petite section, qu’il qualifie de “mise en danger de la vie d’autrui”. Il précise aussi avoir invoqué le statut de lanceur d’alerte trois jours avant sa suspension le 10 septembre, liée au lancement d’une enquête administrative.
“L’enquête, qui n’est pas une sanction, porte sur le fonctionnement général de l’école”, insiste le directeur académique Vincent Stanek. Ce dernier reconnaît que la question des dérogations et du “positionnement du directeur” feront partie de cette enquête globale, dont il ne souhaite pas détailler davantage l’objet. Même son de cloche du côté de la mairie, qui “ne souhaite pas s’exprimer sur la question des dérogations tant qu’une enquête disciplinaire est en cours”.
Sureffectif en petite section et dans les dortoirs
La situation de sureffectif n’est pas nouvelle, ni propre à cette école, mais s’ajoute selon les parents au stress de la première rentrée des tout-petits ainsi qu’aux contraintes sanitaires. “Cela fait beaucoup de changements pour les enfants. Et que se passerait-il en cas d’incident ? Les personnels n’ont pas le don d’ubiquité !”, s’agace Stéphane Boumendil, parent d’élève élu dont l’enfant est scolarisé en moyenne section. “Pourquoi venir casser le fonctionnement de cette école qui attire et qui pourrait au contraire servir de modèle ?”, s’interroge-t-il.
Pour plusieurs parents, c’est la défense de l’école et du bien-être des enfants qui est en jeu. Car si le nombre total d’élèves – 178 – reste en deçà de la limite maximale qui est de 186, les classes de petite section sont saturées. Deux classes accueillent ainsi une trentaine d’élèves, tandis que les autres élèves sont répartis dans une classe avec des enfants en moyenne section. Trois services sont nécessaires pour faire manger les plus petits, obligeant ainsi les agents des écoles à prendre leur repas vers 10 h 15.
Quant aux dortoirs, une douzaine de places manquent toujours, obligeant une partie des parents à reprendre la garde de leur enfant l’après-midi. C’est le cas de Céline Vilaine, mère d’un enfant atteint de troubles autistiques qui a besoin de faire la sieste même s’il est aujourd’hui en grande section. “Je dois venir le chercher à 13 h 30 tous les jours pour le ramener à la maison, car ils n’ont plus de place pour lui. C’est dommage, parce que c’est une école qui fait toujours attention à être inclusive”, déplore-t-elle.
Des rassemblements prévus tous les lundis
La Ville, de son côté, nuance la situation de surcapacité dénoncée par les parents : “La semaine dernière le nombre d’enfants inscrits pour la sieste restait inférieur au nombre de lits”. Par ailleurs, “le rééquilibre des effectifs dans les écoles fait partie de la refonte envisagée dans le plan écoles”, indique-t-on à la Ville. D’ici à là, les élus de l’APE, reçus par l’inspection académique ce lundi, se sont vus proposer la commande d’une douzaine de lits pour accueillir une partie des élèves dans une salle de classe pendant la sieste.
De leur côté, les parents ont réalisé un planning de roulement pour le repos des enfants et L’APE continue de demander des renforts de personnel pour la cantine, ainsi que la tenue d’une réunion avec la mairie et l’inspection académique. Les parents d’élèves prévoient de continuer à soutenir le directeur et de se réunir devant l’école tous les lundis matin. Peut-être une nouvelle étape dans le rituel des adieux matinaux.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Voici des parents et un directeur d’ école d’un quartier favorisé, confrontés à des problèmes dénoncés depuis des années partout ailleurs, notamment pour les ecoles des quartiers populaires : sureffectifs, manque de places pour la sieste, pb de cantine…
L’article ne dit pas si cette école a vu sa situation brutalement changer, se dégrader, ou si c’est comme ça depuis longtemps (ce qui est le cas ailleurs… avec en plus des problèmes de chauffage, de locaux, d’hygiène et de sécurité dans certaines écoles abandonnées des pouvoirs publics).
Tant mieux si les parents de ce quartier favorisé se mobilisent eux aussi pour que l’Ecole publique soit convenablement traitée partout dans Marseille.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Si je peux me permettre : l’article n’est pas très clair sur les différents acteurs, Rectorat, inspection d’académie, mairie.
Qui a validé les dérogations ?
Qui a décidé de l’enquête administrative ?
Qui a suspendu le directeur ? (Suspendu de sa charge de directeur ou de son poste d’enseignant ? Ce qui dans les deux cas est une sanction lourde, mais pas avec les mêmes conséquences)
Merci pour les précisions que vous pourriez donner.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Bonjour,
Pour vous répondre, c’est l’inspection académique qui est à l’origine du lancement de l’enquête administrative et de la validation des dérogations. La suspension du directeur lui a été notifiée par l’inspection académique et concerne à la fois ses fonctions de direction et d’enseignement.
Se connecter pour écrire un commentaire.
C’est l’école de mes petits-enfants. L’article ne dit pas combien elle est accueillante et soucieuse du bien-être des élèves. Grâce au personnel municipal, aux enseignants, au beau jardin voulu par le directeur Pierre Massi qui a su créer un vrai lien entre tous les membres de son équipe et avec les parents. Je voudrais aussi souligner dans quelles honteuses circonstances l’injuste décision de suspendre Pierre (un commando de 6 personnes de l’administration, à 17 h, dans l’école) lui a été signifiée. C’est une décision rare, elle reflète le versant de plus en plus autoritaire de l’administration de l’Education Nationale. Et si le quartier est “favorisé” (comme l’indique MarsKsa), tous les élèves ne le sont pas. Et Pierre Massi et son équipe s’efforcent de dispenser un enseignement et un accueil de grande qualité, une école digne de l’enseignement laïque et public dans un arrondissement où les écoles payantes et confessionnelles financées par la République voudraient prendre toute la place. L’Education Nationale voudrait que l’enseignement privé soit la règle dans le huitième qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Quant au Printemps marseillais il ne peut s’en tenir au silence au sujet des dérogations et des refus d’accueillir de dernière heure. Sinon on saura que rien n’a changé vraiment. Et pire encore.
Michéa Jacobi, grand-parent d’élève
Se connecter pour écrire un commentaire.
Merci Madame pour ce beau et juste témoignage.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Bonjour,
Le commentaire de MarsKaa est juste abject. Les écoles à Marseille sont une “honte pour la République” comme l’avait titré un quotidien national, et il n’y a aucune raison d’opposer les écoles entre elles, les quartiers entre eux.
Cette école a eu des problèmes dans le passé, comme tant d’autres écoles, et c’est parce que Pierre Massi la dirige avec bienveillance depuis 2014 que cette école est exemplaire, avec d’excellentes relations entre les enseignants, les ATSEM, les parents et les enfants.
C’est ce fonctionnement humain que l’Éducation Nationale et la Municipalité sont en train de casser.
Nous ne nous laisserons pas faire. Nous tenons à un enseignement public de qualité, à défendre les valeurs de bienveillance et d’inclusivité.
C’est un combat juste face à une administration inique.
Voici le groupe Facebook de soutien :
https://www.facebook.com/groups/soutien.emjeanmermoz/
Se connecter pour écrire un commentaire.
Dans un commentaire sur l’article de l’école Bouge, “PromeneurIndigné” dit que l’école Mermoz a été rénovée et agrandie récemment. L’école primaire ou la maternelle?
Se connecter pour écrire un commentaire.
“Quant aux dortoirs, une douzaine de places manquent toujours, obligeant une partie des parents à reprendre la garde de leur enfant l’après-midi.” Je ne suis pas sûr que ce soit un scoop, ni une situation isolée : mes enfants ont fréquenté, il y a quelques années, une autre école maternelle du 8ème, et la situation était exactement identique. Pas de place pour tout le monde durant la sieste, et prière aux parents qui le pouvaient de récupérer leur enfant à midi.
Mais le 8ème est aussi cet arrondissement où l’on bétonne tous les espaces libres pour construire des “résidences de standing” sans jamais créer aucun équipement ou service collectif supplémentaire. Les écoles sont pleines à craquer (comme d’ailleurs les bus), mais on attend sans doute des nouveaux habitants et de leurs enfants qu’ils n’en aient pas besoin…
Se connecter pour écrire un commentaire.
Cher 8e , fallait mettre les “petits” à Provence , à Sion , à Notre Dame de France, à Cluny, chez les Maristes, au collège Sainte Anne et là question”pénéqué” de l’après midi , les chères petites têtes blondes sont bien équipées.
La droite marseillaise s’entraine trés tôt à la sieste , d’ailleurs c’est un acquis qui perdure , il n’y a qu’à regarder les scéances des conseils municipaux de Gaudin ou les scéances présidées par Vassal pour en être convaincu. La sieste élevée au rang d’un art.
Comme quoi, dans l’éducation les matières de base sont indispensables et doivent êtres maitrisées trés tôt.
Ce qui me gêne , c’est que là aussi la droite est discriminante , priver de sieste un marseillais , c’est dur.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Tout cela paraît un peu “ridicule” au regard de la réalité de l ensemble des écoles marseillaises, aussi bien la sanction ( en même temps, ce n est qu’une enquête, non? ), que la main courante pour mise en danger de la vie d autrui pour 7 élèves supplémentaires !
J avoue que j ai du mal a comprendre toutes ces réactions et les commentaires !
Se connecter pour écrire un commentaire.
C’est simple, si vous circulez avec 5 passagers au lieu de 4 dans votre voiture vous êtes hors la loi et responsable, pareil avec des enfants dans une école prévue pour mettons 210 comme exemple et pas 217.
Les 7 changent tout, la place dans la classe, sur les porte manteaux, à la cantine, aux toilettes, lors des jeux etc….. et la charge administrative supplémentaire….
Se connecter pour écrire un commentaire.
Je ne savais pas que pour “mener une enquête” il fallait suspendre un enseignant. M. Dupont Moretti, et d’autres, qui font l’objet d’enquête sont toujours en fonction me semble-t-il. Je ne savais pas non plus qu’il était ridicule de défendre le bien-être des enfants et le service public d’éducation. Et de s’élever contre d’éventuels passe-droits concernant des inscriptions.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Il y a aussi le manque de personnel municipal. @marsactu, avez vous pu avoir les chiffres du taux d’encadrement. Le collectif des écoles de Marseille a reçu un avis favorable de la CADA pour avoir le nb de personnel par école. Il a également reçu un avis favorable concernant le nb de dérogations dans chaque école (aucun enfant ne devrait être refusé dans son école de secteur si des dérogations y sont accordées.
A priori ils n’ont aucune nouvelles du rectorat ni de la mairie.
La situation de cette école est quasi générale dans les écoles du centre ville. Les écoles des autres secteurs ont d’autres problématiques. Il faut préempter pour construire des écoles ! Exemple: le cercle de boulistes St Michel dans la rue Briffaut ! Le .platanes sont déjà là! Les écoles sont à 30 élèves par classe dans le coin avec des bibliothèques et dortoirs qui ont été sacrifiés pour ajouter des classes. Les cours sont minuscules et inadaptées au nombre d’élèves.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Je réponds à deux points soulevés importants :
1. Je cite : La Ville, de son côté, nuance la situation de surcapacité dénoncée par les parents : “La semaine dernière le nombre d’enfants inscrits pour la sieste restait inférieur au nombre de lits”.
=> La municipalité est de mauvaise foi. La semaine dernière, une classe de Petite Section a fermé, suite à un cas de Covid signalé le mercredi. Donc, forcément, avec une classe en moins plus de problèmes de lits…
2. Il y a 31 enfants en Petite Section par classe (2 classes) et 8 enfants qui sont dans une classe mixte.
Outre le manque de lits, comment voulez-vous accueillir des enfants de 2 à 3 ans avec de tels effectifs ? Dans les autres classes de petite section du secteur (Azoulay, Prado Plage…), il y a 21, 22 enfants en Petite section.
Il s’agit de la première rentrée scolaire pour ces enfants.
Les dérogations “passe-droit”, ça suffit !
En cas d’évacuation d’urgence, deux classes de 31 enfants si jeunes, cela ne se gère pas aussi facilement que deux classes d’une vingtaine d’enfants.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Et l’éducation nationale voulait rendre l’école maternelle obligatoire dès 2 ans ? Il faudrait qu’elle commence par auditer ses DASEN et les faire enquêter en 2 semaine en Juin, Juillet et Aout au lieu d’attendre la rentrée. Devant qui est redevable un DASEN ? Je n’en ai jamais rencontré qui ait les pieds sur terre: tous sont prisonniers de leur vision étriquée de l’éducation.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Je serai curieux de connaître le nom des parents qui ont eu la fameuse derogation,ainsi que leurs places dans notre société, je ne crois pas au hazard, mais un peu plus au piston, comment du 10eme arrondissement on fait pour atterrir dans cette école?allez marsactu,encore un petit effort de recherche ,c est super intéressant la carte scolaire Marseillaise!
Se connecter pour écrire un commentaire.
Du piston à Marseille, du favoritisme à Marseille, du clientélisme à Marseille.Vous n’y pensez pas?.Ne me dites pas que pour les crèches,les HLM,cela fonctionne aussi comme cela ?
Se connecter pour écrire un commentaire.