Ils vont en soirée pour choper le Covid
On la dit endormie et sans surprise. La vie nocturne à Marseille est rarement un feu d'artifices, mais plutôt un hasard de rencontres, de rendez-vous d'initiés et parfois de fêtes sauvages improvisées. Marsactu a confié au journaliste Iliès Hagoug le soin de l'arpenter et de la raconter. En pleine polémique sur le passe sanitaire, il s'est incrusté à une Covid party.
Le principe est simple : l'hôte est positive au Covid et elle fait partager ses microbes aux invités, consentants. (Photo d'illustration LC)
Clope au bec, cernes apparents et téléphone coincé entre l’épaule et l’oreille, Camille est assise à l’écart sur une grande terrasse. En fin d’après-midi, dans cette fenêtre de tir avant l’apéro mais après la descente du mercure, elle a du pain sur la planche. Nombre de ses contacts, près d’une trentaine, compte sur elle pour une mission importante : organiser une sacrée soirée dans son appartement, parce qu’il faut bien animer son mois d’août. Mais surtout, si on compte sur elle, c’est dans un but aussi farfelu que pragmatique. Camille est assise à l’écart pour une raison bien précise : “J’ai chopé le Covid, je fais attention quand même”.
Dans ces conditions, le fait qu’une bonne brochette de fêtards se presse à son portillon peut faire sourciller, mais ce serait mal comprendre le but de l’opération. Pour certains, l’idée d’être contraints à se faire vacciner pour profiter d’une vie presque normale de sorties, de cinémas et de passe sanitaire n’est pas envisageable. Du coup, Camille et son Covid sont salvateurs : “On va joindre l’utile à l’agréable. On est tous en bonne santé, jeunes, on risque pas grand-chose si on l’attrape : moi la première j’ai quasiment rien.” Naturellement, il est donc l’heure d’effectuer leur propre version d’une campagne vaccinale : on fait la fête ensemble, on attrape le Covid, et après une semaine de repos à la maison, le passe sanitaire est dans la poche, littéralement.
je paye mon Covid, ils peuvent me payer à boire.
Camille
Un peu d’organisation tout d’abord : “Je vais pas aller faire les courses non plus, déjà parce que je suis contagieuse, et puis bon je paye mon Covid, ils peuvent me payer à boire”. Petit fou rire face à l’absurdité de la situation, avant de reprendre le téléphone, qui sonne beaucoup depuis que la soirée a commencé à faire du bruit. “Crois-moi, il y a du monde qui commence à se chauffer. S’ils foutent pas trop le bordel, ils sont les bienvenus”. Magnanime, Camille met son masque pour régler sa consommation, avant de rentrer à la maison faire une sieste pour accueillir ses invités en forme.
Discussion sur l’épidémie interdite
Il n’est que 23h30, mais le salon de Camille commence déjà à montrer les signes immanquables d’un after. Les cendriers affichent complet, la musique est juste assez forte pour obliger le ton à monter de deux crans. Un mec est trop en forme pour son pote un peu affalé. Ici, une discussion sur les colleuses de slogans féministes, là-bas on parle musique. Les mots “variants”, “covid”, ou “vaccin”, une fois n’est pas coutume, ne sont pas entendus. Une décision délibérée, apparemment annoncée dans le fil WhatsApp de la soirée par l’organisatrice en personne : pas de ça ce soir, et tant qu’on y est, pas de posts sur les réseaux sociaux.
La cuisine commence à être de plus en plus remplie pour s’isoler un peu. Karim est ici attiré par une curiosité très naturelle. Après avoir reçu ses deux doses de vaccin, un peu par dépit, il voulait voir ça de ses yeux : “Je l’ai fait parce que j’avais pas le choix, et après j’ai entendu une ou deux fois que des gens faisaient ça, je pensais que c’était une blague.” Son pote, Antoine, lui, est plus détendu “Au final, c’est une soirée normale, bien agréable même. Des jolies filles, du bon son”.
“J’espère que ça va marcher”
On pourrait presque s’y tromper, et si on n’était pas au courant de la situation, on ne verrait qu’une hôte qui tape la bise à ses invités, parle avec tout le monde : quoi de plus normal ? Mais on est au courant de la situation, et certains semblent prendre un peu de recul, comme David, grand bonhomme : “Dans ma tête j’ai cette pub, tu te souviens ? Celle où tu vois un minot qui se lave pas les mains après avoir éternué, et qui touche sa daronne derrière, et qui lui donne ses microbes”. Il fait tourner le joint qu’on lui a passé, avant de reprendre : “Ouais, ben écoute j’espère que ça va marcher comme ça ce soir”. Grand sourire aux lèvres, gin tonic à la main, c’est lui qui ouvrira la boîte de Pandore.
Avec toute la bonne volonté du monde, lorsqu’on organise une “soirée Covid”, il arrive un moment où on va finir par parler du sujet. Camille a beau lancer de gros yeux sur ceux qui commencent à craquer, c’est un peu comme une bière pas fraîche qui traîne en after. On a beau l’ignorer longtemps, se dire que ça n’en vaut pas la peine, à un moment donné, elle finira par être ouverte. “Regarde Karim, il le sait : ça sert à rien de se faire vacciner.” La première salve est lancée de loin par une copine de Karim, mais elle sera fatale.
“L’attraper une bonne fois pour toutes”
De la cuisine au salon, de Marseille à Tokyo, les arguments sont connus, les débats sont déjà écrits : une inquiétude sur la portée du passe sanitaire, le refus de devoir se plier à des normes pour ne pas être confiné et un questionnement sur la composition du vaccin. Les contre-arguments sont tout aussi connus : “Tu veux pas te faire injecter de la merde mais tu tapes un week-end sur deux”, contre-attaque terrible. Camille est exaspérée : “C’est tout ce que je voulais éviter. Le but c’était de s’amuser entre potes, de se débarrasser d’un fardeau en l’attrapant une bonne fois pour toutes, en passant un bon moment”. Elle avait même fait les choses bien : sa charge virale est à son maximum, et certains VIP sont même invités à dormir sur place pour partager un déjeuner à table, épaule contre épaule tous ensemble le lendemain.
La question qui n’a pas encore de réponse est simple : en acceptant le concept d’inoculation festive, est-ce que tout ça va marcher ? David, sur la liste des VIP, hausse les épaules : “J’irai me faire tester, et si je suis négatif, au pire j’aurais passé une bonne soirée”.
Commentaires
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Intéressant….comme toujours du reste… par contre dans la première phrase le mot cerne est masculin.
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J’ai mis du temps avant de réagir (et peut-être ne suis-je pas le seul) à cause de ma première réaction: hallucinant, sidérant, consternant. En fait, incroyable.
Seconde réaction: une telle “enquête”, vu les circonstances, exigerait du journaliste un certain recul, comme l’ajout d’une ou deux phrases d’une autorité médicale sur la corrélation entre propagation et génération des variants, par exemple.
On n’a pas là les plus affutés des couteaux, et avec eux on n’est pas sorti des ronces.
PS: dans mon entourage, un quadra sportif et précautionneux qui se l’est chopé il y a quatre mois s’en remet lentement (séquelles). Il a dit “avoir cru mourir”.
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Voici une autorité médicale (en plus ce n’est pas un twitte mais bien un article de 14 pages, très détaillé) :
https://criigen.org/lettre-a-charlie-cest-dur-detre-vaccine-par-des-cons/
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“Ce qui est surprenant avec les jeunes cons, c’est leur propension à devenir de vieux cons.”
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Plus débile que ça tu meurs. Choper le covid pour en être par la suite immunisé, c’est exactement le principe de la vaccination, sauf qu’avec la vaccination la charge est mesurée et qu’on ne risque pas les urgences, la réa, les poumons englués en folie, des séquelles graves, etc. même quand on est jeune et beau !
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Effarant !
A la place des soignants je serais furieux de lire ce récit.
Mais eux sont occupés à soigner des malades, dont une bonne part d’inconscients.
On aimerait bien un travail de suite de Marsacu, sur le nombre de personnes qui auront attrapé le virus ce we là et sur les formes de la maladie (asymptomatique, chargée, hospitalisation, réa, … ).
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Je suis d’accord, moi même vaccinée, je serai intéressée par une suite. Que sont-ils devenus? Si y’en a ne serait-ce qu’un en réa, limite j’aurai envie de dire bien fait … Pauvres soignants qui triment pour des gens comme eux depuis plus d’un an!
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On peut aussi demander combien de personnes ces crétins contamineront ensuite et combien de personnes fragiles plairont leur connerie crasse
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C’est une blague ? Marsactu teste une version provençal du gorafi ?
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Provençale.
Sinon, le un-trois toujours sur la plus haute marche du podium métropolitain du taux d’incidence……
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Incroyable ce niveau d’égoïsme… Rappel : article IV de la Déclaration des Droits de l’Homme, résumé par l’adage “La liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres.”. C’est hallucinant d’en être arrivés à être à ce point inciviques.
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