Mercredi 4 août 2021

Plaintes et bobos

Billet de blog
le 4 Août 2021
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Pour expliquer certaines contreperformances, la délégation française est tentée d’incriminer la malveillance, ou la malchance, notamment en raison d’une série de blessures. Au risque d’agacer les rivaux, les juges et le public.  

La France, pays d’élection de l’individualisme et de l’incivisme, est en train de surprendre son monde en manifestant une maîtrise impressionnante dans les sports collectifs. Après la médaille d’argent conquises par les équipes féminines de rugby à VII et la demi-finale atteinte dans le premier tournoi de basket 3 x 3, cinq sélections se sont qualifiées dans le dernier carré de leurs compétitions en basket et hand, femmes et hommes ensemble, et en volley (hommes).

Dans les dix disciplines collectives (on ne compte pas le beach-volley, où certains pays engagent deux duos), et compte tenu que le softball est une version du baseball adaptée pour les femmes, il existe au total dix-huit possibilités d’atteindre les demi-finales. Si les Etats-Unis se sont qualifiés à neuf reprises à ce niveau, la France suit immédiatement avec sept réussites, devant la Russie (5) et le Japon (4).

C’est un résultat remarquable, et encourageant dans la perspective des Jeux de Paris en 2024. Il faudra alors enlever du programme baseball et softball, et y ajouter le breakdance. Toutes les sélections françaises seront qualifiées d’office, ce qui n’augmente pas tellement les chances de bien figurer en water-polo, en hockey et en volley féminin. Peut-être tout de même pour les deux tournois de football, et en rugby à VII et basket 3 x 3 chez les hommes. La France, terre d’asile pour les sports collectifs, on aura tout vu…

Cette réussite commence à se remarquer chez nos voisins, qui ne se frottent plus les mains à la perspective de rencontrer des maillots bleus, jusqu’ici soupçonnés de manque de constance et de rigueur. Il est dommage que nos dirigeants sportifs entretiennent des défauts qu’il faudrait combattre résolument.

Le recours fréquent aux contestations de résultats, par exemple. Brigitte Henriques, la présidente du Comité olympique français fraichement élue, est venue faire sa tournée de présentation à Tokyo. Elle a eu la maladresse d’accompagner les jérémiades des dirigeants de la boxe, pour déposer un recours devant le Tribunal arbitral du sport après la disqualification contestée du dernier boxeur en lice à Tokyo. Le recours a été rejeté, comme il était prévisible, et les prochaines plaintes en souffriront sans doute, même si elles sont mieux justifiées. Le directeur de la boxe olympique a été jusqu’à affirmer que les Français avaient été délibérément et systématiquement lésés. Même faite sous le coup d’une vive déception, c’est une déclaration indigne de ses fonctions, et qui risque de laisser des traces. On a appris ensuite, dans cette polémique médiocre, que les Français auraient été systématiquement favorisés à Rio, à l’issue de manœuvres en coulisses. Bonjour l’ambiance. Il semble surtout que l’encadrement n’a pas été à la hauteur des bons résultats obtenus de manière inespérée, et cherche à refiler la responsabilité de l’échec cuisant constaté à Tokyo.

En voile, les deux tricolores engagées dans l’épreuve du 470 auraient pu se contenter d’une médaille de bronze méritoire. Elles ont tenté, comme ça pour voir, d’obtenir une sanction des Britanniques et des Polonaises qui les avaient devancées au classement final. Il paraît que c’est banal dans le milieu de la voile. Mais c’est maladroit aux JO, quand l’attention du monde entier est attirée par les anecdotes croustillantes de compétitions assez méconnues. Le recours a été rejeté. On ne voit pas bien pourquoi les Britanniques auraient souhaité voir changer la place de leurs voisines sur le podium, et pour tout dire, cela ne semble pas très instructif. Si les Françaises peuvent assurer, la main sur le cœur, qu’elles n’ont jamais fait une biscouette à un bateau rival…

Ces manœuvres de tapis vert indisposent les instances internationales et les arbitres. Elles lles entachent l’image de notre pays, qui n’a pas besoin de convaincre ses rivaux qu’il est porté à la rouspétance permanente.

Il est tout aussi désagréable, pour finir de vider le sac, de voir nos compétiteurs faire état de blessures qui les empêcheraient d’obtenir le résultat qu’ils escomptent, mais pas de participer tout de même à la compétition, au cas où…

Certaines blessures sont évidentes, et elles font souffrir presque autant les supporteurs que celles et ceux qui les endurent. Par exemple, la lutteuse Mathilde Rivière a perdu son premier combat après avoir subi une luxation de l’épaule. Ou encore l’escaladeur (c’est comme cela qu’il faut dire ?) Bassa Mawem a dû renoncer à la finale pour laquelle il s’était qualifié, en raison d’une grave blessure au biceps.

Cela relativise les bobos ressentis par le gymnaste Samir Aït-Saïd, qui s’est tout de même classé 4e de la finale des anneaux, par le perchiste Renaud Lavillenie, resté en mesure de sauter 5,70 m et de briguer une médaille jusqu’à la fin du concours, et par le décathlète (on dit comme ça ?) Kevin Mayer qui s’est plaint d’une mystérieuse douleur au dos qui aurait entravé ses performances pendant la première journée. Cela ne l’a pas empêché de passer 2m08 au saut en hauteur (bravo !), et cela ne suffit pas à expliquer pas son moindre rendement dans les quatre autres épreuves du jour, notamment sur le 400 m où le dos ne sert qu’à être montré à ses adversaires quand on est en forme.

Les athlètes modernes ne peuvent ignorer le retentissement des messages qu’ils envoient sur les réseaux sociaux, et on les soupçonne même parfois de chercher à en tirer un avantage. On a donc plus parlé de ces bobos que de la prestation des rivaux. Mayer est bien plus fort pendant la deuxième journée du décathlon, et on ne serait pas plus surpris que cela de le voir terminer sur le podium. Mais, blessure ou méforme agissant, pas sur la plus haute marche.

Pour revenir aux choses plaisantes, la journée d’athlétisme a déçu les supporters, avec la 5e place de Clément Bigot au marteau (le niveau était très élevé, notamment chez les Polonais) mais elle a ravi les fans. Une course superbe du 400 m haies féminin, avec les mêmes protagonistes qu’à Rio, mais dans un ordre différent, et un nouveau record du monde éclaté. Le 3 000 m steeple pour une Kényane, comme de juste, après un duo de Kényans victorieux sur 800 m. Et un magnifique 200 m, enlevé par le Canadien André De Grasse, qui a enfin ajouté l’or à sa collection très fournie de médailles olympiques et mondiales. A 26 ans, il confirme être le meilleur des prétendants à la succession d’Usain Bolt.

VIGNETTES

¤ En cyclisme, la poursuite par équipes a été enlevée par l’Italie, survoltée par la performance de Filippo Ganna, pourtant en échec dans l’épreuve du contre-la-montre sur route, trop accidentée. Mais quand la classe peut s’exprimer sans obstacle…

¤ Le cavalier français Nicolas Delmotte a terminé 12e du saut d’obstacles individuel. Par équipes, le France aura du mal à confirmer son bilan de Rio contre trois cavaliers suédois en pleine forme et une équipe japonaise inattendue à ce niveau.

¤ L’Inde aura bien ses deux équipes en lice pour une médaille de bronze en hockey. Ce serait une première très symbolique pour les féminines, et une satisfaction pour les hommes après quarante années de disette.

¤ La natation synchronisée fournit un spectacle qu’on trouvera gracieux ou absurde, selon l’humeur. Si c’est bien du sport, on veut aussi le French cancan ou la pole dance. Les dirigeants du CIO et les télés en sont visiblement entichés, alors qu’ils cherchent par ailleurs à alléger le programme olympique. Les Françaises, deux sœurs jumelles nées sous le signe du Recto-Verso, se sont classées 8es. Une première étape dans la longue conquête de la bienveillance des jurys, paraît-il. Au beach volley et au taekwondo, au moins, on se passe de jury…

Commentaires

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