La première sanction pour défaut de permis de louer tombe à Noailles
La préfecture a décidé de la première amende pour défaut de permis de louer, 18 mois après l'entrée en vigueur de ce dispositif expérimental dans le quartier. Sans surprise, les 5000 euros d'amende devront être acquittés par un gros propriétaire de Noailles. Rencontré par Marsactu, il plaide la bonne foi.
La façade du 5 rue du Musée. Photo : B.G.
Il y a des hasards qui n’en sont pas : le 8 juillet dernier, la préfecture a pris le premier arrêté pour absence d’autorisation préalable de mise en location d’un logement. Une première amende pour défaut de permis de louer, qui doit arriver sous la forme d’un courrier avec accusé de réception au local de Raphaël Zennou, place des Capucins. L’homme est connu à Noailles, il apparaissait même en vedette de notre article consacré en octobre 2019 à la mise en place expérimentale du permis de louer dans le quartier.
Depuis cette date tout bailleur qui souhaite mettre en location un bien dans ce secteur durement touché par les effondrements du 5 novembre 2018 doit obtenir un permis pour le faire. La mise en location ne peut pas avoir lieu sans qu’un technicien de la métropole ne soit venu viser et vérifier si le logement répond aux règles de décence. Dans le cas contraire et après mise en demeure, le propriétaire encourt une amende de 5000 euros. Selon la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), plusieurs mises en demeure ont été envoyées à des propriétaires indélicats. En cas de non-réponse, elles déboucheront sur des amendes similaires.
Agence immobilière en mode informel
Dans son petit local de la rue des Capucins, Raphaël Zennou tombe des nues en apprenant qu’il est le premier propriétaire à se voir infliger une amende administrative pour défaut de permis de louer. Le 1er juin 2020, il a signé un bail pour un appartement au deuxième étage du 5 rue du Musée, sans en avertir les services de la métropole. Il n’a pas non plus répondu aux services de l’État, le 21 février dernier qui lui donnaient un mois pour se mettre en conformité avec les obligations du permis de louer.
Raphaël Zennou secoue la tête, endolori dans sa bonne foi. L’homme est un gros propriétaire du quartier et son local lui sert d’agence immobilière informelle où les personnes viennent frapper dans l’espoir de trouver un toit à peu près étanche. Qu’importe alors s’il répond plus ou moins aux règles de décence.
“Le monsieur est parti depuis longtemps, affirme Raphaël Zennou, comme si le départ du locataire effaçait la faute. L’appartement maintenant, il est vide. Personne ne vit dedans”. La petite entrée du local sert de bureau. Le reste fait fonction d’entrepôt pour du matériel de construction. Et sur le mur de jolies aquarelles bucoliques. En arabe, un artisan venu faire le point sur des travaux s’efface devant la conversation plus urgente.
“Cette histoire de permis de louer, on l’a découverte tardivement”
Très vite, c’est l’épouse du propriétaire qui prend les choses en main. “Vous savez, nous sommes très soucieux de l’état des biens que nous mettons en location. Surtout depuis l’affaire de la rue d’Aubagne, explique Sarah Zennou. Mais cette histoire de permis de louer, on l’a découverte que tardivement. En février dernier quand on a reçu une lettre du préfet”. Ladite lettre, mentionnée dans l’arrêté les concernant, leur donnait un mois pour se mettre en conformité avec le dispositif mis en place par la métropole. Quant à la location de juin 2020, ils sont incapables de l’expliquer. “L’an dernier avec le Covid, on n’est pratiquement pas descendus à Marseille”, affirme la vieille dame.
La métropole a accès aux données de la CAF pour être informée de l’ouverture de droits lors de la signature d’un bail dans le quartier.
Suffisamment en tout cas pour signer un bout de papier avec ledit locataire. Selon nos informations, c’est le croisement de données entre la caisse d’allocations familiales et les services de la métropole qui ont permis de pointer ce bail sans permis. En effet, pour éviter que des propriétaires indélicats passent entre les mailles du dispositif, toute nouvelle ouverture de droits à Noailles auprès de la CAF fait l’objet d’un signalement auprès de la métropole qui vérifie si ce bien fait l’objet d’une demande de permis.
“Mais nous voulons le permis de louer, poursuit Sarah Zennou. La preuve, nous avons reçu la visite d’une dame de la métropole pour un autre bien mis en location place des Capucins. Elle nous avait demandé de faire des petits travaux avant de le mettre en location. C’est ce que nous avons fait. Elle est repassée il n’y a pas longtemps pour nous dire qu’on l’avait eu, mais j’attends le papier“.
Propriétaires de “quatre ou cinq” immeubles
La propriétaire est également fort diserte sur le coût que ces travaux représentent pour eux et “tous les impôts” qu’ils paient chaque année. Elle reconnaît posséder avec son mari plusieurs immeubles, “quatre ou cinq”, à Noailles. “Tous propres”, affirme-t-elle. Elle propose d’ailleurs de nous faire visiter celui de la rue du Musée, en preuve de leur bonne foi. Son mari intervient alors pour lui rappeler manière fort opportune que des travaux sont en cours. “C’est l’artisan qui a les clefs”, explique-t-il.
Car le couple Zennou a pris avantage du processus d’obtention de permis de louer en cours rue des Capucins pour réaliser des travaux du même type au 5, rue du musée. Quel type de travaux ? “Ooh, des choses simples, détaille le mari. Mettre de la ventilation, un capteur de fumée. Des petites choses…” On lui fait remarquer que les détecteurs de fumée sont obligatoires depuis 2015. C’est son épouse qui répond : “vous savez, les locataires partent avec…”
Au 5, rue du musée, l’appartement du deuxième étage à droite qui leur a valu l’amende est effectivement vide. Les parties communes ne respirent pas l’entretien. Une partie des branchements électriques apparaissent hors d’âge. Du scotch rouge imprimé d’un avertissement “appareil sous tension” entoure une partie des installations. La prochaine visite de l’inspectrice de la métropole permettra de poser les bonnes questions sur l’alimentation électrique du bâtiment.
Commentaires
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La Caf procède à une expérimentation avec la Métropole sur Noailles, couverte par une convention d’échanges de données à laquelle la DDTM n’est pas associée, pour le moment. La caf adresse une fois par mois les entrées et sorties sur le périmètre (entre 30 à 40 par mois). La Métropole renvoit les refus et rapports. En cas de refus avec occupants, elle procède à une conservation des AL en plus.
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marchand de sommeil : un vrai metier
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“Propriétaire de quatre ou cinq immeubles”… En effet, marchand de sommeil, à défaut d’être un vrai métier est une vraie plaie pour le centre-ville et les milliers de locataires en danger…
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Le problème c’est que ces immeubles, ces logements s’adressent à un public démuni type locataires HLM. Et les bailleurs sociaux sont incapables de gérer ce types de vieux immeubles : trop petites unités de gestion pour ces grosses structures, difficiles à mettre aux normes sans tout démolir ou faire un simple bricolage (comme le couple de l’article et les autres “marchands de sommeil”) . Il manque une vraie expertise en la matière. L’État, la Ville et la Métropole Devraient engager en amont un travail de fond sur comment on réhabilite ce patrimoine avec les architectes, les syndics, les bailleurs sociaux, les artisans et le BTP.
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Travail de fond ? En quoi la ville, la métropole et compagnie doivent réhabiliter ce patrimoine privé ?
Pas besoin de commission ou de réflexion d’ailleurs, ça coute entre 700 et 1.000 €/m2.
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La question qui est posé par cet article (mais ce n’est qu’une question…!) est que ce couple de ”marchands de sommeil” a un nom voire une adresse. Cela rend leur statut de victime plus que de délinquant ou plus…!
En l’absence de jugement, ils sont considérés comme ”innocents présumés” voire innocents-victimes soit de l’Administration soit de leur négligence mais en aucun cas, ils parlent des véritables victimes qui sont leurs locataires-du moins dans l’article.
Le journaliste doit-il être un juge ou un délateur? C’est ma question.
Il n’empêche que le ”permis de louer” va à l’usage se voir détourner par ces marchands de sommeil sans guillemets. Et nous connaissons les possibilités de ces gens là (qui ont plusieurs immeubles en location) pour ”attendrir” les fonctionnaires marseillais…
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Bonjour, nous avons fait le choix de donner le nom et l’adresse (du bureau) de ces propriétaires parce qu’ils apparaissent déjà sur l’arrêté publié samedi et lundi au recueil des actes administratifs. Je ne suis ni juge, ni délateur : donner son nom ne fait pas de lui une victime. J’énonce un fait : Raphaël Zennou doit payer une amende administrative pour absence d’autorisation préalable à la location. Une décision qu’il peut contester devant le tribunal administratif.
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Il était temps que Marseille et ceux qui prétendent gérer et diriger la ville se penchent sérieusement sur la question de l’habitat indigne et de ses conséquences. Pour un cas dévoilé rue du Musée, il en reste des centaines d’autres … L’origine de cela est depuis toujours la présence au centre ville d’une importante population précaire, soiuvent illégale, plus ou moins résidente ou de passage qui cherche en permanence un logement, un abri pour quelques jours, quelques semaines, quelques nuits … sinon c’est la rue ! Les “marchands de sommeil” vivent avec cette population puisque les services dits sociaux, ceux qui sont chargés de loger, de contrôler n’assurent plus. Et depuis quelques mois, cette population augmente. L’un des signes est, en ciculant dans le centre, de voir, régulièrement, des matelats, un mobilier de fortune abandonnés sur le trottoir. Ceux qui se chargent de ramasser ces dépots sauvages à la Métropole le savent. Dans certains quartiers, c’est récurent. Alors que faire ? Fermer les yeux, laisser courir comme l’a fait la municipalité Gaudin, avec les conséquences que l’ont sait, ou bien prendre cette question à bras le corps. Marseille est l’une des rares villes, peut-être la seule en France à être confronté à autant de précarité et de logement indigne dans son hypercentre … alors que faire ?
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Ai-je bien compris ? C’est mieux ailleurs quand toute cette précarité et ces logements indignes sont refoulés loin du centre ? Ayant vécu et travaillé en Seine-Saint-Denis avant de revenir dans le centre Marseille je n’en suis pas si sûr…
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Je ne comprends pas le sens de votre commentaire… et en particulier cette phrase : “L’un des signes est, en ciculant dans le centre, de voir, régulièrement, des matelats, un mobilier de fortune abandonnés sur le trottoir.” Signe de quoi ?
Les matelas et mobilier abandonnés sur le trottoir, c’est souvent signe de punaises de lit….
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A Zumbi … la question ne me semble pas être celle du centre ou de la périphérie dans les deux cas – au centre ou ailleurs – la fracture économique et sociale qui se creuse est un échec … mais plutôt quelle réponse apporter, s’il y en a une.
A Piou … des punaises peut-être, mais est-ce ainsi que les hommes vivent ? En déposant leurs matelats sur les trottoirs … A vous de voir.
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Il me semble qu’il y a eu aussi des problèmes d’habitat indigne à Bordeaux, ville dont Alain Juppé«« Républicain» comme Gaudin ,fut longtemps le maire.
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