En recul mais en triangulaire, Mariani espère encore gagner

Arrivé premier, Thierry Mariani a livré un discours aux accents de défaite. (Photo Clara Martot)

“Si vous voulez du changement, mobilisez-vous. Sinon, fermez-la et restez à la maison, ça suffit maintenant !” La colère de Jihad, ancien militaire et soutien de Thierry Mariani, rompt le silence qui règne au QG du candidat investi par le Rassemblement national. Aux alentours de 20 h, le gymnase du Pontet, commune RN de la banlieue d’Avignon, ne compte même pas dix militants pour environ cinq fois plus de journalistes. Les premières estimations arrivent et placent le favori au coude-à-coude avec Renaud Muselier (LR). En fin de soirée, les résultats se fixeront à 36,38% pour Thierry Mariani et 31,91% pour son concurrent. Le tout, dans un contexte d’abstention nationale record – entre 66% et 68%. Une immense déception pour les militants, au vu des derniers sondages préélectoraux, qui prédisaient au RN un score au moins aussi élevé que celui de Marion Maréchal-Le Pen en 2015 (40,5%).

Alors l’atmosphère de victoire prédite ces dernières semaines laisse finalement place à des visages crispés et inquiets. Sur un écran géant, la chaîne CNews passe les chiffres des élections en boucle et annonce en gros titre : “Régionales – LR résiste au RN”. Les yeux sont rivés vers l’écran, à défaut d’animation dans la salle. Peu après 21 h, l’allocution de Marine Le Pen est applaudie par la trentaine de militants qui ont fini par arriver. Certains sont du Pontet, d’autres ont été rameutés d’Avignon, de Carpentras ou d’Apt. En 2015, le Vaucluse était le département le plus favorable au RN : c’est le seul qu’avait remporté Marion Maréchal-Le Pen contre Christian Estrosi, avec un peu plus de 51% des voix au second tour – contre 43% dans les Bouches-du-Rhône. Mais ce dimanche, une cinquantaine de soutiens rempliront le gymnase au plus fort de la soirée. “Quand j’ai été élu aux municipales de 2015, il y avait 500 citoyens devant la mairie. Aujourd’hui, il n’y a personne !”, reconnaît Joris Hebrard, maire frontiste du Pontet depuis deux mandats.

Pour les soutiens du Rassemblement national, c’est bien l’abstention, elle-même causée par le contexte politique et sanitaire actuel, qui est responsable de la déconvenue de ce dimanche soir. Selon un sondage (Ipsos/Sopra Steria) publié par France Télévisions ce dimanche, les sympathisants frontistes seraient en effet plus nombreux que la moyenne à s’être abstenus : 73% des électeurs de Marine Le Pen de 2017 ne se seraient pas rendus aux urnes.

Abstention, crise sanitaire et fête des pères

Au Pontet, chacun tient ensuite une hypothèse plus ou moins précise sur la raison de cette faible mobilisation. “À cause de la crise sanitaire, on n’a pas du tout pu faire de meetings comme en 2015″, déplore un adhérent avignonnais, conquis par le RN en 2015 lors de la campagne de Marion Maréchal. “Je pense que les Français décrochent, estime le maire Joris Hebrard. On vient tout juste de déconfiner, on croit vraiment que les gens veulent aller voter ou venir en soirée électorale ?” Un argument valable, mais qui pourrait aussi fonctionner pour n’importe quel électeur au-delà du RN.

Il fait beau, et puis c’était la fête des pères aujourd’hui ! Il faut se dire que des gens ont préféré rester en famille et n’ont pas eu le temps de voter.

Franck Allisio (RN)

Franck Allisio, délégué départemental des Bouches-du-Rhône, accuse directement l’adversaire Renaud Muselier (LR) : “On a subi une campagne de caniveau et de polémique”, estime-t-il en faisant référence à la requête déposée contre Thierry Mariani concernant sa domiciliation dans le Vaucluse. Requête finalement rejetée ce mercredi par le tribunal d’Avignon, pointant qu’elle n’avait pas été déposée dans les temps. Franck Allisio s’aventure ensuite, tout aussi sérieusement, à avancer d’autres arguments plus douteux : “Il fait beau, et puis c’était la fête des pères aujourd’hui ! Il faut se dire que des gens ont préféré rester en famille et n’ont pas eu le temps de voter. La semaine prochaine, on aura plus d’électeurs”, promet-il.

Peu avant 22h, l’équipe finit par annoncer l’arrivée du candidat sur la scène du gymnase. “Regroupez-vous bien devant l’estrade”, demande-t-on alors aux militants occupés aux petits fours. Finalement, le candidat livre une allocution éclair. Il se félicite d’abord d’être arrivé en tête, mais précise : “L’abstention massive est le fait majeur de cette élection. C’est notre liste qui en est la première victime.” À la poignée d’électeurs qui lui font face, il lance : “Vous êtes des centaines de milliers à vouloir que ça change. Mais le changement, c’est votre responsabilité !” Un impératif, poursuit-il, pour ne pas laisser gagner “Le candidat d’Emmanuel Macron”. Comprendre, évidemment : Renaud Muselier. Thierry Mariani disparaît aussitôt après être descendu de l’estrade.

Un duel dans une triangulaire

Mais après ce passage furtif, les troupes seront légèrement requinquées par l’annonce de Jean-Laurent Félizia, candidat de la liste d’union de la gauche et des écologistes. Contre l’avis d’Olivier Faure (PS) et de Yannick Jadot (EELV), l’écologiste clame finalement son maintien dans la course, contrairement au choix qui avait été pris par Christophe Castaner en 2015, alors socialiste. “Cela prouve qu’il a des convictions et ne cède pas aux pressions des Parisiens !”, se réjouit Franck Allisio, tout en enfonçant encore une fois le clou sur le rapprochement entre Renaud Muselier et le parti présidentiel. En cas de triangulaire, Thierry Mariani est donné gagnant par les sondages réalisés en amont du scrutin. Mais à la lumière des résultats de ce dimanche, ce scénario est-il toujours réalisable ?

Dans le gymnase du Pontet, rare sont les militants à avoir fait le déplacement. (Photo Clara Martot)

Cette inconnue mathématique ne trouvera pas réponse au terme de la soirée, malgré les pronostics avancés par le RN : “La droite a perdu des électeurs qui sont partis nous rejoindre et elle ne les récupérera pas dimanche prochain”, s’avance Franck Allisio. Car selon lui, sans candidat LREM en face, “Renaud Muselier aurait pu faire un score beaucoup plus élevé.” Le président sortant dispose tout de même d’un vivier de voix supplémentaires, notamment du côté des électeurs de Cap Écologie (5,5% des voix). Même perspective, presque au pourcentage près, du côté de Mariani, qui pourra peut-être compter sur les électeurs de Debout la France (2,7%) et de la liste « Zou ! » soutenue par la Ligue du Sud (1,66%). De quoi laisser une maigre avance à Thierry Mariani. Reste à savoir si elle suffira à remporter la triangulaire de dimanche prochain… Et si le maintien de la gauche sonne comme une bonne nouvelle arithmétique auprès du RN, c’est bien à un “duel” que se préparent les troupes de Thierry Mariani.