Pour Martine Vassal, le nouveau commissariat des 13/14 vaut bien une prairie

Dans le 13e à Marseille, un terrain agricole a récemment été proposé pour accueillir un commissariat. (Photo Google Streetview)

“Il fallait un geste fort dans ce secteur, où les habitants attendent depuis longtemps une présence plus affirmée des forces de l’ordre.” Le lundi 24 mai, Martine Vassal annonçait que le département avait trouvé un terrain disponible pour répondre au souhait du ministre de l’Intérieur de voir naître un nouveau commissariat pour les 13e et 14e arrondissements, avec 9 millions d’euros d’aide de l’État à la clé. Dans un communiqué publié le soir-même de la visite du ministre, la présidente du conseil départemental précisait qu’il s’agirait d’un terrain appartenant à 13 Habitat, situé sur le terrain de la Claire à Château-Gombert. “Le département peut se mobiliser très vite pour mener ce projet à terme”, insistait Martine Vassal.

Une zone protégée pour raisons écologiques

Trop vite peut-être, pour certains habitants et élus du secteur. Apprenant la nouvelle par la presse, plusieurs ont tiqué en entendant la mention du terrain de la Claire. “Vous avez vu les photos ? C’est magnifique !”, s’indigne Christian Bosq. Alerté par un exploitant qui y produit son fourrage, le conseiller municipal membre de la majorité, élu de ce secteur, insiste : cet endroit est “beau”. Et pour cause : huit hectares de prairie et une centaine d’oliviers y résistent encore à l’urbanisation, alors qu’à cinq minutes de là en voiture, le quartier de Château-Gombert – au nord-est de Marseille – poursuit son expansion urbaine. En période électorale, le sujet a tout pour ouvrir une polémique.

Le terrain de la Claire est classé comme “zone à urbaniser” dans le PLUI (Plan local d’urbanisme intercommunal). Mais il se trouve tout de même à quelques centaines de mètres de la zone Natura 2000 de la chaîne de l’Étoile. Et depuis 2019 il est protégé par une trame bleue et verte, qui rend obligatoire la réalisation d’une étude d’impact environnemental avant toute obtention d’un permis de construire. “Elle avait été classée comme zone à protéger à l’époque, car il y a un véritable enjeu écologique. Et la préservation des terres agricoles est aussi une volonté portée par la mairie aujourd’hui”, souligne Sébastien Barles (EELV). Ce mardi, l’adjoint au maire en charge de la transition écologique a tweeté pour fustiger l’emplacement choisi :

Le Ministre @GDarmanin est venu annoncer à #Marseille la création d’un nouveau commissariat sur des terres agricoles en lisière de ville. Il faut bien sûr une police de proximité et un nv commissariat sur le 13eme mais pas sur des terres fertiles, plus au cœur des quartiers Nord pic.twitter.com/HEVfpVEcPF

— Sébastien Barles (@sebbarles) June 1, 2021

Ah les policiers, ils vont être bien avec les collines et les cigales ! Mais ils vont venir comment les gens du 14e ?

Christian Bosq, conseiller municipal

“Je regrette que le département n’ait pas plus réfléchi sur l’implantation pour permettre de préserver le peu de nature qu’il nous reste”, déplore aussi Christian Bosq au sujet de ce choix rapide, qu’il relie au contexte électoral actuel : “Ils veulent illuminer le ministre, mais ça fait des années qu’on n’a pas de policiers, on aurait bien pu prendre le temps de réfléchir !” Si le conseiller ne nie pas la nécessité d’un nouveau commissariat, il dénonce le coût environnemental du bétonnage d’une partie de la prairie. Et de souligner que le terrain est particulièrement excentré par rapport à l’immensité du secteur : “Ah les policiers, ils vont être bien avec les collines et les cigales ! Mais ils vont venir comment les gens du 14e ?” Dans un communiqué du 28 mai, les élus RN des 13e et 14e ont eu aussi critiqué le choix d’implantation de ce commissariat, “sur un terrain mal desservi, dans un secteur déjà congestionné, et au détriment d’un formidable espace vert”.

Les associations locales et environnementales, elles, n’entendent pas baisser les bras. Dans une lettre adressée à de nombreux adjoints municipaux, plusieurs d’entre elles le font savoir, dont l’association Mémoire, le collectif Laisse Béton et France Nature Environnement 13. Leur mot d’ordre est simple : “Une zone agricole ne peut servir une fois de plus comme variable d’ajustement”. Les différents acteurs souhaitent organiser une table ronde avec la municipalité, pour proposer un projet alternatif sur ce terrain, articulé autour de l’agro-écologie et de la pédagogie.

La sécurité avant tout

Pour la métropole, en charge de la définition du PLUI – et elle aussi présidée par Martine Vassal – l’implantation d’un nouveau commissariat n’est pas incompatible avec la préservation de l’environnement sur le reste du terrain. 7 à 8000 mètres carrés uniquement devraient être occupés par le commissariat sur les huit hectares, un peu moins du dixième du terrain. “L’étude d’impact permettra probablement de situer le projet sur une partie seulement du terrain, en limitant les effets négatifs sur l’environnement, précise Laure-Agnès Caradec, vice-présidente (LR) de la métropole en charge de l’urbanisme. De plus, la prairie n’a pas un intérêt fou et les oliviers peuvent être replantés“.

Si la métropole cherche à limiter l’urbanisation au nord de cette zone, pour la vice-présidente la logique est dans ce cas bien différente : “Il s’agit d’un équipement public. Et le timing est serré donc il est intéressant d’avoir accès à un terrain maîtrisé par la puissance publique”. De fait, seul l’intérêt public d’un projet permettra de modifier le PLUI afin d’y autoriser la construction, pour le moment impossible sur cette zone. Lionel Royer-Perreaut (LR), président du bailleur 13 Habitat, propriétaire du terrain, estime lui aussi que le projet de commissariat “répond à un besoin, sur une zone qui est de toute façon en pleine urbanisation. Ces hectares n’ont jamais été valorisés”.

C’est peut-être loin aujourd’hui mais dans 15-20 ans, ce sera possiblement différent et un commissariat on le construit pour les 100 prochaines années.

Lionel Royer-Perreaut (LR)

D’après son président, 13 Habitat est propriétaire de la parcelle depuis soixante ans, sans qu’aucun projet n’y ait vu le jour “parce que c’était éloigné de tout”. Colistier de Martine Vassal, Lionel Royer-Perreaut trouve pourtant le terrain adapté pour accueillir ce projet : “C’est peut-être loin aujourd’hui mais dans 15-20 ans, ce sera possiblement différent et un commissariat on le construit pour les 100 prochaines années“. Même son de cloche du côté du département. “La sécurité des Provençaux est la première des priorités”, a souligné la collectivité dans sa réponse à Marsactu.

La sécurité, priorité de la campagne

Pour M. Bourely, éleveur qui utilise le terrain pour faire son fourrage, l’urbanisation est déjà actée et le combat perdu. “Cela fait 25 ans qu’on ne fait plus de maraîchage ici. On n’a plus d’eau. La ville a poussé, il faut vivre avec son temps”, philosophe-t-il, passé la surprise de l’annonce. La sécurité en revanche, est devenue, pour lui aussi, la priorité. “Pour un autre projet sur ce terrain, j’aurais contesté, mais là un commissariat non, au contraire. On en a trop besoin”.

Sur la bannière de “Provence Unie”, mot d’ordre de la campagne de Martine Vassal aux départementales, une branche d’olivier se détache sur un fond bleu. Les oliviers de la Claire, eux, devront peut-être trouver un autre terrain, à l’écart des campagnes électorales.

Actualisation à 16 h 47 : ajout de la réaction par communiqué des élus RN des 13/14.