Sur la nouvelle Plaine, chacun cherche sa place
La plupart des palissades du chantier sont parties et les Marseillais se réapproprient la place Jean-Jaurès depuis quelques semaines. Entre familles, fêtards et skaters, les usages différents cohabitent pour le moment, avec plus ou moins de frictions.
(Photo LC)
Il y a quelques années de ça, à la question “où trouver un bar en terrasse ?”, rares sont les Marseillais qui auraient répondu “à la Plaine pardi !”. Pourtant, mercredi, ils étaient des centaines, certainement au-dessus du millier, à s’être précipités vers la place rénovée pour fêter la réouverture des bars en extérieur. La concomitance des timings est frappante : en même temps que le pays et la ville se déconfinent, la place Jean-Jaurès s’est débarrassée du chantier qui l’occupait depuis l’automne 2018. Parée de ses nouveaux atours, elle accueille donc des flots de Marseillais en quête de frissons de liberté. Un crash test à grande échelle pour une “requalification” qui avait suscité tant de débats.
Le premier soir du retour des bars aura servi de fête inaugurale aux nouveaux aménagements. Sur les ramblas imaginées par les paysagistes du projet, l’ambiance était clairement barcelonaise. Les terrasses de la dizaine de bars du pourtour de la place, élargies, voire nées avec la rénovation ont vite été débordées, des centaines de personnes s’installant sur les nombreux bancs ou bien souvent à même le sol pour partager le verre du déconfinement. À l’angle de la rue de l’Olivier, côté Est, un futur bar à tapas n’a pas attendu d’avoir fini ses travaux d’installation pour saisir l’occasion : deux tireuses à bières ont été installées derrière la vitrine, au milieu d’un décor de chantier, pour abreuver la foule qui patiente en file indienne au milieu de la terrasse toute neuve.
“C’est la coupe du monde tous les soirs”
Parmi les fêtards, beaucoup admettent mettre les pieds sur la place pour la première fois depuis longtemps, voire la première fois tout court. “Pour moi la Plaine c’était un parking, pour aller dans les bars autour”, reconnaît Julien, la vingtaine. Adossées aux bancs de pierre qui entourent les tilleuls, Noëlle, Lola et Mylène confient qu’avant elles ne se “posaient” pas souvent ici. “On y passait, mais c’était moins sympa”, se remémorent-elles, sans avoir bien suivi la mobilisation contre la rénovation. “J’en avais entendu parler, c’était pour sauver les arbres, c’est ça ?”, interroge l’une d’elles avant de reprendre une gorgée de bière.
Ce n’était pas la première soirée de fiesta sur la place, qui a déjà ses habitués depuis quelques semaines, avec un respect du couvre-feu tout relatif. La routine est déjà installée : apéros dès la fin d’après-midi, arrivée des fanfares, puis musiques diverses, sound system, file d’attente devant les kebabs et l’unique toilette publique, pissotières improvisées dans tous les coins… jusqu’à la dispersion par les forces de l’ordre. “Le côté festif a décuplé, souffle Océane une habitante dont les nuits ont considérablement rétréci du fait du bruit occasionné. Ça a toujours été festif, mais là c’est la coupe du monde tous les soirs”.
L’avènement des skaters
Plus tôt dans la journée, avant les bambocheurs, c’est une autre population qui colonise la place à grand coup de planches à roulettes. “Ce sol est vraiment propice au skate et c’est grand”, résume doctement Florian, venu des Chartreux avec sa bande qui a pris ses habitudes ici depuis quelques jours. À partir de la fin de l’après-midi, les skaters sillonnent les grands espaces piétons en des trajectoires plus ou moins heureuses pour les autres passants. “Y a de la place pour tout le monde, pour les jeunes et pas que les skaters”, assure son pote Ulysse. La fin de l’après-midi approchant, les petites grappes de personnes se divisent entre ceux qui se réunissent autour d’un pack de bières ou d’un goûter.
“Sur la place, il manque peut-être un skate park”, raille Guillaume, quand on l’interroge à sur les aspects positifs et négatifs du nouvel aménagement. Installés entre des arbustes plantés en pots quelques mètres plus loin, des amis et leurs enfants profitent des aménagements pour tenter d’éviter de devoir amortir un dérapage mal contrôlé. Le petit groupe de parents du quartier et leurs progénitures en bas âge est plutôt enthousiaste. “Avant, il n’y avait qu’un coin de la place où ils pouvaient faire du vélo. Et puis les jeux, on évitait entre le verre et les seringues, c’était pas gérable, on préférait aller au cours Julien”. Pour les jeux de la Plaine, il faudra encore attendre début juin, le temps que les modifications demandées par la mairie pour les rendre moins dangereux soient réalisées.
En revanche, une de ses amis se pose des questions plus politiques. “La population du quartier a carrément changé, les prix flambent à l’achat, fustige Zineb. La place fonctionne comme un appel à la gentrification. Aujourd’hui le marché n’est pas encore revenu et les petites épiceries sont en train d’être remplacées”. Plus terre-à-terre, Solène, la compagne de Guillaume, liste les points positifs : “On a quand même ce qu’on demandait : de la lumière le soir et le fait que ce ne soit plus un parking…”
“Les cramés”, les familles, et les autres
Entre deux dribbles, côté Sud de la place, trois garçons illustrent la question du changement de population avec leurs mots. “Maintenant c’est notre ter-ter, avant c’était pour les cramés, maintenant y a des deux ça se mélange”, lâche Timothey, 15 ans. Pour se faire mousser, ses copains Léos et Noé tentent une passe en cloche qui manque d’atterrir sur une poussette. Niveau cohabitation des usages, pas de doute, il y a encore quelques ajustements nécessaires.
La Plaine a retrouvé sa destination, très populaire, avec de la jeunesse qui a envie de sortir, mais pas que. Les différents usages se marient très bien aujourd’hui.
Didier Jau, maire des 4/5
Mercredi, on apercevait aussi dans la foule le nouveau maire de secteur des 4/5, qui englobe une bonne partie de la Plaine, Didier Jau (EELV). Accompagné de deux adjointes de secteur, mais aussi de la première adjointe Michèle Rubirola, il distribuait des sacs en tissus garnis de masques, gel hydro-alcoolique et autotests. “On est très contents d’être avec tous ces gens, tout en faisant attention car la pandémie est toujours là”, recadre l’élu, ravi de pouvoir croiser ses administrés au café après “un an à être frustrés de ne pas pouvoir se rencontrer”. “La Plaine a retrouvé sa destination, très populaire, avec de la jeunesse qui a envie de sortir, mais pas que. Les différents usages se marient très bien aujourd’hui”, soutient l’élu, lui-même prêt à aller rejoindre des amis en terrasse.
Abandonnée pendant des années, avec un éclairage nocturne défaillant et la présence avérée de trafics, l’esplanade n’a pas tiré un trait sur son passé sulfureux en quelques coups de tractopelle. “La Plaine reste la Plaine, avec une mixité de populations, convient-il. On va essayer d’organiser une présence rassurante des autorités”. Une lycéenne croisée plus tôt nous confiait : “les soirs avant la réouverture des bars, ça craignait vite. Nous on reste en groupe et ça va, mais au moment de partir, l’ambiance n’était pas rassurante”.
Un “projet” pour la place
Réussir à faire cohabiter tous ces mondes, voilà la gageure, qui figurait déjà sur les questionnaires distribués à la va-vite aux habitants du quartier au début de la concertation en 2015. La place rouverte, la question paraît d’autant plus brûlante. “Ça ne sert à rien d’avoir rénové la place si c’est pour revenir aux mêmes problèmes. Maintenant, le problème n’est plus architectural, pose Océane, qui est membre du collectif des Riverains de la Plaine, engagé depuis quelques années pour une vision apaisée du quartier, en réponse au combat mené à l’époque par l’Assemblée de la Plaine contre le projet de rénovation. “Il ne faut pas qu’un usage prenne le pas sur les autres. Si les familles ne peuvent pas rester parce qu’il y a trop de bruit, trop d’insécurité, le pari sera perdu”, prévient-elle, espérant voir naître “un projet” pour la place.
La mairie encore occupée par les tensions avec la Soleam au sujet des derniers détails à revoir sur les aménagements, a tout de même embauché un “chef de projet” pour la place, qui a déjà pris ses fonctions. Il devra harmoniser cette cohabitation entre familles, fêtards, passants, skaters… et bientôt forains, qui feront leur retour avec le marché, sans doute à la rentrée. Les débats autour du lieu et des usages ne sont pas près de s’éteindre.
Commentaires
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Pour habiter sur la place, le problème principal à régler est l’hygiène et les toilettes. Ce n’est pas très agréable de se faire littéralement pisser dessus dans les escaliers du parking. Pour le reste la régulation devrait se faire naturellement, je suis un optimiste
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même problèmes au cours ju. les usagers et les habitants ne doivent plus tourner la tête se taire quand ils sont témoins d’incivilités. Les plus mal à l’aise déserteront les lieux…
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Le problème des toilettes publiques c’est dans tout Marseille et même dans toute la France.
Incompréhensible ! Personne n’a fait de thèse là dessus ?
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Benoît Payan
@BenoitPayan
·
6 oct. 2018
Bétonisation, sols artificiels, arbres arrachés, îlots de chaleur…
Et le mieux du “projet” reste encore la saignée automobile qui va traverser la place « piétonne » (sic) de part en part 😱
➡️ leur idée pour La Plaine est tout droit sorti des délires urbanistiques des années 80
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Il lui fallait bien tenir son role de premier opposant!
Artificialisation des sols: Il aurait voulu de la pelouse qui se serait rapidement transformée en terre degueu – sans compter les crottes de chien? C’est une place pas un parc.
Et il fallait bien que les voitures passent quelque part il me semble. Ou alors il était peut être possible de réorganiser la circulation mais c’est un sujet compliqué.
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Article avec gout de sirop lait fraise. Après la fermeture des terrasse la place devient du vaste n’importe quoi, de la violence pure contre les riverains: tapage nocturne, mortiers tirés à même le sol, haut parleur et sirènes, cris hystériques. Au matin les employés de la métropole s’échinent a nettoyer les dégâts (je n’entre pas dans les détails, tout ce qui peut être produit par un organisme) pour laisser la place aux premiers skateurs. Du pur capitalisme chacun sa place, a certains de nettoyer les ordures de ceux qui se prétendent émancipés. Les donneurs de leçons ne sont pas ceux qu’on croit. Depuis trois jours la police municipale aux abonnés absents. Nos élus savent-ils gérer ce genre de dérive…Une ville sans courtoisie j’appelle cela un supermarché.
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quand je lis : “Sur les ramblas imaginées par les paysagistes du projet, l’ambiance était clairement barcelonaise” et bien pour avoir comme tant d’autres allée à Barcelone , pas d’odeur de pisses sur les ramblas
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Étonnante cette habitude de la part des amėnageurs , architectes ou paysagistes à faire des phrases. Lassante cette habitude de comparer une ville d’un niveau d’une sous préfecture française à une ville au rayonnement mondial. Mais nous en avons l’habitude,entre l’une qui voulait transformer la Canebière en Broadway marseillais et l’autre qui voulait faire notre cité une Miami méditerranéenne, nous sommes servis.
Inventivité, inspiration, innovation sont rarement au rendez-vous dans cette ville,dommage. Si la Pentecôte pouvait faire descendre un peu de lumière dans la tête de nos zėlus, mais un miracle cela n’arrive pas tous les jours.
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Un·e élu·e avait comparé l’ombrière du vieux port à la cloud-gate (haricot) de Chicago……
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Clairement il manque un skateparc et des boulodromes, quel dommage…
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Marseille, la Plaine ne sont pas bobo, cette engeance imbue d’elle -même qui se prétend cultivée en comparant les “aménagements” (= destruction, bétonisation, banalisation, perte de sens, etc.) consommés lors des différents voyages dans lesquels elle a déplacé ses préjugés, en y ajoutant quelques nouveaux. Les urbanistes, architectes, aménageurs, paysagistes, élus, promoteurs font le plus souvent parti de cette caste. La Plaine, la ville, vont payer cher et longtemps pour leur bêtise.
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Et l’habituelle gourde qui parle de “gentrification”… Avec ces gens là, la crasse et la ruine ont de l’avenir.
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Un article de Marsactu qui fait de “la Provence” !
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Une question qui me hante, les arbres à feuilles persistantes c’est la compétence de la métropole ou de la mairie ? . Même question pour les feuilles caduques .
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Une fois passée la réception d’un projet qui n’a jamais soulevé l’enthousiasme (ni de la part des riverains quoi qu’on en dise, ni de la part des opposants à tout, par principe _devinez qui sont les plus réac’?). Pourrait-on maintenant aborder raisonnablement la question de la vie au quotidien d’un tel espace plutôt que de contribuer à sa destruction rapide (pour avoir l’impression qu’on a bien fait de s’y opposer : raisonnement en boucle que certains pratiquent religieusement. A la lecture du PLU intervenu trop tard, de nombreux points pourraient être amendés sur ce vaste espace minéral: aménagement d’un boulodrome (perméabilisation ponctuelle des sols), containers à ordure mieux proportionnés aux besoins, réglementation sur la circulation des 2 roues motorisés hors de leurs voies, réglementation des usages incompatibles avec l’usage courant d’un espace public partagé: skate, musique amplifiée, fanfares…Allo le médiateur de la place, les élus d’arrondissement qui attendent que les conflits se règlent d’eux-même…?
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Maltsec ,oui sans doute,mais tout ceci va encore coûter combien ? .Ce projet , qui n’est que l’aménagement d’une place ,nous ne sommes quand même pas Piazza Navonne ou Plaza d’Espagne a déjà coûté un bras plus les dépassements marseillais habituels .
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” Pour les jeux de la Plaine, il faudra encore attendre début juin, le temps que les modifications demandées par la mairie pour les rendre moins dangereux soient réalisées. ” xD
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