En attente de relogement, des locataires des Flamants bloquent 13 Habitat
Les derniers locataires des bâtiments 1 à 4 de la cité des Flamants (14e) - promis à la destruction ou la rénovation - attendent d'être relogés par l'office HLM depuis trois ans. Ce mardi, entre colère et fatalisme, ils sont venus manifester devant les locaux du bailleur public.
Mardi, des locataires exaspérés se sont installés à l'entrée du siège du bailleur social. (Photo CB)
Au comble de l’exaspération, l’homme s’écrie : “Vendredi, si ça n’a pas avancé, je reviens, je m’asperge d’essence et j’allume.” Dans sa main, un petit briquet blanc. Il fait mine de presser le bouton, le long de sa doudoune noire. Ce mardi matin, devant le siège de 13 Habitat à Saint-Just, une poignée de locataires sont rassemblés. Ils habitent dans les bâtiments 1 à 4 du dernier “tripode” de la cité des Flamants (14e). Dernier acte de l’imposant chantier de rénovation urbaine dont fait l’objet le quartier depuis le milieu des années 2000 et qui réclame le départ des ultimes locataires du bailleur social. Les entrées 2 et 4 seront démolies, les entrées 1 et 3, restructurées. Il ne reste qu’une dizaine d’occupants officiels dans les 145 logements du tripode, disséminés çà et là au fil des étages. Depuis des mois, sinon des années, ces habitants attendent d’être relogés par 13 Habitat.
Les premiers locataires sont partis en 2018. “Et nous, on attend. On nous dit qu’il n’y a rien pour nous”, lâche Antoine Santiago. Exaspérés, ils ont entrepris de manifester devant le siège de l’office HLM du département. “Ça a trop duré, ces gens ont droit à un logement décent dans un quartier où ils ont envie d’aller. On demande juste qu’ils sortent des Flamants. Humainement, on ne peut pas les laisser comme ça”, synthétise Rachid Tir, députée suppléante de Saïd Ahamada (LREM) qui accompagne la petite troupe.
Contraints de vivre dans des lieux à l’abandon et squattés
Les titulaires de ces HLM décrivent une situation “invivable”. Ils détaillent les ascenseurs hors-service depuis fin décembre, l’électricité qui fait défaut dans les parties communes, les désordres de salubrité constatés par des passages d’agents de la Ville, les appartements vacants très majoritairement squattés, la violence entretenue par la présence d’un réseau de deal…
Les ascenseurs sont coupés depuis décembre, même s’il reste des locataires jusqu’au 10e étage.
“A la fin décembre, vous nous avez prévenus que vous arrêtiez les ascenseurs, mais en nous promettant de nous sortir de là rapidement. J’habite au 8e étage, je dois monter mes courses avec un palan !”, se désole Ginette Fernandez en faisant défiler une vidéo sur son téléphone. Devant les locaux de l’office, Didier Papacalodouca, directeur de territoire 13 Habitat, confirme : les ascenseurs ont été stoppés “pour des raisons de sécurité parce qu’ils étaient détériorés ou squattés.”
Zainaba Said habite au 10 étage. Elle accompagne dans la descente et la remontée sa fille de 14 ans quatre fois par jour. Dans son immeuble, les squatteurs sont désormais bien plus nombreux que les cinq locataires restants. Elle en a peur : “La nuit, parfois, ils essayent d’entrer. Alors, je reste assise dans le salon face à la porte. Je ne dors pas.”
“En fait ce qu’on nous dit, c’est qu’on est des lépreux !”
Comme elle, Antoine et Bernadette Santiago attendent donc des propositions “qui tiennent la route, pas question d’aller à Campagne-Lévêque !”, l’immense cité du 15e arrondissement. Zainaba Said soupire : “On m’a proposé des appartements. Un tout petit à la Joliette. Et un autre au Clos la Rose qui était vraiment pourri, une poubelle où l’ancien locataire avait tout laissé.” Tandis qu’une petite délégation de locataires est reçue, Antoine Santiago poursuit : “13 Habitat vient de construire de beaux immeubles à Montolivet. Mais ça, on me dit que ce n’est pas pour moi. Pourtant, le loyer, je le paye tous les mois. En fait ce qu’on nous dit, c’est qu’on est des lépreux !” À ses côtés, sa femme complète : “Ils parlent de mixité mais ils ne la font pas. C’est de la discrimination.”
Devant les barrières qui mènent aux parkings du bâtiment, les locataires ont dressé des barrages de fortune. Ici trois poubelles ; là un pliant et une table de pique-nique sur laquelle on a disposé une bouteille de jus de pomme et quelques gobelets. Une femme s’assied par terre, si on ne lui trouve rien, elle va dormir là, jure-t-elle à bout de nerfs.
Christophe Imbert, le directeur de la communication du bailleur social cherche à rassurer les habitants : “Des propositions ont été faites. Elles ne convenaient pas. Chaque situation est individuelle et c’est normal. Mais nous allons trouver des solutions, j’en suis convaincu.” Anthony Fernandez, le fils de Ginette, s’irrite : “On nous dit ça à chaque fois. J’espère que vous allez réussir à trouver 14 appartements, vous en avez 35 000 dans le département !” Sur les 145 logements que compte le tripode, 75 occupants ont été relogés dans le parc de 13 Habitat, les autres ont trouvé à se reloger par leurs propres moyens. Dans les services de l’office, on pointe les difficultés que traversent certains de ces derniers occupants : “Il s’agit aussi de les aiguiller vers des propositions de biens dont ils seront en capacité d’honorer les loyers.”
Passe d’armes politique
Les esprits s’échauffent autour des barrières entre salariés du bailleur et locataires. Le député La République en marche, Saïd Ahamada débarque. “Ces gens payent leurs loyers depuis des années. On vient réaliser une rénovation dans leur immeuble, très bien. Mais après il faut que ces personnes aient accès à du qualitatif, sinon, elle sert à quoi, la rénovation ?”, plaide Saïd Ahamada qui promet un plan sur dix jours. Il a pris rendez-vous avec Lionel Royer-Perreaut pour lui détailler les situations individuelles.
“Il ne va rien me faire découvrir que je ne connaisse déjà”, rétorque sèchement le président de 13 Habitat par ailleurs conseiller départemental et maire (LR) des 9/10 à Marseille. Il en convient, la situation est “complexe”. “Les derniers à reloger, sont souvent les cas les plus délicats, parce que les situations mêlent problématiques familiales, sociales et attentes précises. Mais on ne peut pas mettre en doute notre volonté à trouver des solutions”, poursuit-il.
Dans un contexte préélectoral qui n’a échappé à personne, le président de l’office HLM regrette “l’instrumentalisation politique qui est faite de cette affaire.” Mais il réclame volontiers le soutien du “député de la majorité Saïd Ahamada pour obtenir des forces de police supplémentaires” aux Flamants. Car, explique-t-il “face aux squatteurs le bailleur, seul, est désarmé”. Mais sans doute pas aussi démuni que ses locataires.
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La situation de ces personnes, méprisées par les responsables politiques et administratifs, est scandaleuse. Honteuse. On ne peut pas les laisser se battre seuls face à l’inertie et au mépris de classe.
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