Relaxe et peines de prison avec sursis pour les pieds nickelés de la Commanderie
Quatorze supporters de l'OM ont comparu devant le tribunal correctionnel mercredi. De l'ultra chevronné à celui venu par hasard, aucun n'apparaît comme un des instigateurs de la mise à sac du centre d'entraînement.
Originaire de Manosque et apprenti livreur UberEats, Fayçal avait du shit sur lui lorsqu'il a été interpellé. (Illustration : Ben8)
S’agit-il d’un commando de casseurs ou du fretin prélevé parmi “ceux qui ne couraient pas assez vite”, ce 30 janvier 2021, aux alentours de la Commanderie? Ce mercredi, le tribunal correctionnel de Marseille jugeait 14 prévenus qui faisaient partie des quelque 300 supporters mécontents qui ont envahi et même saccagé le centre d’entraînement de l’OM. 25 jours plus tard, la justice était appelée à déterminer si leur présence tenait bien de “la participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences, ou de destructions ou de dégradations de biens”.
Dans son jugement, le tribunal a suivi les réquisitions du procureur André Ribes, en prenant le temps de la nuance sans nier le groupement qui les réunit à sa barre. Sur les 14 prévenus, 11 ont pris six mois de prison avec sursis, deux sont relaxés et le dernier est condamné à trois de prison ferme du fait d’un sursis, fruit d’une ancienne condamnation. Épilogue provisoire d’une crise qui continue de secouer la ville.
L’OM fait le tour du monde
Les images de l’incendie, des joueurs choqués, des supporters hurlant ont fait le tour du monde. Jamais dans l’histoire du club le mécontentement des supporters n’était allé aussi loin. Le même jour, à tous les coins de la ville, des banderoles dénoncent la politique menée par Jacques-Henri Eyraud, le président du club. Les images diffusées lors de l’audience sont glaçantes. Pendant 25 minutes, les différentes caméras de vidéo-surveillance captent une marée d’hommes habillés de noir, encapuchonnés, masques au visage qui avancent sur la Commanderie et aussitôt balancent des fumigènes de l’autre côté du portail.
Très vite, “c’est un mur de fumée” pour reprendre l’expression du procureur André Ribes qui s’élève. Les policiers présents dans l’enceinte au côté de quelques stadiers répliquent à peine par quelques grenades lacrymo. Les supporters s’infiltrent bientôt par l’entrée des joueurs et des brèches ouvertes dans le portail. Ils iront jusque dans le bâtiment où sont présents les joueurs. Ils y pénètrent même malgré les stadiers qui s’interposent.
“Substances lacrymales et chaussures boueuses”
Une fois les renforts policiers arrivés, le directeur départemental de la sûreté publique demande que ses hommes interpellent en priorité la centaine d’individus qui ont pénétré l’enceinte privée. Comme le lit la présidente du tribunal, Paule Colombani, “ils doivent avoir sur eux des signes distinctifs du club, des substances lacrymales et les chaussures boueuses”. Ce dernier point résulte du déroulement des faits : pour pénétrer dans l’enceinte, les supporters ont dû passer par un champ qui jouxte la Commanderie. Et ce jour-là, il pleuvait.
Vous avez devant vous la photo de classe d’une bande d’imbéciles”
un avocat
Les 14 prévenus sont loin de rassembler toutes ces caractéristiques. Ils présentent au contraire une grande diversité. “Vous avez devant vous la photo de classe d’une bande d’imbéciles”, ose un des avocats. Son client est au premier rang “en bon petit élève”. Dorian vient d’Arles. Il est venu faire des courses à Grand Littoral et s’est retrouvé embarqué par “des collègues” dans ce qu’il croit être une après-midi festive.
Lui n’y comprend rien au foot. Il a même un ballon de rugby tatoué sur la fesse en hommage à un ami. La présence d’un opinel dans son sac lui vaudra d’être placé en détention préventive avant d’être libéré par la cour d’appel. “Il est un poisson rouge qu’on pêche à l’épuisette”, dira son avocat, pour qualifier son interpellation. Son couteau lui sert à couper le saucisson, sur les chantiers. Il sera relaxé.
“Ça partait en live”
Même le plus capé d’entre eux, Thomas, 33 ans dont 24 ans de virage chez les ultras peine à correspondre au profil d’instigateur. “Amoureux de l’OM, oui. J’ai même rencontré ma femme dans le virage”, assume ce directeur adjoint d’un Carrefour city. Il dit également avoir vécu “des crises avec beaucoup de virulence” mais des “scènes comme ça, ça s’est jamais vu”. Il est interpellé à 14 h 45, c’est-à-dire dix minutes après l’arrivée du cortège. “J’ai vu que ça partait en live et j’ai fait demi-tour”, dit-il. Lui aussi sera relaxé.
Avec lui, cinq autres prévenus revendiquent leur appartenance au Commando ultra 84. Le terme de “commando” entraîne des explications de textes. Le tribunal n’est pas toujours au fait des mœurs du supporterisme. La présidente s’étonne qu’on dise aux joueurs “mouille le maillot ou casse-toi”. Il y a parfois un gouffre que les explications penaudes des prévenus ne parvient pas à réduire. Parmi ces six adhérents des ultras défendus par Alain Baduel, il y a beaucoup de supporters lointains. Car le plus ancien club de l’OM a beaucoup essaimé. Et dans un championnat qui se joue sans public, venir à Marseille pour conspuer les joueurs et la direction devient une aubaine.
“Si j’aurais su, j’aurais pas venu”
Parmi les pièces constitutives du groupement sciemment constitué par les prévenus, il y a ce texto écrit par Guizmo, un ultra de Normandie que certains ont reçu. Il promet un apéro et une “grosse action à la Commanderie”. Certains descendront de Saint-Dizier, de Cabestan dans l’Hérault, d’Arles, de Mâcon. C’est le cas de Mohamed qui osera un “si j’aurais su, j’aurais pas venu”, sorti tout droit de la Guerre des boutons pour justifier son intention “pacifique”. D’ailleurs, ajoute-t-il, “je suis pas là pour foutre la merde, je suis pas Marseillais”.
En prison, j’ai perdu 10 kilos en dix jours.
Julien, prévenu
Et puis il y a Julien le boulanger, déjà condamné en 2017 pour avoir tenté d’introduire un fumigène dans le stade. Il a pleuré lors de la première comparution, a pleuré encore quand le procureur lui demande de parler de sa détention. “J’ai perdu 10 kilos en dix jours même si vous allez dire que j’ai de la marge”, raconte ce grand bonhomme enveloppé. Il n’a pas dormi, a dû voir un psychologue et pleure de nouveau quand le procureur le cite dans sa plaidoirie.
Même chez Fayçal, un bout de shit dans la poche, un “fumi” dans le sac, “gardé pour un mariage”, on peine à voir le hooligan déchaîné. Déjà condamné à de la prison avec sursis pour un cambriolage, il est le seul à prendre une peine ferme, aménageable. “Il a passé presque un mois à Luynes, il s’est fait racketer deux fois, il n’a vu sa mère qu’une fois sans pouvoir la serrer dans ses bras”. “Je ne recommencerai plus”, supplie-t-il, en fin d’audience.
Romain, “galvanisé par la foule”
Un seul reconnaît les faits. Romain, 19 ans, en stage dans une agence immobilière. Ce jeune homme bien sous tous rapports a été “galvanisé par la foule”. Il s’est attaqué à une voiture, cassant un rétroviseur de ce qui s’est avérée être un véhicule banalisé de la BAC. Il reconnaît également avoir lancé un fumigène. Son avocat produit des attestations en nombre alors qu’il s’excuse à nouveau.
Dans leurs plaidoiries, les avocats s’efforcent de nier le groupement, demandant au tribunal de personnaliser les peines en s’efforçant de gommer ce qui pourrait paraître prémédité. Pour Alain Baduel, avocat des ultras, il ne s’agit rien d’autres que “de mettre la pression car ils ont cette croyance que, par leur actes, il vont influer sur les résultats du club”.
140 000 euros de préjudice moral demandé par l’OM
En face, Olivier Grimaldi refuse de voir en ce procès celui du supporterisme. “Certains se sont faits entraîner parce qu’on leur a menti ? Je n’en sais rien, élude l’avocat de l’OM. Avant d’asséner : “Ces 14 personnes sont des casseurs par lâcheté”. Il demande 140 000 euros pour le club au titre du préjudice moral, un montant qui fera l’objet d’une audience au civil.
Le procureur André Ribes ne va pas si loin. Il évoque un “dossier difficile”, mais considère que le groupe est constitué. “Ils sont en uniforme, en noir avec une capuche. Pas en bleu et blanc. Pas en rose fuschia. Non, en noir parce qu’on ne peut pas distinguer qui fait quoi quand 30 ou 40 font l’acte en même temps. C’est la preuve de la concertation”. Si certains ont bien été concertés jusqu’à tous utiliser le même terme “pacifique” pour qualifier le mouvement, ils sont loin d’être les chefs d’orchestre de l’évènement. La prochaine comparution en mars prochain pourrait permettre d’écarter le rideau des fumis.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Tous les êtres humains changent de comportement quand ils sont en groupe. Forcément quand ils sont tous seuls et en garde à vue, tout d’un coup, la mousse retombe, ils sont penauds et avec l’aide de leurs avocats les désignant comme “idiots”, ils prennent la relaxe. Même du temps des gladiateurs, le public était déchainé dans les forums. Rien ne vaut un concert de musique classique. Ceux qui ne ronflent pas dans les rangs sont suffisamment anesthésiés pour ne pas agresser le violon solo qui joue des fausses notes.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Je ne comprends pas du tout ce que vous voulez dire dans votre analogie avec le concert classique
Se connecter pour écrire un commentaire.