La Ville renonce à instaurer des horaires étendus au centre communal d’action sociale
Pour la première fois depuis fort longtemps, des agents du centre communal d'action sociale (CCAS) sont en grève. Ils entendent dénoncer le choix de la Ville d'imposer une journée continue d'accueil. L'élue à l'action sociale a décidé de suspendre la mesure et de relancer la concertation dans un CCAS, clairement sous-dotée face à l'ampleur de la crise.
Le bureau de l'antenne Sud du centre communal d'action sociale à Mazargues. (Photo : B.G.)
D’ordinaire, on ne les entend pas. On ne les voit pas. Pourtant ces quelques 270 femmes et hommes sont pour certains en première ligne face à la détresse, face à cette vague de précarité qui monte en flèche, depuis la crise sanitaire. Ce mardi, pour la première fois depuis bien longtemps, les agents du centre communal d’action sociale (CCAS) ont décidé de faire entendre leurs voix au pied de l’hôtel de Ville. C’est le point culminant d’un double préavis de grève déposé par la CGT et l’UNSA en réponse à la décision de la Ville d’ouvrir les cinq agences du CCAS en continu pour faire face à l’afflux de demandes. Depuis le début du mois, les agents déposent donc une heure de grève par jour pour ne pas effectuer ce temps de travail supplémentaire, entre midi et deux.
“Dans la petite agence de proximité où je travaille, cela veut dire qu’on se retrouve à tourner à trois avec une assistante sociale, une conseillère économique, sociale et familiale et une référente administrative d’accueil pour faire face aux demandes, explique Elsa Bakily, délégué UNSA pour le CCAS. Or, ce temps pris en plus pour l’accueil entre midi et deux, nous le prenons sur le reste du travail. Sans compter que, selon nos spécialités, nous ne sommes pas tous formés pour répondre aux questions des administrés”. Au CCAS de Marseille, les fonctions ne sont pas forcément interchangeables, au grand dam de la direction générale des services qui défend depuis plusieurs années la polyvalence. La mise en place “d’horaires Covid” ne serait qu’un avatar supplémentaire de cette volonté.
Des agents “à bout”
Face à ce conflit social inédit, la vice-présidente du centre communal d’action sociale et adjointe (PCF) à l’action sociale, Audrey Garino, joue clairement l’apaisement. Elle défend désormais “la suspension” de cette mesure, le temps que “soient mis en place des groupes de travail qui adaptent au mieux les objectifs à l’état des effectifs”. Elle reconnaît clairement que les personnels sont “à bout” après avoir fait face aux crises successives de la rue d’Aubagne et des deux confinements.
“Notre volonté était de trouver un fonctionnement qui permette à nos agents de répondre à la demande en matière d’aide sociale et d’assurer en même temps leur protection, détaille Audrey Garino. Nous avons travaillé sur plusieurs scénarios avec les organisations syndicales, avec par exemple une ouverture jusqu’à 18 heures ou le samedi matin. Au final, ces 45 minutes entre midi et deux étaient la meilleure solution.” La toute nouvelle vice-présidente range donc finalement son projet d’heures Covid pour repartir en négociations.
Une agence pour 150 000 habitants
Car ces questions d’heures cache un paradoxe très marseillais : le centre communal d’action sociale est censé être le principal vecteur de l’action sociale de la Ville. Or, il est particulièrement sous-doté au regard des enjeux propres à la seconde ville de France. Il ne dispose par exemple que d’une assistante sociale par secteur. Pourtant, celui du 13/14, représente à lui seul 150 000 habitants. Et les agences ouvertes au public couvre tous plusieurs arrondissements. Celui du centre-ville, au Panier, est destiné aux habitants des 1er, 2e, 3e et 7e arrondissements.
“Contrairement à tout éthique, je suis obligée de prioriser les dossiers, explique Françoise* une assistante sociale qui témoigne sous couvert d’anonymat. Nous couvrons un champ très large qui va de l’accès aux droits au maintien à domicile, en passant par l’accès aux soins, l’aide financière d’urgence, la lutte contre le surendettement… Du coup, on est obligés de bâcler, ce qui est insupportable.”
“J’ai failli partir en burn out”
Elle prend pour exemple ses collègues du conseil départemental qui doivent gérer 150 bénéficiaires du RSA au maximum. “Pour nous cette liste n’a pas de fin, raconte la travailleuse sociale. J’ai failli partir en burn out face à la masse de travail et à l’impossibilité d’apporter des réponses concrètes aux réalités des administrés.”
Or, une grande partie de ce travail consiste en des visites à domicile, qui sont peu pris en charge par la direction. “Je suis obligée de le faire avec mon véhicule personnel et pour cela je touche une prime annuelle forfaitaire de 260 euros qui recouvre qu’une petite partie de mes frais. On me répond de prendre les transports en commun. Mais vous m’imaginez dans le bus avec tous mes dossiers ?”
Un tout petit bras armé
Prise en charge des frais, primes annuelles versées à discrétion, la nouvelle élue à l’action sociale a bien conscience de tous ces enjeux. “Mais cela ne fait que deux mois et demi que j’ai été élue, à la tête du CCAS se défend Audrey Garino. C’est trop court pour répondre à la crise sociale et réformer la structure. J’ai bien conscience des différents dossiers qui restent à traiter”. La Ville a donc lancé un audit de la structure qui va nécessairement s’appuyer sur les rapports de la chambre régionale des comptes. Cette dernière a passé au crible la gestion passée. La municipalité peut également s’appuyer sur un rapport de l’inspection des services qui mettait en garde sur l’insuffisante prise en compte des recommandations de la chambre.
“En arrivant, j’ai clairement pris conscience que ce CCAS était sous-doté par rapport à des centres de communes moins importantes, reprend Audrey Garino. Si on veut faire du CCAS, le bras armé de l’action sociale, il va falloir faire correspondre les effectifs avec nos objectifs.” Un casse-tête supplémentaire pour les élus du Printemps marseillais s’ils veulent mettre en œuvre le programme pour lequel les Marseillais les ont élus.
Commentaires
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C’est vertigineux, tout ce qu’il faut remettre à niveau… M.Gaudin n’avait de cesse de dire que Marseille etait “une ville pôôvre”, comme si c’était une fatalité… un CCAS sous doté, 3 personnes gérant des dizaines de milliers voire plus de 100 000 personnes ? Comment agir contre la pauvreté, dans ces conditions ? Les pauvres ont ete laissés à l’abandon.
Merci pour cet article !
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Difficile de faire du social lorsqu’on succède à 25 années de Gaudin. Un CCAS en lambeaux, un paradoxe dans une ville autant marquée par la misère.
Courage à nos élus qui devront trouver les moyens nécessaires tout en faisant face à l’immobilisme ambiant d’une ville jusqu’ici non gouvernée si ce n’est par le poids syndical.
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Trois mois et demi Madame la vice présidente, cela fait trois mois et demi que vous avez été élue et non pas deux et demi….C’est vrai que peut-être sous le poids de la tâche vous ne voyez pas le temps passer…Le personnel, lui, n’en peut plus. Votre arrivée à été un formidable espoir de renouveau, mais là, il faut accélérer le changement sinon la fuite des agents vers le département va vider établissement de la majorité de ses forces vives.
Et le changement madame la vice présidente, cela commence par changer de direction générale . La cousine de Gaudin, madame, aussi maltraitante qu’incompétente (petit CAP gros salaire), elle a fait plus que son temps et plus de dégâts que ce pauvre CCAS ne peut en supporter.
Nul ne doute que vous saurez la remercier avec élégance parce que vous semblez être quelqu’un de bien, et recruter du personnel compétent en renfort pour aider la population marseillaise qui en a tant besoin. L’urgence est partout, à l’extérieur, c’est sûr, mais à l’intérieur des services aussi…vite Madame, vite…
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Manque de moyens, effectivement, JC Gaudin ne pouvait octroyer plus d’argent au CCAS et payer de plantureux salaires aux amis dont il s’était entouré (plusieurs millions d’Euros tout de même). Il me tarde de le voir à la barre du Tribunal correctionnel 😊
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Même à la direction du CCAS on trouve de ces “ami.e.s” — censés s’occuper des plus pauvres et des plus précaires !
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Les pauvres attendront…!
La République sociale diffère ses réponses aux plus pauvres d’entre nous.
Quand Marseille semble une réduction de ce qui va arriver au territoire national.
Après des dizaines d’années de gabegie, de complaisance ou d’injustices, va falloir jouer l’alternance. Mais avant tout Marsactu a une carte à jouer; celle de l’information, de la ”pédagogie”, des renseignements.
Afin d’avoir une République sociale faut des citoyen(n)es informé(e)s. Qui ont le choix. Pour ce faire l’information d’utilité publique est capitale.
Les forces conservatrices, rentières, accumulatrices sont puissantes dans la ville et ce sont elles qui dictent au plus grand nombre les mots pour le dire.
Donc les journalistes qui ont les mots pour nommer les ”choses” ont de rudes taches qui les attendent. Au moins que les pauvres nous aident à trouver les mots-les maux-pour désigner les injustices. Leurs misères serviront au moins, à quelque chose.
Une solution parmi tant. Que l’élu en charge des Affaires sociales puissent demander ce dont les travailleurs sociaux ont besoin. Après l’agenda peut être construit en fonction des politiques budgétaires.
Mais que les élu(e)s nous expliquent ce qu’ils font…!
Et que Marsactu fasse des articles clairs, factuels.
Vous êtes sur la bonne voie…!!!
Allez, les enfants, nous doublons le cap de Bonne Espérance…!!!
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