LA VILLE MORTE
Bien sûr, nous avons déjà évoqué ici le Covid-19 à Marseille. Bien sûr, nous avons évoqué les logiques de la politique sanitaire mise en œuvre par la municipalité, tant du temps de la municipalité dirigée par J.-C. Gaudin que du temps de la municipalité de gauche d’aujourd’hui, conduite par M. Rubirola. Mais il nous faut aussi parler de ce qu’est devenu le quotidien de l’espace urbain marseillais.
Un paysage urbain vide
Sans doute est-ce ce qui frappe au premier regard : devant les magasins éteints, devant les terrasses de cafés fermées, devant les kiosques à journaux endormis, on a l’impression d’une ville vide. Il ne s’agit pas seulement des commerces qui ne vivent plus, il ne s’agit plus seulement des attroupements interdits : au-delà, c’est la ville toute entière qui semble s’être vidée, qui semble être devenue une ville morte. Les conversations et les rencontres, qui sont une façon importante d’habiter pleinement la ville, sont devenues impossibles, les relations sociales ne peuvent plus se mettre en œuvre, les paysages de la ville sont devenus des cartes postales figées dans ce que l’on peut appeler un sommeil urbain. Le paysage urbain est devenu vide car il n’est plus animé par les passants, par les piétons, par les promeneurs, par tous ceux qui donnent à la ville la dynamique qui la fait pleinement exister. Dans ces conditions, on peut même se demander si la ville ne s’est pas vidée de ses habitants.
Des visages fermés
Les visages des habitants d’une ville font partie de son paysage : ils lui donnent sa vie, ils lui donnent les identités dont il est porteur, ils lui donnent les traits qui permettent de le reconnaître. Or, en temps de pandémie, dans ce temps au cours duquel il est devenu obligatoire de les porter, les visages sont enfermés derrière les masques. Cela conduit, d’abord, à une sorte d’uniformité des visages que l’on croise dans la rue. On ne peut plus reconnaître les visages, car ils sont cachés derrière les masques qui les enferment en les soustrayant aux regards des autres. Mais cette uniformité des visages manifeste aussi une sorte d’enfermement. Non seulement on ne peut plus reconnaître les visages ni distinguer les personnes que l’on est amené à croiser, mais les masques enferment les visages sous ces morceaux de tissu qui les recouvrent d’une sorte de prison.
Un quotidien confiné
Le confinement est, certes, une contrainte imposée par les pouvoirs pour lutter, disent-ils, contre la pandémie, mais surtout, il est une bride qui muselle le quotidien de la ville. On ne peut plus se déplacer dans la ville sans être muni d’une justification de son déplacement, on ne peut plus aller à la rencontre de ses voisins et, par conséquent, on ne peut plus donner au quotidien de la ville la sociabilité qui le fait vivre. Tout se passe, en ce moment, à Marseille, comme, sans doute, dans toutes les villes, comme si les habitants n’étaient pas seulement confinés, mais étaient enfermés dans leur quotidien, comme si habiter la ville consistait à y être enfermé. Sous le prétexte d’une prévention sanitaire contre une menace certainement largement surévaluée, les pouvoirs ont fini par inventer une nouvelle façon d’habiter la ville : l’habitat confiné.
Une ville morte
C’est toute la ville qui semble morte. Alors que Marseille, comme toutes les grandes villes, mais plus peut-être que d’autres, en raison de son identité méditerranéenne et de l’importance qu’y revêt, habituellement, la vie à l’extérieur, est une ville bruyante, une ville qui bouge, une ville que l’on habite par une forme d’agitation permanente, elle semble devenue, aujourd’hui, une ville morte. Ne nous trompons pas : ce ne sont pas seulement les femmes et les hommes qui sont menacés par la pandémie, mais c’est la ville toute entière qui semble atteinte de la maladie, qui semble avoir contracté le virus. Marseille semble une ville qui a cessé de vivre, une ville qui a fini par oublier comment on fait pour vivre pleinement l’urbanité. Surtout, si Marseille semble devenue une ville morte, c’est que la ville, dont la mémoire est faite de résistances et de luttes contre les pouvoirs, semble ne plus être une ville engagée, semble ne plus agir contre ces pouvoirs qui l’empêchent de vivre. Il est temps, aujourd’hui, que la ville se libère de ce sommeil et de cette mort, il st temps que Marseille retrouve sa culture de résistance et de combat pour la liberté. C’est le quotidien de la ville qui doit retrouver la liberté de la parole et de la rencontre des autres.
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