Dans les hémicycles locaux, la tentation d’une démocratie à distance des journalistes
Au nom de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, les collectivités chamboulent l'organisation de leurs séances plénières. Organisées pour certaines en visioconférence, elles peuvent désormais déroger à un principe d'ordinaire intangible : interdire l'accès à la salle, y compris aux journalistes. Une tendance qui limite l'information du public sur la démocratie locale.
Le vice-président de la métropole Frédéric Guinieri lors du conseil métropolitain du 15 octobre. (capture d'écran)
Tenir la presse hors des conseils municipaux ? La question est d’ordinaire limitée à quelques cas d’inimitiés bien senties entre un maire et un journaliste et, le plus souvent, réglée après un rappel de la loi : la démocratie s’exerce en public et à découvert. Mais, depuis l’épidémie de Covid-19, cette mesure barrière tend à s’installer dans les collectivités locales. Sous couvert de retransmission en direct, les reporters ont par deux fois été invités à se contenter de ce visionnage à distance.
La question ressurgira dans les jours qui viennent avec les huit conseils d’arrondissements, qui doivent voter leur budget avant le prochain conseil municipal de Marseille, reporté du 9 novembre au 23. Cette fois-ci, c’est le confinement qui motive l’absence d’accueil du public. “Mais la presse sera la bienvenue”, précise-t-on à la mairie des 4e et 5e arrondissements. Idem à la mairie des 13/14, où l’on s’imagine difficilement refuser l’accès à un citoyen qui se présenterait. Dans un premier temps, c’était pourtant une fermeture totale qui avait été prévue, comme l’écrivait La Provence le 4 novembre.
Une loi pour prolonger la possibilité de huis clos
De part et d’autre, on souligne que le sujet est épineux, avec entre 40 et 50 personnes à installer, en comptant seulement les élus et l’administration, dans des salles non adaptées. “L’ensemble des dérogations mises en place après le premier confinement ont sauté [depuis le 30 octobre, ndlr]. Il n’est notamment plus possible de tenir le conseil dans un autre lieu, comme un gymnase. On se retrouve à faire comme si de rien n’était. Mais l’idée est quand même que personne ne tombe malade”, glisse-t-on du côté des 4/5. Pour limiter les risques, l’ordre du jour a été limité au seul rapport obligatoire, le budget, tandis que la majorité des 13/14 réduit sa présence par deux en ayant recours à des pouvoirs.
Mais les multiples dérogations appliquée au printemps, qui concernent donc le nombre de personnes admises, le lieu ou le choix d’une visioconférence, vont être rétablies très rapidement, après le vote d’une loi sur la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, en attente d’examen par le Conseil constitutionnel. Les chefs d’exécutifs locaux pourront ainsi décider que la séance “se déroulera sans que le public soit autorisé à y assister ou en fixant un nombre maximal de personnes autorisées à y assister. Le caractère public de la réunion sera réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.” L’inconnue demeure pour le conseil municipal de Marseille. L’opposition de droite a fait pression pour qu’il se tienne en visioconférence avant que la majorité ne décide de le reporter. Impossible le 9 novembre, cette modalité pourrait être de nouveau autorisée le 23.
Une option choisie à la métropole et au département
Le 15 octobre, pas de flou : les dérogations s’appliquaient encore pour le conseil métropolitain. L’équipe de Martine Vassal (LR) a donc pu organiser une séance au format inédit : une visioconférence depuis six points du territoire, pour répartir les 240 élus impossibles à caser au Pharo dans de bonnes conditions. Mais rien ne l’obligeait à fermer les tribunes presse de l’hémicycle qu’elle préside. Deux jours plus tôt, lors du conseil de territoire Marseille-Provence, l’accès de ce même espace était d’ailleurs ouvert. En guise de compensation, une salle de visionnage était proposée, en compagnie des attachés de presse… C’est toutefois oublier que le reportage vaut aussi dans les hémicycles locaux, où l’observation des faits et gestes dépasse le cadre d’un écran de visioconférence. Difficile de saisir une intervention micro coupé et hors champ, comme cela arrive souvent en séance, qu’il s’agisse d’une apostrophe ou d’un bavardage… Aux questions de La Provence sur cette restriction, le service de presse se rangeait derrière des consignes préfectorales. La préfecture dément pourtant avoir abordé ce sujet spécifique.
L’absence d’accès direct aux élus renforce une communication maîtrisée, centralisée
Même constat pour la séance du 23 octobre au conseil départemental. “En raison du contexte sanitaire, les journalistes et le public ne pourront pas être accueillis”, précisait l’invitation, sans plus de justifications. Comme en attestait la vidéo, une partie des élus étaient pourtant présents dans l’hémicycle. A contrario, alors que le cadre réglementaire était le même, la séance du conseil régional présidée en présentiel par Renaud Muselier (LR) était accessible le 9 octobre, de même que le conseil municipal du 5 octobre présidé par le premier adjoint Benoît Payan (PS). Sollicité, le département n’a pas encore répondu à notre requête.
Certes, le travail des journalistes peut s’exercer à distance, par téléphone ou via les services de presse. Mais fouler l’entrée d’un hémicycle, c’est aussi croiser les adjoints, élus d’opposition, fonctionnaires, avec la chance qu’une interpellation directe porte davantage qu’un message sur répondeur. Cette absence d’accès aux personnalités politiques obère la spontanéité et certains apartés, renforçant le poids d’une communication maîtrisée et centralisée autour des chefs d’exécutifs locaux.
Déjà, avant la crise sanitaire, dans certaines collectivités, les conditions pratiques d’organisation tendaient à limiter les points de contact avec les élus, de la majorité comme de l’opposition. Au conseil départemental, la tenue d’une commission permanente, seconde séance à huis clos, à la suite de la séance publique, empêchait tout débriefing ou demande de précision directe. À la métropole, quelques mois avant la crise sanitaire, un accès différencié entre la presse et les élus avait été mis en place, avec un cloisonnement des espaces. Restait à faire le pied de grue devant le siège, à supposer qu’une berline ne dérobe pas l’interlocuteur souhaité dès le perron. Sur ce plan aussi, le Covid-19 ne fait qu’amplifier l’existant.
Commentaires
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Oui sans doute la démocratie à distance n’est pas bonne. Mais vraiment est ce nécessaire de poser des questions à nos élus qui très souvent sortent énormités sur énormités , pour ne pas dire autre chose. Et en la matière nous sommes servis , entre Muselier, Vassal, Pila, Caradec, Boyer, Payan ,Ghali, Mélanchon ( il paraît qu’il est député de Marseille malgré qu’il soit aux abonnés absents), sans oublier nos chers disparus de la scène publique tels que les Moraine et consorts.
Amis journalistes , je dis bien journalistes car vu le niveau de la presse locale ( je ne parle pas ni du Râvi , ni de Marsactu) qui ni ne traduit, ni ne décortique ce que nos lumières locales nous abreuvent en imbécilités ou en contre vérités .
Cette distanciation n’est finalement pas si négative , si bien utilisée pour décortiquer, analyser, contredire, vérifier les allégations voire les mensonges de nos politiques.
Prenons exemple sur les Etats -Unis où la presse a vérifié point par point les délires mensonger de Trump.
C’est sûr” La Provence” ou “La Marseillaise” ne sont pas “Le Post”, mais il y a tellement matière entre la mairie, la région, le département , et autres satellites .
La liberté de la Presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas , il suffit de faire bon usage de ce vieil adage.
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Il est très utile de poser des questions à « nos » élus. Cela permet de faire apparaître , souvent leur ignorance, leurs contradictions, Etc.
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La future loi sur la “sécurité globale” concerne pour l’instant des restrictions, notamment du métier de journaliste, sur la publication et l’information de l’activité des flics en général…..bientôt nos élus, peut être, seront “protégés” aussi…
j’anticipe peut être, mais…..
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Et bien il existe une procédure en droit qui s’appelle en Droit la question prioritaire de constitutionnalité .
Que les syndicats de journaliste la fassent jouer, c’est leur droit
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Sans aller jusque là, la question de la validité juridique des délibérations qui seront prises par ces conseils, sans la présence du public (et ses interventions éventuelles) reste posée. L’UVPM semble ignorer que l’accès du public aux débats des élus n’est pas une option ; c’est une règle démocratique que les préfets sont tenus de faire respecter dès lors que les moyens existent pour l’informer voire le faire participer. Contrairement au travail à distance, ici, la technique est éprouvée. Dans le cadre de la « planification », Bayrou aurait même pu proposer de donner les moyens à chaîne LCP (canal 13 de la TNT) de retransmettre ces débats, quitte à réquisitionner les moyens locaux. Mais bon, en termes de réactivités, ce gouvernement nous a montré tout ce qu’il pouvait ne pas faire.
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Cette épidémie ne semble pas prête de disparaitre même si quelques lueurs d’espoir apparaissent comme le vaccin de Pfizer. Je crois qu’il va falloir réfléchir “outside the box” au problème de la participation des citoyens et de leurs “représentants” (les médias) aux décisions des dirigeants élus par le peuple. Peut être qu’il faut profiter de cet énorme isolement et de la tendance naturelle des politiques de faire les choses en catimini, pour justement ouvrir les fenêtres et les portes au sens figuré mais aussi au sens propre?
Hors contexte COVID, les gouvernants ont trop l’habitude de travailler en huis clos et de venir tout d’un coup et de temps en temps faire des déballages lors de ces assemblées. Il faut qu’ils apprennent à devenir plus transparents au fil de l’eau, et notamment, à faire participer les citoyens à la construction des projets voire à leur mise en oeuvre. Il n’y a pas un conseil municipal outre atlantique qui ne soit pas filmé et enregistrée en vidéo interne. Les caméras ne sont pas que sur les têtes des élus. Dans les conférences sur ZOOM, il y a des pages “conversation” ou “question réponse” où les participants posent des questions et échangent. Pourquoi on n’utilise pas ça en laissant l’accès au public? S’ils veulent sécuriser l’accès, sur la page d’accueil de la mairie ou de la métropole ou de l’élu, ils donnent la possibilité de s’inscrire pour avoir accès au débat. S’ils ne savent pas faire, il y a des experts dans les universités qui peuvent les aider. C’est vrai que la chaine parlementaire ou certaines chaines locales peuvent être mobilisées aussi.
Les journalistes peuvent poser des questions plus en aparté dans le feed de la conversation sur ZOOM de personne à personne, à l’opposition ou les gens au pouvoir. Il faut apprendre à faire autrement.
Parfois on se met à regretter les forums romains ou grecs et les agoras en plein air. Pourquoi ne pas s’en inspirer d’ailleurs occasionnellement? Avec ce virus, il faut s’espacer et ventiler. C’est vraiment bizarre de ne pas disposer entre l’université, les espaces de congrès, et les espaces ouverts en rooftop d’hotels etc. de lieux vastes pour ventiler et ne pas être agglutinés? Est ce qu’on ne peut pas profiter de tout le patrimoine de bric et de broc de la municipalité, pour soit réparer des salles d’écoles, ou construire des espaces de presentation et dialogues avec les médias ou public qui soient plus adaptés au COVID et autres virus à l’avenir, et équipés de caméras pour voir tout et communiquer? Il y a surement des consultants qui peuvent aider, et on peut regarder coté américain où ils sont en avance.
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Il ne vous aura pas échappé que nous sommes dans un pays où ceux qui nous représentent font tout pour éviter de consulter « ceux qui ne sont rien ». Ce serait pourtant un bon moyen pour faire évoluer la participation. Probable que l’entre-soi favorise le rejet de la chose Politique et que tout ce petit monde y trouve un intérêt : conserver sa place en noyant le débat de fond dans le compromis.
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Aparté ??!! :
merci et soutien aux journalistes de marsactu qui ont signé la tribune collective contre les dispositions liberticides de la future loi sur la “sécurité globale !!
Fier de compter parmi les abonnés à ce journal, sérieux et digne.
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