La Ville de Marseille lance le chantier controversé de l’encadrement des loyers
La nouvelle majorité souhaite participer à l'expérimentation de l'encadrement des loyers sur son territoire. Ce dispositif permet de fixer un loyer plafond, variable selon les zones. Une mesure qui ne soulève pas l'enthousiasme des acteurs de l'immobilier qui déplorent déjà un marché bloqué.
(image LC)
L’annonce est opportune : quelques jours après l’hommage aux victimes des effondrements du 5 novembre 2018, lors du conseil municipal du 9 novembre, la Ville va se déclarer candidate à l’expérimentation de l’encadrement des loyers. Doublement opportune : au delà de la date symbolique, les collectivités et métropoles qui souhaitent participer à cette expérimentation devaient le faire dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi Elan, en novembre 2018. Il fallait donc que la Ville propose cette intention au vote ce mois-ci pour espérer qu’elle soit prise en compte. En quoi consiste-t-elle ?
“C’est d’abord une intention qui recoupe plusieurs sujets, détaille Patrick Amico, adjoint au logement. En attendant que la métropole se dote d’un plan local de l’habitat, nous avons besoin d’outils pour limiter les dérapages du marché, site par site. C’est ce que nous permet cet encadrement, qui fixe un montant maximum de loyer à ne pas dépasser pour un site donné. Cela contribue à réguler le marché quand il est tendu comme c’est le cas à Marseille.”
Ce dispositif d’encadrement est déjà testé à Lille et à Paris, notamment. Il permet de fixer par voie d’arrêté préfectoral, un prix moyen de location baptisé loyer de référence, et des loyers plancher et plafond qui se traduisent par un prix au mètre carré en fonction de la zone concernée.
“Un effet bénéfique, y compris sur les loyers les plus hauts”
Pour ses défenseurs, cet encadrement a l’avantage de faire baisser la part de revenus que les ménages consacrent à leur logement. “Les expérimentations menées à Lille et Paris montrent que cela a un effet bénéfique, y compris sur les loyers les plus hauts, constate Florent Houdemon, directeur de l’agence sud-est de la fondation Abbé-Pierre. Cela permet de faire baisser ce qu’on appelle le taux d’effort des ménages et d’éviter les effets de spéculations de certains propriétaires qui profiteraient de la raréfaction des biens mis sur le marché pour faire monter les prix.”
À long terme, cela permet d’éviter que le second marché de l’immobilier, celui des taudis, serve de recours aux ménages les plus modestes, incapables d’obtenir les garanties financières suffisantes pour se loger dans le cadre d’un bail classique.
Un point positif que les professionnels de l’immobilier sont loin de partager. Pour Jean Berthoz, qui préside l’union des syndicats immobiliers, la mesure ne répond pas aux soucis du marché : “La réalité est que nous sommes dans une raréfaction de l’offre, explique le syndic, de père en fils depuis 1927. Cela n’a pas forcément d’effet sur les prix. En revanche, que les demandeurs aient du mal à trouver, c’est certain. Mais le risque d’un prix plafond, c’est que toutes les offres s’y conforment.”
“Le marché s’autorégule”
Son collègue de la fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), Didier Bertrand est sur la même longueur d’onde. “Le marché s’autorégule. Il vaut donc mieux encourager les propriétaires à rénover leurs logements pour les remettre sur le marché, améliorer leurs qualités, notamment en matière d’économie d’énergie plutôt que d’encadrer les loyers.”
Et ce d’autant plus qu’il existe déjà un dispositif d’encadrement des loyers à Marseille comme dans les grandes villes à marché tendu. Celui-ci prévoit de ne pas augmenter de loyer entre deux locataires sauf si le logement est neuf ou qu’il n’a pas été loué depuis plus de 18 mois.
Pour les agents immobiliers, la mesure risque de stigmatiser les propriétaires “comme des vilains capitalistes”, en les encourageant à investir ailleurs. “Or moins il y a d’offres plus il y a de problèmes”, formule Didier Bertrand. Sur ce point tous les acteurs tombent d’accord : l’ensemble des problèmes du secteur vient d’un marché grippé. “Il faut construire plus de logements sociaux, plus de logements intermédiaires, maintient Didier Bertrand. Tant qu’on ne fait pas ça, le parcours résidentiel ressemblera toujours à un escalier dont les marches sont trop hautes.“
Du côté de la Ville, Patrick Amico reste très prudent : “Il s’agit là d’une mesure parmi d’autres qu’il va falloir élaborer avec l’ensemble des acteurs. Et notamment l’ADIL (association départementale pour l’information sur le logement) qui a construit un observatoire des loyers qui nous sera très utile pour savoir quels sont les secteurs en tension.”
L’initiative passera également par un acteur majeur de ces questions d’habitat : la métropole. En effet, la délibération soumise au vote prévoit que la Ville “sollicitera la métropole au titre de ses compétences afin de proposer ce dossier aux services de l’État”. C’est à la métropole que reviendra la responsabilité de donner suite à cette initiative. Un nouveau dossier dans la pile en attente entre les deux institutions.
Commentaires
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Déclaration d’intention très politique mais pour le moment j’imagine mal la métropole y souscrire, peut-être à tort…. 🤔
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l’encadrement des loyers ne concerne pas la Métropole
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Afin d’éviter les abus spéculatifs et inflationnistes dans les taudis il serait également judicieux que ce soit les locataires qui perçoivent l’allocation logement comme c’était bien le cas autrefois et non pas les propriétaires.
J’aimerais bien savoir quel est le gouvernement qui a décidé de ce versement de l’allocation logement aux propriétaires.
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“Il est admis que l’aide personnalisée au logement (APL) est directement versée au propriétaire suite à la demande du locataire. … Cependant, le propriétaire est en droit de demander à la Caf que ces aides lui soient transmises directement.15 juin 2016”
Je me disais aussi: “Il y aurait du socialiste dans cette histoire que ça ne m’étonnerait pas”. Ceci dit cela arrive probablement après pas mal d’abus.
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Et de la sorte cela exerce un moyen de pression sur le propriétaire en cas de logement indécent/insalubre. Après à Marseille on a détourné le concept au profit des cafistes prospérant sur la misère humaine : https://www.leboncoin.fr/recherche/?category=9&text=CAF&locations=Marseille__43.29286520531904_5.413538501072585_10000
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Très bonne idée
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