La justice liquide une deuxième fois le salon d’art contemporain d’Aix-en-Provence

Enquête
le 29 Oct 2020
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Dans un jugement inédit du mois de juillet, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence estime que les deux associations qui ont successivement organisé le Smart'Aix n'en font qu'une et doivent être toutes deux liquidées. Le salon affiche une dette de 95 000 euros.

Un stand du salon Smart
Un stand du salon Smart'Aix 2019. Photo Clara Martot.

Un stand du salon Smart'Aix 2019. Photo Clara Martot.

L’été s’est terminé comme il avait commencé pour le salon d’art contemporain d’Aix-en-Provence. Mal. Fin août, le Sm’art était contraint d’annuler une édition 2020 qu’il avait d’abord repoussée du traditionnel mois de mai à mi-septembre. Cruel pour une manifestation qualifié de “grand événement” par la mairie et qui accueille chaque année près de 25000 visiteurs au parc Jourdan. Précédemment, le 17 juillet après une audience du 26 juin, le tribunal judiciaire confirmait que les organisateurs successifs du Sm’art étaient bien co-responsables d’une dette de 95 000 euros auprès d’une dizaine de fournisseurs.

La liste de ces derniers mélange des petites entreprises et des plus grosses, comme JC Decaux ou Lagardère, pour quelques milliers d’euros chacun. Elles travaillent notamment dans la communication ou la sécurité. “Les victimes sont essentiellement de petites boites, des artisans. C’est ça qui est très désagréable”, note un proche du dossier. La conclusion de cette décision judiciaire correspond peu ou prou à une deuxième liquidation judiciaire. L’association Smart organisation, qui pilotait les salons de 2017 à 2019, rejoint sa prédécesseure Art tension dans la procédure de liquidation initiée en 2018.

“Confusion manifeste”

Pour la justice, le changement d’organisateur effectué en 2016 avait tout d’un maquillage pour échapper à la banqueroute. Du jour au lendemain, les supports de communication, le mail de contact, le site et le même le numéro Siren – qui identifie une entreprise – menaient à une nouvelle structure.

“Il y a eu confusion manifeste entre les comptabilités des deux associations. L’association Sm’art organisation a manifestement repris à partir de juin 2016 l’activité de l’association Art tension qui se trouvait en difficulté auprès des fournisseurs”, estime le jugement dont ni l’association Sm’art organisation, ni Christiane Michel, successivement présidente des deux associations, n’ont fait appel.

Cette dernière nie pourtant toute fuite en avant. “Sm’art organisation a été créée des années plus tôt. Elle ne visait pas à gérer le salon mais à réfléchir à d’autres événements sur le territoire. Par exemple, la mairie de Saint-Cannat voulait une biennale de la sculpture. Puis en 2016, elle a récupéré l’organisation du Sm’art parce que ses membres ont trouvé l’organisation trop lourde”. À l’époque, les dirigeants des deux structures sont pourtant les mêmes. “Parce qu’il n’y avait rien de conflictuel”, jure Christiane Michel.

La dirigeante a contesté la plupart des points contenus dans le jugement devant le tribunal, sans succès. De manière générale, elle refuse que sa probité soit mise en cause : “On ne fait pas des salons pendant quinze ans si on ne paie pas ses fournisseurs”. Pour elle, le passif  s’élevait à moins de 50 000 euros auxquels correspondaient autant de créances à recouvrer auprès de galeristes et non à 95 000 comme présenté par le liquidateur, Vincent de Carrière. Et les sociétés concernés auraient toutes eu une bonne raison pour ne pas être payées. “Il y a des sociétés dont le boulot est mal ou pas fait et d’autres qui déclarent une dette qu’ils n’ont pas “, assure-t-elle assurant ne pas avoir elle-même le détail des créances.

Flux financiers “anormaux” et “attitude malhonnête”

Quand la justice s’étonne de flux financiers “anormaux” entre les deux structures, Christiane Michel brandit “une convention” entre les deux structures. “J’ai demandé que des personnes d’Art tension viennent en aide à Sm’art organisation en 2015. La convention détaillée correspond à l’organisation par Art tension sur la partie haute du parc Jourdan”, assure-t-elle. Quant à un autre chèque de 59 000 euros versé par Sm’art organisation à l’autre structure en “dédommagement” de la perte de l’organisation du salon, il est prévu par un procès-verbal signé par la mauvaise association. Face à cet enchevêtrement des deux structures, le tribunal a jugé que tout cela restait “inexpliqué”. Pire, il a remis en cause la probité de la défense notant “un défaut de loyauté et une attitude malhonnête” après s’être aperçus que des relevés bancaires étaient manquants ou falsifiés.

L’association Sm’art organisation, qui a cessé son activité en 2019, n’a aujourd’hui, selon Christiane Michel “pas les moyens” de rembourser les 95 000 euros de dettes. Malgré son chiffre d’affaires, le Sm’art, jure-t-elle, “ne fait pas de bénéfices, 7000 euros tout au plus”. Elle est toujours en contentieux avec une autre société, Locaboxe, qui a installé les chapiteaux de plusieurs éditions du salon et présenté à Sm’art organisation une facture de 95 000 euros. L’association refuse de s’en acquitter estimant que sa prestataire a dégradé le parc Jourdan et c’est de nouveau la justice qui devra trancher.

Une entreprise a déjà pris le relai

Cela n’empêchera en tout cas pas le Sm’art de se poursuivre sous la bannière d’une société fraîchement créée. Arty Events a géré le salon 2020 avorté et prépare déjà l’édition 2021. Bis repetita, les mêmes supports de communication, le mail de contact,  le site et surtout les recettes du salon mènent désormais à cette troisième structure. Pour revoir leur argent, les créanciers n’auraient désormais d’autre choix  que de se retourner contre cette entreprise, dont Christiane Michel possède 70% des parts.

“Quand on a su qu’il y avait une demande d’extension de la liquidation judiciaire, mon avocat m’a dit que si je voulais continuer le salon, il fallait créer une société. J’ai échangé avec la maire pour voir si ça ne posait pas de problème et c’est ce que j’ai fait”, explique-t-elle. L’actionnaire majoritaire n’a pourtant pas prévu d’y rester longtemps. Elle s’imagine désormais “vendre l’affaire ; par exemple, trouver un repreneur d’ici un an ou deux”. Une transaction qui aurait été impossible avec le statut d’une association.

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Commentaires

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  1. jasmin jasmin

    Il y a des choses que l’article laisse à la compréhension du lecteur, et que je ne comprends pas. La maire d’Aix a laissé faire ces changements de raison sociale, sachant qu’il y avait de multiples petits artisans et commerçants non payés par “l’association”? Le juge a accusé les avocats de la défense de cacher des preuves et mentir??? Et puisque l’association est devenue maintenant une societe privée et que son proprietaire veut la vendre, pourquoi on ne peut saisir sur cette societe privée la somme qu’elle doit à ses victimes?

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    • Jean-Marie Leforestier Jean-Marie Leforestier

      Bonjour,
      Vous ne comprenez pas mais vous comprenez très bien !
      1/ oui, la maire d’Aix garde sa confiance au salon
      2/ le juge a estimé qu’il manquait des pièces et que d’autres avaient été falsifiées
      3/ pour poursuivre la société, il faut faire la même demande d’extension que celle qui a permis d’inquiéter la 2e association.
      J’espère que cela répond à vos questions.

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  2. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    La société Arty Event, qui gère désormais le salon, a été immatriculée le 1er juillet 2019, quelques jours seulement après après l’assignation en liquidation judiciaire de l’association Smart Organisation par Vincent de Carrière. De fait, l’actif de l’association a donc été soustrait, dans des conditions que la justice élucidera, à une société privée détenue majoritairement par la présidente de l’association qui prétend, dans cet article, avoir reçu l’aval de son avocat et de la maire d’Aix, qui seront sans doute heureux de découvrir une telle mise en cause. Car cette nouvelle manœuvre ouvre la voie à deux actions distinctes :

    1) Une action en comblement de passif, régie par l’article L.651-2 du Code de commerce qui dispose que : « Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. »

    2) Une poursuite pénale pour délit de banqueroute conformément aux L. 654-1 à L. 654-7 du Code de commerce, qui prévoit une peine de 5 ans de prison et une amende de 75 000 euros lorsque deux conditions sont réunies :

    a) une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire a été ouverte (c’est le cas) ;

    b) il est constaté l’un des faits suivants de la part de la personne :

    - la personne détourne ou dissimule tout ou partie de l’actif du débiteur ;
    - la personne tient une comptabilité fictive ;
    - la personne fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ;
    - la personne n’a pas tenu de comptabilité alors que la loi l’y obligeait ;
    - la personne tient une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard de la loi ;

    (Faits que le jugement du 17 juillet, devenu définitif, fait plus que suggérer en relevant notamment la falsification de pièces et un actif distinct du passif.)

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    • Jacques89 Jacques89

      J’ai l’impression de revivre l’affaire Bygmalion! Z’auraient pas été conseillés par Sarko tous ces gens?

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  3. Marianne Bartoli Marianne Bartoli

    Enfin ! Il en a fallu des années d’escroquerie cumulées pour que Christiane Michel soit démasquée. Ceci dit, elle ne perd pas le nord, égale à elle-même, à toujours rebondir et trouver une justification à ses délits. J’en sais quelque chose : je l’ai traînée devant les tribunaux dès la deuxième édition du SMart. Sa mauvaise foi m’avait agacée et convaincue que cette bonne femme escroquait tout le monde.
    Bien que condamnée, son association n’a jamais réglé la dette…

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