Maryse Joissains, maire d’Aix en sursis de retour devant la cour d’appel

Actualité
le 20 Oct 2020
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Devant la cour d'appel de Montpellier, la défense de Maryse Joissains a tout tenté pour éviter une peine d'inéligibilité qui l'obligerait à quitter son fauteuil de maire. Décision le 7 décembre.

Maryse Joissains au palais de justice de Montpellier le 19 octobre 2020 (Image JML)
Maryse Joissains au palais de justice de Montpellier le 19 octobre 2020 (Image JML)

Maryse Joissains au palais de justice de Montpellier le 19 octobre 2020 (Image JML)

“Nous sommes dans un débat particulier car nous n’abordons pas les faits qui sont déjà jugés”, explique le président Pons. Étrange procès que celui d’une coupable. Maryse Joissains revient devant la cour d’appel de Montpellier ce lundi 19 octobre. La maire LR d’Aix-en-Provence est en effet définitivement condamnée pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics. L’audience du jour vise seulement à savoir si la peine de six mois de prison avec sursis et l’inéligibilité d’un an doivent être confirmées. La cour de cassation a en effet cassé l’arrêt de la cour d’appel en estimant qu’il n’était pas assez justifié.

Cette erreur de droit a permis à Maryse Joissains de se présenter à sa propre succession à la mairie d’Aix. Face à la députée La République en marche Anne-Laurence Petel et au rassemblement de gauche Aix en Partage, elle l’a emporté en juin au second tour avec 43 % des voix. Mais la justice, en maintenant une peine d’inéligibilité, pourrait cette fois lui faire perdre son poste.

Malgré l’enjeu, l’élue arrive sereine à la barre du tribunal, persuadée depuis le début que l’affaire fruit d’une longue instruction est le fruit d’un complot politique et d’un emballement judiciaire.“Mes avocats vont plaider sur le fond”, jure-t-elle. Les éléments sont pourtant gravés dans le marbre judiciaire : Maryse Joissains n’aurait pas dû accorder une promotion turbo à un fidèle parmi les fidèles, Omar Achouri, son chauffeur et conseiller. Elle n’aurait pas davantage dû embaucher à la communauté du pays d’Aix une conseillère, Sylvie Roche, en charge de la protection animale alors même que cette compétence n’entrait pas dans celles de la communauté de communes. Ces faits, le président les rappelle tout de même en détails car c’est bien leur nature qui doit guider la cour vers une éventuelle peine d’inéligibilité.

Maryse Joissains ne peut s’empêcher de plaider à nouveau une promotion qu’elle juge “recommandée” pour Omar Achouri et une embauche “nécessaire” pour Sylvie Roche. Le président l’interrompt rapidement : “les faits sont constants”. “J’ai jamais eu un marché public reproché, il n’y a pas d’emploi fictif, il n’y a pas d’enrichissement personnel et il n’y a pas de préjudice pour la collectivité”, reprend Maryse Joissains pour défendre sa probité. Une fois que la maire a terminé son discours, le procès touche déjà à sa fin : parole à l’avocat général et la défense conclura.

“Le procès du clientélisme”

“Ce dossier, c’est principalement à mes yeux le procès du clientélisme”, pose d’emblée Pierre Denier. Le représentant du ministère public concentre son propos sur le sort réservé à Omar Achouri : “Ce qu’on peut vous reprocher, cette embauche avec la commission d’une erreur manifeste d’appréciation avec des liens d’amitié qui sont en jeu. Et c’est là qu’on rejoint la notion de clientélisme.” Il estime que l’homme avait une influence chez “les rapatriés d’Algérie”, ce qui aurait pu profiter électoralement à Maryse Joissains. Il cite la déclaration des droits de l’homme et du citoyen : “tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.”

Sans accabler davantage la maire, il finit par requérir le maintien de la première décision de la cour d’appel : “Je demande la confirmation de la peine avec sursis. Ça peut être abaissé à quatre mois avec sursis. S’agissant de l’inéligibilité, […] je pense sincèrement que vous êtes au plancher de la peine. Je demande de ne pas descendre sous ce seuil.”

“Le pilori, c’est l’inéligibilité”

En défense, l’avocat de Maryse Joissains, Mario Stasi évoque “une affaire sale qui concerne une élue propre”. Il conteste tout clientélisme – “on est sur une erreur manifeste d’appréciation” – et réclame “une dispense de peine. Pas de préjudice pour la ville et la communauté du pays d’Aix, remise des choses en état [après décision de la justice administrative, Omar Achouri a perdu le bénéfice de sa promotion, ndlr], insertion de la personne condamnée. Les éléments sont réunis !”

Nouveau venu dans la défense de Maryse Joissains, Michel Pezet, lui-même ancien député socialiste et ex candidat à la mairie d’Aix, l’admet. Il ne se “bat plus” sur la peine de prison avec sursis mais il tente de sauver sa cliente de l’inéligibilité : “Pour un élu, rien n’est pire que cette gifle publique. C’est le fer rouge, le pilori. Le pilori c’est pas 3 mois avec sursis, c’est l’inéligibilité.” Rappelant les “X élections” remportées par Maryse Joissains, il appelle enfin à “ne pas contrecarrer la libre expression de l’opinion du peuple”. La cour d’appel rendra sa décision le 7 décembre. En cas de décision défavorable, Maryse Joissains a déjà annoncé qu’elle se pourvoirait en cassation, retardant ainsi la fin de son affaire et repoussant inévitablement un éventuel départ de la mairie d’Aix.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Etait-il indispensable que Mme Joissains, lestée d’une reconnaissance de culpabilité pour détournement et prise illégale d’intérêts, se présente – à 78 ans – aux élections municipales ? Sans aucun doute, puisqu’elle est indispensable, comme tant de locataires des cimetières.

    Etait-il indispensable que tant d’Aixois votent pour un tel personnage ? …

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    • Alceste. Alceste.

      Cher 8 e votre question résume le mystère auquel nous sommes confrontés à chaque élection. Pourquoi Joissains, pourquoi Gaudin, pourquoi Povinelli en son temps , etc.
      Tous avec des comportements plus que limites et condamnés pour certains. Balkany étant le cas extrême.
      Et pourtant , ils passent. Ce mystère ne peut relever de celui du sexe des anges car ils n’en sont pas, des anges.

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    • Jacques89 Jacques89

      « pas de préjudice pour la collectivité » C’est qui qui paie les avocats ? C’est qui qui paie les fonctionnaires ?
      Espérons que ses électeurs se jugent aussi « sur le fond ».

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  2. jasmin jasmin

    Donc en gros, elle est coupable de clientélisme, et quelque soit la réponse dans ce procès d’appel, elle ira en cassation, et cela va durer jusqu’a la fin de son mandat. Donc tout ça pour rien avec l’argent du contribuable. Super. Et les gens d’Aix votent à 40% pour elle pour qu’elle puisse caser leurs enfants, cousins et eux-mêmes dans des postes payés par le contribuable. Génial. Finalement, à part la démocratie qui perd sa face encore une fois, ce sont les gens dans l’opposition à cette dame, manifestement QUE 60% des Aixois qui n’ont pas droit aux largesses? Donc, si leur municipalité tourne à gauche, c’est eux qui en bénéficieront au detriment des gens de droite? Dans ce cas, franchement, ils peuvent continuer leur mic-mac et on va hausser les épaules à penser à qui est finalement le moins pire.

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  3. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    Les élu(e)s comme les très riches ont des possibilités que le citoyen moyen-celui qui écrit et/ou celui qui lit ce message-n’ont pas.
    De plus en ce qui concerne les élus, militons pour que les élus ne fassent que deux mandats. Ils ne nous représenteront que mieux.
    Mais en ces temps de virus décapiteurs peut-on espérer que cela change ??

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  4. pascal pascal

    Enquête, jugement, appel et cassation, les procédures sont trop longues. A minima il serait souhaitable que l’élu jugé coupable doive rembourser les rémunérations indument perçues depuis le 1er jugement. Rien que ça cela les aiderai réfléchir.

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  5. Manipulite Manipulite

    Sa fille prendra la suite après le père puis la mère… Leur argument: “nous sommes élus donc nous avons raison” Etonnant que cet argument serve à justifier le clientélisme, le népotisme et la gabegie voire les détournements de fonds publics.
    La justice est molle et lente et dans cette affaire elle a été d’une rare incompétence dans la fixation de la peine. Les avocats stars sont payés sur argent public .Savoureux de voir que Pezet candidat contre Joissains par le passé vienne en défense. Les Aixois n’ont pas non plus l’opposition qu’ils méritent .

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    • Jacques89 Jacques89

      “Etonnant” dites-vous?
      Les exemples ne manquent pourtant pas. JML en donne un ci-dessous, mais si vous commencez à faire la liste, cette page n’y suffira pas. D’ailleurs je ne serais pas “étonné” que le prochain maire d’Aix se réfère à Muselier pour s’octroyer un agrément qui court-circuitera tous les schémas de recrutement traditionnels. Votez braves gens votez!

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  6. Assedix Assedix

    Je croyais pourtant que le pourvoi en cassation n’était pas suspensif. Vous êtes sûr qu’elle a les moyens de retarder encore une fois la procédure ?

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  7. Piou Piou

    “Pour un élu, rien n’est pire que cette gifle publique [qu’est l’inéligibilité]”
    Oui ben, c’est précisément le but.

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  8. LN LN

    J’ai comme l’impression que ça passe sous les radars, mais hier, nous avons appris la condamnation deginiti

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  9. LN LN

    Oups…. Gros doigts !
    …Définitive en cassation de notre cher D. Tian pour ses comptes en Suisse et autres babioles qui vont le calmer pour un moment. Innegibilité, sursis et amende.
    Alors Maryse, On serre les fesses non ?

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  10. Alain PAUL Alain PAUL

    Il aurait suffit que les deux listes LREM & gauche se soient unies pour gagner, c’était écrit
    On sais qu’Aix n’est pas une ville de gauche, une coalition était raisonnable
    Mais ils ne voulaient pas gagner et Maryse, la combattante, est restée
    Tant pis pour eux

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