Le couvre-feu sanitaire met un coup de froid sur la métropole Aix-Marseille
Reçus par le préfet jeudi après les déclarations du gouvernement, les représentants des collectivités locales ont réagi à l'annonce du couvre-feu. Chacun joue désormais sa partition politique, de l'opposition frontale à l'accompagnement responsable.
Le couvre-feu sanitaire met un coup de froid sur la métropole Aix-Marseille
L'enjeu
Représentants patronaux et élus avaient rendez-vous avec le préfet ce jeudi pour connaître le détail des mesures instituant le couvre-feu dans 90 communes du département.
Le contexte
Entre ceux qui s'opposent à une mesure qui "tombe d'en haut" et ceux qui souhaitent l'accompagner pour en limiter les effets délétères, l'annonce du couvre-feu jette un froid dans l'arène politique.
Le mistral a beau balayer le parvis de la préfecture en bourrasques folles, Maryse Joissains les affronte sans petite laine pour venir confier son amertume à la presse. “J’en pleure”, dit-elle, sans que l’on sache si ces larmes sont dues au vent ou à la nouvelle mauvaise nouvelle. À quelques semaines d’intervalle, les images se répètent presque à l’identique. Après une communication gouvernementale, le préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand faisait ce jeudi le service après-vente des décisions qui impactent tout le territoire. Hier, la fermeture des bars et restaurants, aujourd’hui le couvre-feu imposé pour quatre, voire six semaines.
“Je venais en tant que maire d’Aix qui allait défendre sa ville aux côtés de la maire de Marseille, explique-t-elle, pleine de dépit. Et je me suis aperçue très vite que, contrairement à la dernière fois, c’était toute la métropole qui était concernée”. Juste à côté, le président de l’union des maires, Georges Cristiani se désole : “C’est la métropolisation de la France”.
Le maire de Mimet comme celui de Cornillon-Confoux qui l’accompagne seront logés à la même enseigne que les capitales du territoire. Par voie de communiqué le maire communiste de Martigues, Gaby Charroux n’y va pas par quatre chemins : “Comme on ne prend pas le temps de discuter avec les maires et donc de discuter avec moi, je considère que l’État n’a pas besoin des moyens publics de la commune. Par conséquent, je ne demanderai pas aux agents de la police municipale de faire respecter ces décisions“.
Le débat Veran-Rubirola n’a pas eu lieuFrance 2 diffusait jeudi soir son émission “Vous avez la parole” depuis le Vélodrome. Le ministre de la Santé Olivier Véran y a notamment échangé avec la maire de Marseille Michèle Rubirola. Mais le débat n’a pas eu lieu. L’élue, qui avait choisi d’intervenir en duplex de l’hôtel de ville est apparue très mal à l’aise, peinant à faire valoir ses arguments, par exemple sur la condition des personnes les plus précaires. Seul coin enfoncé sur les moyens pour l’AP-HM où Olivier Véran a fini par admettre que les 300 millions d’apport vantés à l’AP-HM étaient prévus avant la crise. Il n’a pas promis de moyens supplémentaires.
La métropole moins deux communes
Le couvre-feu en vigueur dès vendredi minuit s’appliquera à l’ensemble des communes de la métropole Aix Marseille Provence. “Sauf les deux communes qui ne sont pas dans le département : Pertuis dans le Vaucluse et Saint-Zacharie dans le Var”, souffle Jean-Luc Chauvin, le président de la chambre de commerce CCI-AMP.
“Un gouvernement d’amateurs”, grince-t-il, mâchoire serrée. Il était venu avec d’autres représentants du monde économique afin d’obtenir des réponses concrètes pour accompagner les mesures. “On n’a rien obtenu du tout, poursuit-il. On voulait savoir par exemple s’il y avait une possibilité de faire du dépistage dans les entreprises. Pas de réponse. Ou encore si la médecine du travail pouvait vacciner les personnels contre la grippe. Cela a donné lieu à une longue discussion entre représentants de la Dirrecte et de de l’ARS, sans qu’on ait de réponse précise“.
“De l’improvisation”
Les représentants patronaux doivent être reçus de nouveau ce vendredi. “Aujourd’hui, le préfet n’est pas en capacité de nous dire si le chômage partiel va concerner les salariés de la restauration qui ne travailleront plus le soir, reprend le patron. Ou si les entreprises qui font de la livraison pourront continuer à faire de la livraison samedi. C’est de l’improvisation“.
Tous continuent de louer la qualité d’écoute du préfet, sa capacité à entendre les revendications locales. “La dernière fois, on avait tapé fort, se rappelle Renaud Muselier (LR), le président de région. On avait tout de même obtenu un changement d’horaire sur la fermeture des bars, de 20 heures à 23 heures“. Ce coup-ci, la latitude du préfet était proche du néant et les coups de menton sont restés sous le masque.
“La nuit, la famille, l’entreprise”
Face à cette inflexibilité, chacun joue sa partition politique. Désormais Renaud Muselier apparaît tout en nuances face aux décisions du gouvernement qui est une réponse, pour lui “aux trois formes de Covid de cette épidémie : la nuit, la famille et l’entreprise. Les mesures qui sont prises visent à limiter la transmission la nuit et dans la famille“.
si on veut recommencer à vivre à Noël, il faut passer par là
Renaud Muselier
Visiblement convaincu par les chiffres de l’AP-HM et de l’ARS, ils évoquent un taux d’occupation de 40 à 45 % des lits de réanimation dans les hôpitaux marseillais, “avec des copains chirurgiens qui te racontent qu’ils déprogramment [des interventions]. On en est là. Si on veut recommencer à vivre à Noël, il faut passer par là”. Le président de région ne vitupère plus mais continue d’accompagner avec un nouveau plan de 60 millions “réaffectés pour traverser la crise” avec en priorité une participation de 40 millions au prêt à taux zéro de la banque publique d’investissement.
“Une décision qui tape à côté de la plaque”
À l’autre bord, la maire de Marseille, Michèle Rubirola (Printemps marseillais) continue de dénoncer une décision “qui tape à côté de la plaque et se trompe de cible“. Elle veut mettre en regard ces mesures avec la situation de l’hôpital public, une partition déjà suivie par l’équipe municipale depuis la reprise épidémique. “Qu’a fait le gouvernement pour développer les lits de réanimation, pour renforcer l’hôpital public qui manque de moyens ?, interroge-t-elle. Déjà au printemps, le gouvernement a confiné parce qu’il n’était pas prêt et qu’il n’avait pas de masque. Aujourd’hui, on continue de réagir avec un temps de retard en mettant par terre la restauration et le secteur culturel qui se relevaient à peine“.
Pour Michèle Rubirola, le gouvernement oublie “les milieux populaires”
Une critique déjà formulée le jeudi matin, sur France Bleu et à laquelle le premier ministre Jean Castex a répondu en rappelant qu’un lit de réanimation correspondait à du matériel, du personnel formé qui se recrute sur plusieurs années. La maire de Marseille ne veut pas oublier qu’elle est de gauche, en fustigeant une mesure qui “impacte les milieux populaires. Tous ceux qui sont déjà trop nombreux dans les transports en commun, forcés de vivre dans des logements trop exigus. C’est aussi tous ceux-là que le gouvernement oublie“. Parmi les mesures annoncées par le président Macron, figure notamment le renforcement des aides versées par la caisse d’allocations familiales au titre de l’aide au logement et au revenu de solidarité active.
Dans ce concert de réactions, manquait celle de Martine Vassal, présidente de la métropole et du département qui, à travers ses deux collectivités, contribue à l’accompagnement économique d’une part et sociale de l’autre. Dans la foulée de l’intervention présidentielle, ce mercredi, elle a annoncé vouloir réunir “l’ensemble des acteurs de l’économie, de la santé, des transports et de l’éducation, de manière à proposer un plan d’action qui permettra d’amortir au mieux les effets des mesures annoncées”. Dans un communiqué, elle appelle une nouvelle fois à “l’union sacrée” face à la crise sanitaire. Et veut en être la cheffe d’orchestre accordant autour d’elle “responsables des collectivités, le préfet et les partenaires sociaux”. Pas sûr que cet appel fonctionne à l’heure où chacun joue sa propre partition.
Commentaires
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Sur le fond, la maire Rubirola a raison: il faut réunir tous les acteurs économiques, sociaux, etc pour décider ensemble de comment affronter la situation. Le fait qu’elle ait été choisie comme leader d’un mouvement composé de toutes sortes de gens qui n’avaient jamais réussi à s’entendre relève déjà de la magie. Est ce sa timidité et sa maladresse devant les tenors et les débats qui finissent par lui faire gagner la situation? Si oui, peut être les uns et les autres vont finir par se lasser de crier à tout bout de champ, et se mettre autour d’une table organisée par elle, pour s’entendre? On peut espérer qu’ils seront sensibles à la vocation de cette femme médecin pour mettre en priorité numéro un la santé du public. Ce qui est dommage, c’est qu’on la pousse devant pour débattre avec le ministre de la santé qui a plus de billes et plus de capacités de débat, alors qu’elle serait sans doute plus dans son élément pour discuter dans les couloirs avec les décideurs. Elle devrait vraiment se saisir de sa maladresse d’orateur et plutôt de ses convictions personnelles louables pour remonter les manches et travailler sur le fond. En gros faire Angela Merkel marseillaise.
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Il y a quand même un déni de l’épidémie chez nos elus locaux qui pose problème.
Bien sûr, il ne faut pas lâcher sur l’hôpital public : la situation est catastrophique à cause du manque d’investissements depuis des années, reduction des “coûts” qui se traduit par une penurie de lits, de personnel, de matériel. Continuons à exiger des moyens conséquents pour l’hôpital et une valorisation des salaires de tous les metiers de la santé.
Mais, en attendant, il y a bien des mesures urgentes à prendre.
Certes, il y a “des trous dans la raquette” : dans certaines entreprises, aucune ou si peu de protection ; dans les ecoles, collèges, lycées, des centaines, des milliers d’enfants, d’adolescents, d’adultes qui se brassent, qui sont enfermés toute la journée à 25, 30 ou 35 par salle, que l’on ne pourra plus bientôt laisser fenêtres ouvertes.; dans les transports, une densité de personnes aux heures de pointe dans certains bus et metro inquiétante.
Mais, c’est bien lorsque l’on est sans masque que la contamination est la plus grande. C’est à dire lorsque l’on boit et mange.
Cette fermeture des bars, cafés et restaurants est terrible pour les gérants et employés.
Mais la crise va toucher tout le monde. Il va y avoir de la casse, terrible.
A cause d’une épidémie, d’une maladie grave. Cette réalité là, beaucoup ne veulent pas l’entendre. Nos gueguerres politico-regionalistes et autres colères catégorielles sont totalement surrealistes quand on voit ce qui se passe en Europe, en Amerique Latine…
Prenons un peu de hauteur, plus haut que la bonne mère et la tour cma-cgm.
Pour sortir du déni de réalité.
(Oui le gouvernement utilise l’épidémie pour… oui certains patrons utilisent l’épidémie pour… oui, mais épidémie d’une maladie grave et non maitrisée il y a.)
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Mme Rubirola a montré d’elle devant la France entière, hier soir à la télé, une image unanimement saluée pour son amateurisme et son impréparation. C’est catastrophique. Il est temps de se ressaisir, et de travailler le fond comme la forme.
On a le droit de ne pas être à l’aise en communication, mais il faut prendre le temps de se former : un·e responsable politique doit communiquer, ça fait partie du job.
Se contenter de critiques sur le manque de lits de réa, comme si l’objectif était de remplir les hôpitaux plutôt que de lutter contre la maladie, et comme si un lit de réa pouvait se créer d’un claquement de doigts, c’est un peu léger.
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Certes, mais que fallait-il donc penser lorsque la machine de guerre politique Martine Vassal a indiqué à la France entière que “Ce n’est pas en mettant des bus qu’on va pouvoir diminuer la circulation du virus”
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Michèle Rubirola n’est peut-être pas une bonne communiquante mais sa position de fond est juste.
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