Désinfection des rues à Marseille : un petit tour et puis s’en va ?

Actualité
le 24 Avr 2020
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Lancée à grands renforts de vidéos sur les réseaux sociaux, l'opération de la métropole Aix-Marseille Provence a disparu des radars depuis trois semaines. La collectivité se montre peu diserte sur la poursuite des rotations. Seule certitude : dans l'hyper-centre, son prestataire ne désinfecte plus.

Au cours des mois à venir, la collectivité va tailler dans ses effectifs, y compris dans les services de la propreté. (Photo JV)
Au cours des mois à venir, la collectivité va tailler dans ses effectifs, y compris dans les services de la propreté. (Photo JV)

Au cours des mois à venir, la collectivité va tailler dans ses effectifs, y compris dans les services de la propreté. (Photo JV)

L'enjeu

Déployée fin mars dans l'hypercentre puis dans plusieurs arrondissements de Marseille, la désinfection n'a ensuite fait l'objet d'aucune communication.

Le contexte

Dans un avis publié le 4 avril, le Haut conseil de la santé publique a jugé que "le risque de contamination d’une personne par la voirie parait négligeable voire nul".

La présidente de la métropole Martine Vassal promettait, le 27 mars, “un grand plan de désinfection”. Dans les jours suivants, des vidéos de l’institution, d’élus ou d’habitants ont fleuri sur les réseaux sociaux pour attester de sa mise en branle à La Timone – bien sûr – mais aussi Endoume, Castellane, la Porte d’Aix ou encore dans le 9e arrondissement.

Et puis, quelques articles de presse plus tard, silence radio. Où sont passées les machines roulantes qui déversaient des milliers de litres de désinfectant, avec cet effet moussant très reconnaissable ? Pendant dix jours, la collectivité n’a pas été en mesure de nous éclairer. “Cela continue”, nous indiquait une source syndicale la semaine dernière. “Cela a été fait pendant une dizaine de jours sur les grandes artères”, croit savoir Véronique Dolot à la CGT Aix-Marseille Provence, sans certitude. “Cette opération n’a pas été débattue, nous l’avons apprise dans la presse et quand nous avons posé des questions nous n’avons pas eu de réponse”, reprend-elle. Au garage métropolitain de Saint-Loup, nous avons cependant croisé plusieurs véhicules similaires à ceux utilisés pour la désinfection qui rentraient de mission, mais ils peuvent aussi avoir effectué une tournée plus classique de nettoyage.

Un bilan non tiré

Il faut dire qu’entre temps, dès le 4 avril, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) est venu doucher l’intérêt sanitaire de cette mesure. “Le risque de contamination d’une personne par la voirie parait négligeable voire nul compte-tenu des modes de transmission du SARS-CoV-2 [le virus responsable de la Covid-19, ndlr], écrit cette instance consultative nationale. Un avis dans la ligne de celui d’un virologue, sollicité par Marsactu quelques jours plus tôt.

En revanche, le HCSP recommande “d’assurer le nettoyage et la désinfection à une fréquence plus régulière du mobilier urbain”, même si la meilleure barrière contre une éventuelle contamination reste le nettoyage des mains. Pour espérer faire une réelle différence avec la dégradation naturelle du virus dans l’environnement, la tâche s’annonce toutefois herculéenne. En effet, selon les quelques hypothèses disponibles, le virus ne tiendrait pas plus de quelques heures, quelques jours au pire, sur les abribus et autres potelets. Il faudrait donc sans cesse renouveler l’opération de nettoyage pour qu’elle ait un sens.

Au lancement de l’opération, la métropole avait indiqué que “bien évidemment, concernant l’efficacité sur le Covid-19, [elle] se ranger[ait] à l’avis du Haut Conseil de la santé publique”. “Nous ferons ensuite le point après quinze jours de traitement”, assurait le 29 mars au Parisien le responsable de la propreté Fabrice Bardisa. Quel bilan a-t-il été tiré de cet avis ? “Dans le contexte sanitaire actuel, La Métropole Cadre de Vie, poursuit, à travers les services du Conseil de territoire Marseille-Provence, son action pour améliorer la salubrité publique et garantir la sécurité des usagers et des personnels mobilisés sur le terrain pour assurer la continuité du service public”, nous a-t-elle finalement répondu, le 20 avril.

Un seul passage dans l’hyper-centre

Devant le caractère sibyllin de cette phrase unique, formulée par mail, nous avons tenté d’obtenir des précisions de la part de Monique Cordier, vice-présidente du conseil de territoire Marseille-Provence déléguée à la propreté. Confinée, comme une bonne part de l’institution, l’élue nous a assuré que la désinfection se poursuivait. “Il y a eu un moment où nous avions un problème d’effectifs, nous avions besoin de chauffeurs sur la collecte (des ordures, ndlr), qui était prioritaire”, explique-t-elle. Mais le “cantonnement mécanisé” a bien repris, assure-t-elle. Là encore, l’ambiguïté sur la nature des missions – désinfection ou décapage habituel – n’est pas levée.

Un machine de Noé Concept, au garage de la société à Bougainville.

Cette version est même contredite pour ce qui concerne Noé Concept, prestataire privé associé à Suez pour les 1er et 2e arrondissements, où l’affaire a été pliée début avril. “La désinfection avait lieu l’après-midi après le passage des machines de nettoyage classiques le matin. On a fait tout le secteur en l’espace d’une semaine”, commente un salarié. Depuis, seul le nettoyage classique se poursuit. Le directeur général de la PME locale, Grégory Montoya confirme cette passe unique mais ajoute que “la métropole nous a demandé de nous tenir prêts avec une quantité de produit importante”. Pour de nouvelles vidéos ou pour un “grand plan de désinfection” ?

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    « Dans le contexte sanitaire actuel, La Métropole Cadre de Vie, poursuit, à travers les services du Conseil de territoire Marseille-Provence, son action pour améliorer la salubrité publique et garantir la sécurité des usagers et des personnels mobilisés sur le terrain pour assurer la continuité du service public. » Cette phrase de prospectus publicitaire, dépourvue de toute signification concrète, illustre magnifiquement la ligne de conduite de nos élites : communiquer beaucoup, agir peu.

    La “désinfection” des rues faisait partie de ce plan com : on ne sait pas si ça sert à quelque chose, c’est peut-être même plus nocif qu’utile, mais ça permet de gesticuler. Le HCSP a d’ailleurs, dans son avis, estimé que le principal intérêt de cette gesticulation était « un impact psychologique sur la population » – tout en soulignant que les produits utilisés, le plus souvent à base de chlore, ne sont “pas sans risque pour les travailleurs l’utilisant mais également pour l’environnement.”

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour, une précision sur l’avis du HCSP et les produits utilisés : la critique porte en effet sur les produits à base de chlore – la Javel pour faire vite – que certaines collectivités ont utilisé. Ce n’est pas le cas de la métropole, qui a eu recours à un produit prévu pour le nettoyage de places de marché. Nous avons interrogé un spécialiste car il contient des substances nocives pour les organismes aquatiques, mais ce classement vaut lorsque le produit est déversé pur, pas à la dilution d’1L pour 1000 L qui est recommandée.

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  2. barbapapa barbapapa

    Des “Bouches”, comme d’habitude.

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  3. vékiya vékiya

    ils n’arrivent déjà pas à assurer un nettoyage correct en temps normal. cette bande de politicards sont les rois de l’esbroufe.

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  4. Tyresias Tyresias

    Edifiant…
    La piste des distributeurs de GHA aux points de transports en commun, semble par contre assez fondée ?

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  5. CHRISTINE PERTUZON HYMAN CHRISTINE PERTUZON HYMAN

    La désinfections des trottoirs est effectuée tous les jours sur la corniche, en tous cas pour la partie située entre la plage des catalans et le vallon des Auffes ( les camions passent sous nos fenêtres )

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