Aux confins du travail : Audrey, maraîchère
Chaque semaine, Marsactu donne la parole à des Marseillais qui continuent d’aller sur leur lieu de travail. Forces de l’ordre, primeurs, soignants, instituteurs… Ce sont celles et ceux sur qui reposent la continuité de notre quotidien. Pour ce second épisode, nous suivons Audrey Lasserre, maraîchère, confinée en plein air.
Aux confins du travail : Audrey, maraîchère
En fin d’après-midi, Audrey Lasserre sort de la chambre froide les cagettes de légumes qu’elle a récoltés, triés, pesés, emballés. Elle les dispose sur un grand établi dans une serre à l’entrée des “Jardins de l’Escapade II”. À Lauris, en bord de Durance, elle y est productrice maraîchère, avec Mathieu Le Roux, son compagnon et quatre salariés. D’habitude, ils écoulent toute leur production à Marseille sur le marché du cours Joseph-Thierry dans le 1er arrondissement. Deux tonnes de légumes bio par semaine en moyenne. Le confinement a multiplié les tâches et la charge mentale.
Audrey a pourtant la pêche et reste pragmatique face à la situation. S’il faut changer l’organisation du travail, on le fait : désormais, la distribution se fait aussi à la ferme. “On a ouvert ce point de vente par solidarité avec nos amis producteurs du village qui cherchaient un nouvel endroit après la fermeture du marché local…”, dit-elle en marquant à la craie les produits du jour disponibles sur le vieux tableau noir. Son visage est déjà bruni par le soleil qui ne s’est pas couché à la basse saison.
Envisager le confinement comme une cure de sommeil ou d’introspection ? Impensable. “Moi, j’ai pas le temps de confiner si on veut avoir à manger pendant l’été. En mars-avril, on prépare l’été, c’est le temps des plantations. Là, on prépare nos serre-tunnels : tomates, poivrons, courgettes, aubergines, concombres, melons…”
À côté de ses légumes, elle installe une vieille urne en bois à côté de son étal. “Mathieu ne veut pas que je touche l’argent”, dit-elle un peu moqueuse. Les premiers clients y jettent billets et monnaie après avoir rempli leur panier de légumes. L’action est martelée d’un “a voté !” lancé par Audrey qui conclut la vente.
“Si vous ne nous voyez plus à cause de l’épidémie, écrivez-nous”
Audrey, Mathieu et leur équipe travaillent toute l’année. “On a des clients fidèles à qui on manque si on s’absente.” Pendant le confinement, la vente continue donc aussi à Marseille le mardi et le samedi. “Ça nous rallonge les jours de récolte déjà copieux en général.”
Quelques semaines avant le confinement, la maraîchère a senti le vent tourner. Avec ses deux vendeurs, elle a récolté les adresses e-mails de ses clients pour garder le lien. “On leur avait dit : si vous ne nous voyez plus à cause de l’épidémie, on trouvera une solution pour vous livrer !”, se souvient-elle.
Le mardi 17 mars, surprise : le marché est annulé jusqu’à nouvel ordre. “Je me suis pointée au marché le mardi après l’interdiction des marchés… On était deux vendeurs [elle est la seule productrice, les autres sont des revendeurs, NDLR], je n’avais pas été prévenue de l’annulation… Les clients étaient là quand même. J’ai essayé d’appeler le service des emplacements à la Ville de Marseille mais je n’ai pas réussi à les joindre. Aujourd’hui, j’ai trouvé une autre solution, j’ai laissé tomber.”
La vente directe se fait maintenant depuis l’atelier d’une chapellerie, à deux pas des allées Léon-Gambetta. “C’est trop la classe, je vends mes légumes devant des étagères de chapeaux… On a prévenu nos clients. Ils font leur choix, comme à la ferme.”
Cette nouvelle organisation demande une dizaine d’heures de travail par semaine supplémentaires : conditionnement des légumes, pesée pour éviter la manipulation par les clients, déchargement du camion…
“Ma fille grandit à la vitesse de la lumière”
Aux Jardins de l’Escapade, une fillette brune court et crie joyeusement derrière un chien qui doit faire trois fois sa taille et son poids. À quatre ans, Louison est confinée avec ses parents sur l’exploitation. “On a la petite H/24. Mathieu s’en occupe le matin, moi l’après-midi. Heureusement, pas d’école à la maison, car elle est en maternelle. On essaye de l’éveiller à notre manière : elle bricole avec nous, elle plante les oignons, on parle des petites bêtes qu’elle découvre… Donc, on se débrouille comme on peut. Ça ne nous fait pas gagner du temps. Mais j’ai aussi embauché pour nous dégager un peu de temps de famille. Je compte deux ou trois heures par jour pour m’occuper de Louison. Elle est beaucoup livrée à elle-même mais on essaye d’être là chacun à notre tour. Elle s’autonomise et grandit à la vitesse de la lumière. C’est ce qu’apporte le confinement.”
En quittant la ferme et les derniers clients, on aperçoit Mathieu en train de préparer une parcelle de terre encore nue pour les plantations estivales. Une autre silhouette désherbe les pois gourmands. On entend un dernier « A voté ! » d’Audrey les bras en l’air, le sourire aux lèvres. Elle trotte, en transportant de nouvelles cagettes, se presse pour ranger, jette un œil à Louison, et aux clients, des fidèles et des nouveaux qu’a amené le confinement…
Commentaires
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Bonjour. A quelle adresse précisément peut on trouver Audrey et ses légumes à Marseille ? Merci
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Audrey et son bouquet de brocolis le premier dimanche du mois au marché bio des Aygalades, cité des arts le rue, un rêve ?
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Je repose la même question que Chantal. Où est la chapellerie où elle vend ses legumes sur Marseille, près de l’allée Leon Gambetta? SVP précisez ce type d’info dans l’article pour être plus compréhensible, et moins embêtés quand les gens vont vous poser sans cesse la même question!
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Je renouvelle la question ” Où est la chapellerie où elle vend ses legumes sur Marseille, près de l’allée Leon Gambetta?”
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Bonjour à Tous
pour les légumes bio du marché
le rendez vous est désormais le mardi et le samedi de 8h à 13h:
3 rue guy mocquet au restaurant La Menthe sauvage
infos de ce jour 07/04/2020 14h
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Merci de faire circuler l’info
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Merci pour ce chouette portrait de notre maraîchère préférée.
Je l’entends depuis mon confinement quand elle dit : “A voté” et je reconnais là son humour.
Vivement les retrouvailles !
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Pour voir régulièrement Audrey travailler au marché du cours J. Thierry, je suis admirative de son énergie et de son courage, auxquels votre article rend pleinement justice. Il manquait la nouvelle adresse… on l’a, donc c’est parfait.
Bravo et merci à tous ces jeunes qui sont en train de changer notre monde, pas à pas mais obstinément, et avec une conviction contagieuse !
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merci pour l’article et pour l’info ! fidèle du marché du cours J Thierry et spécialement des légumes d’Audrey. Quelle misère que de fermer les marchés de plein air, bien ventilés…
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comme les autres, je dis bravo et merci à ces jeunes qui nous donnent espoir pour le futur ! et aussi merci à la rédactrice de cet article que je trouve très bien conduit : est-ce que Marsactu pourrait continuer de lister de tels portraits de jeunes acteurs du monde de Demain (en référence au film;-) ?
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