Une vidéo virale souligne l’angoisse d’une pénurie de blouses à l’AP-HM
Ce week-end, une vidéo montrant du personnel de l'AP-HM déballant des blouses défectueuses a fait parler d'elle. S'il s'agit d'un épiphénomène selon la direction,cette vidéo très commentée par les soignants souligne en revanche une vraie crainte de pénurie de cet équipement de protection.
Capture d'écran de la vidéo du déballement des blouses défectueuses par le personnel de l'AP-HM.
La vidéo n’a pas mis longtemps à faire le tour des services de l’AP-HM, l’assistance publique des hôpitaux de Marseille et des réseaux sociaux. On y voit du personnel, infirmiers et aide-soignants, déballer des blouses qui tombent aussitôt en lambeaux. “Décrépitude totale à tous les niveaux !” ; “Je me demande à quoi peut donc bien servir l’argent des impôts…”; “Non mais on touche le fond… Personne ne contrôle la qualité des livraisons ? La sixième puissance mondiale incapable de fournir des blouses à ses hôpitaux.” Les commentaires qui accompagnent ce film de quelques secondes empruntent tous les tons de la colère, voire de l’inquiétude.
⚡Voici les nouvelles blouses envoyées hier à l'hôpital #Timone (13)
Non mais on touche le fond… Regardez ces blouses se désintégrer 😡
Personne ne contrôle la qualité des livraisons ? On parle DE BLOUSESVoici la 6e puissance mdiale incapable d'en fournir à ses hôpitaux 😢😕 pic.twitter.com/B7Huin8kHB
— Ma Vérité Politique ⚘ (@MVPolitique) April 5, 2020
D’où viennent ces blouses ? Pourquoi s’effritent-elles ainsi à peine sorties de leur emballage ? Combien d’équipements de protection sont dans cet état à l’AP-HM ? En cette période de crise sanitaire, la rumeur se propage dans les couloirs des hôpitaux de Marseille. La pénurie est sur toutes les bouches et chacun y va de son analyse.
“Il paraît que c’est parce qu’ils ont essayé de laver des blouses jetables”, souffle un travailleur social. “Non mais c’est pas possible, ils les ont trouvé où ces blouses ? C’est le fabriquant qui a payé l’AP-HM pour qu’elle les prenne ?”, s’agace encore un aide-soignant de la Timone. Sollicitée de toutes parts, la direction de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille a, ni une ni deux, organisé une conférence de presse pour éteindre l’étincelle de ce qu’elle considère être un épiphénomène.
300 blouses défectueuses sur 20 400
“Ces surblouses défectueuses proviennent d’un stock de 20 400, sur lequel seulement 300 se sont révélées inutilisables, minimise Pierre Pinzelli, secrétaire général de l’AP-HM. En ce moment, nous en utilisons entre 5 000 et 7 000 par jour.” Jetable, cet EPI, pour équipement de protection individuelle, se place comme son nom l’indique sur les blouses avant d’effectuer des actes chez des patients contaminés. “Il s’agit d’une commande antérieure à la crise faite chez un fournisseur très sérieux (Frontex), ajoute le SG pour couper court aux rumeurs. Nous réalisons un sondage de qualité par lot et non pas par sachet. Mais dès que notre système lié aux événements indésirables a permis d’identifier les surblouses défectueuses, elles ont immédiatement été retirées et remplacées. Il n’y a eu aucune mise en danger.”
En tout, trois cartons contenaient ces EPI impropres à l’utilisation. Deux ont atterri dans le service enfants de la Timone. Avant que le personnel ne fasse donc remonter le souci. Quant aux raisons de cette détérioration, la direction de l’AP-HM avance par voie de communiqué un éventuel “stockage dans un lieu humide”. L’AP-HM a-t-elle fait les fonds des tiroirs pour ressortir du matériel ainsi dégradé ? “Ces EPI n’ont pas de date de péremption”, répond Pierre Pinzelli, qui considère l’affaire comme peu digne d’intérêt. Mais la crainte d’une pénurie de ce type de matériel est bien réelle au sein du personnel.
“L’EPI qui nous fait le plus défaut”
“Dès que l’on a été informé qu’un lot entier de surblouses qui partaient en poussière avaient atterrit au service enfants, on s’est renseigné, raconte Audrey Jolibois, représentante du syndicat FO à l’AP-HM. C’est, semble-t-il, un cas isolé. Ça peut arriver de tomber sur du matériel défectueux. Mais je reste vigilante.” Le syndicat appelle donc le personnel de l’AP-HM a lui faire remonter toute information sur d’éventuels problèmes similaires. Mais s’inquiète d’un problème plus large. “Ça risque d’être très compliqué si les commandes de surblouses n’arrivent pas. Nous sommes à flux tendu. Sur les masques et tout le reste ça va, mais on croise les doigts pour les surblouses.” Une inquiétude que ne nie pas le secrétaire général de l’AP-HM.
“Sur les lunettes, les blouses, les gants, les écrans, les solutions hydroalcooliques, il n’y a plus de tension. Ce qui n’est pas le cas des surblouses, c’est l’EPI qui nous fait le plus défaut”, concède Pierre Pinzelli. Selon lui, une grosse commande de 79 500 unités est attendue ce mardi. Mais si celle-ci est, à l’heure où nous écrivons ces lignes, confirmée, aucun certitude ne peut être avancée. En témoigne le récent exemple de la livraison de masques chinois à destination de la France achetés sur le tarmac par les américains ou la réquisition de masques achetés par le département des Bouches du-Rhône par la préfète de la région Grand Est. Ce week-end, un réapprovisionnement d’urgence a déjà été réalisé. Mais celui-ci ne permettra pas de tenir dans la durée. Si la commande de près de 80 000 unités n’arrive pas très prochainement, le secrétaire général de l’AP-HM pense pouvoir tenir six jours. Deux, glisse une autre source bien informée.
“On nous envoie à la guerre sans arme ni munition”
La tension, elle, est déjà bien présente. Ce lundi matin, un aide-soignant de la Timone a contacté Marsactu pour témoigner de son inquiétude. “Aux urgences, certains membres du personnel doivent les garder toute la nuit. On nous dit que la livraison arrive mardi, mais combien de fois on nous a dit ça et on a rien vu arriver ? C’est comme si c’était juste pour faire patienter les gens.” Il poursuit : “On nous envoie à la guerre sans arme ni munition. Si on a pas le matériel qu’il faut, moi j’arrête, et je ne suis pas le seul. C’est hors de question que je ramène le virus à la maison. Et j’ai pas envie de me retrouver à la place des patients sur le brancard non plus.”
À l’hôpital Nord, un autre incident a récemment soulevé cette tension liée aux surblouses. “Nous avons dû intervenir car la direction a demandé de ne pas la mettre pour tous les soins, raconte Audrey Jolibois. Le personnel voulait la porter tout le temps. La direction est rapidement revenue sur sa décision.” Selon la direction, aucun usage d’EPI non validé par un process n’a pour le moment eu lieu au sein de l’AP-HM. Des livraisons ont-elles déjà manqué à l’appel ? La direction répond par l’affirmative. “Et nous avons toujours réussi à faire face”, assure Pierre Pinzelli. Ce dernier reconnaît cependant les difficultés liées à la dépendance à des livraisons de matériel par des fabricants étrangers. “Nous essayons de sortir de ces difficultés en nous tournant vers le tissu économique local”, ajoute-t-il. Un prototype serait déjà validé. Aussi, une cellule spécifique d’acheteurs spécialisés travaillent actuellement pour acquérir du matériel de protection individuel en dehors des règles de commandes publiques. Il n’y a pas que pour les fraises, que consommer local a de l’intérêt.
Commentaires
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« Il n’y a pas que pour les fraises, que consommer local a de l’intérêt ».
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mais puisqu’on vous dit que ce n’est pas grave. toujours à pleurer ces fonctionnaires…
courage et merci
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C’est un peu pareil partout dans le pays: https://www.lyonne.fr/auxerre-89000/actualites/imbroglio-sur-l-approvisionnement-en-masques-du-grand-est-et-de-la-bourgogne-franche-comte_13774007/
L’Etat réquisitionne pour “organiser la logistique”. S’ils pouvaient tous prendre la décision de se confiner, on arriverait peut-être à sortir de la crise avant que covid ne décide d’aller voir ailleurs. Pathétique! Il faudra bien que les comptes se règlent et le plus tôt sera le mieux.
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